Les personnalités qui ont donné leur nom au fort 

Die Persönligkeiten die Ihren Nahmen an das Fort gegeben haben

 
 

Friedrich I. Großherzog von Baden (Frédéric Ier Grand Duc de Bade)

 
 

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Fils du grand-duc Léopold Ier de Bade et de Sophie de Suède.

Frédéric Ier de Bade épousa en 1856 la princesse Louise de Prusse (1838-1923), nièce du roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse et fille du prince de Prusse Guillaume (le futur Kaiser) et d'Augusta de Saxe-Weimar-Eisenach).

Prince protestant partisan d'une "Petite Allemagne", Frédéric Ier prit naturellement parti pour la Prusse contre l'Autriche en 1866 et participa également à la guerre contre la France en 1870.
Aussi lors de la proclamation de l'Empire allemand dans la galerie des glaces du château de Versailles le 18 janvier 1871, Frédéric Ier, gendre du nouvel empereur allemand Guillaume Ier, fut-il personnellement présent.

 
Nonobstant, il fut considéré par ses contemporains comme un défenseur de la monarchie constitutionnelle opposé au conservatisme et à l'autoritarisme militariste prussien et politiquement proche de son beau-frère le prince héritier Frédéric-Guillaume.


 

Le maréchal Philippe Pétain


 
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- Sa jeunesse :

1856 : naissance de Philippe Pétain à Cauchy-à-la-Tour dans le Pas-de-Calais. il est issu d'une famille d'agriculteurs et éduqué dans un collège religieux à Saint Omer.

1871 : la défaite de la France face à l'Allemagne reste un traumatisme.

1876 : il fait son entrée à l'Ecole militaire de Saint-Cyr.

1878 : il sort de cette école comme sous-lieutenant de chasseurs à pied.

 

- Sa carrière militaire :

1883 : il passe lieutenant.

1888 : il intègre l'Ecole supérieure de la guerre.

1890 : il en ressort breveté d'état-major et passe capitaine.

1901 : il enseigne à l'Ecole de guerre, mais ses positions opposées à la doctrine de l'état-major retardent son avancement. Il n'est pas favorable à la guerre à outrance mais plutôt à une position défensive soutenu par une puissance de feu.

1910 : il est promu colonel. Après avoir commandé le 33e Régiment d'Infanterie à Arras, il prend le commandement de la 4e Brigade d'infanterie à Saint-Omer.

 

- La Première Guerre mondiale :

1914 : la guerre commence le 2 août. Le colonel Pétain se bat dans la Meuse. Dès le 31 août, sa réussite est récompensée par les étoiles de général de brigade. En septembre, il passe général de division et en octobre il prend le commandement du 33e Corps d'Armée.

1915 : il reçoit le commandement de la IIe Armée et il acquiert déjà une bonne réputation auprès des soldats.

1916 : il est nommé en février chef du front de Verdun. Par sa tenacité, il remporte la bataille d'usure face au Kronprinz. Cette victoire de Verdun va créer le mythe du "Vainqueur de Verdun".

1917 : il devient chef d'état-major en avril. Mais des vagues de mutineries se développent au sein des rangs français. Il tente d'éviter au maximum les exécutions capitales et prend des mesures pour rendre la vie du soldat plus supportable, notamment par la multiplication des permissions.

1918 : Le 11 novembre, l'armistice est signé. Il se voit remettre le 12 décembre le bâton de maréchal de France.

 

- L'entre-deux guerres :

1919 : il est élu à l'Académie des sciences morales et politiques

1920 : il est vice-président du Conseil supérieur de la guerre jusqu'en 1931

1922 : il est nommé inspecteur général des armées

1928 : le service militaire est abaissé à 1 an avec le soutien du maréchal Pétain. Son rôle politique dans la IIIe République est bien réel

1929 : il est élu à l'Académie française. C'est le dernier survivant des grands chefs militaire de la dernière guerre. Il est favorable au projet de construction d'une ligne de défense fortifiée sur les frontières

1931 : alors qu'il ne croît pas dans l'utilisation des nouvelles armes comme les chars et les avions, il est nommé inspecteur général de la Défense aérienne

1936 : les émeutes de février entraînent la nomination du maréchal Pétain au ministère de la Guerre. Il engage les premières réductions de crédit militaire qui freine la modernisation de l'armée

1939 : il accepte le poste d'ambassadeur en Espagne afin de négocier la neutralité du pays dirigé par le général Franco si un conflit devait éclater entre la France et l'Allemagne.

 

- La Seconde Guerre mondiale :

1940 : le 10 mai les hostilités entre l'Allemagne et la France débutent. Le 17 mai, le maréchal est rappelé en France pour occuper la fonction de vice-président du conseil. Il soutient le général Weygand, favorable à un arrêt des combats et à un armistice. Mais la majorité des hommes politiques veulent poursuivre la lutte jusqu'en Afrique du Nord s'il le faut. Le maréchal est conscient que la défaite est inévitable et qu'elle est la conséquence du régime républicain. Il pense que c'est l'occasion de redonner un nouveau souffle à la nation qui tombe de haut. Le 16 juin, il remplace Paul Reynaud à la tête du gouvernement. Le lendemain, il annonce à la France par les ondes qu'il faut "cesser le combat". Le 22 juin, l'armistice est signée. La France est alors coupée en deux zones : occupée au nord et libre au sud. C'est dans la zone libre que le maréchal installe les bases de son nouveau gouvernement dans la ville d'eau de Vichy. Le 10 juillet, la IIIe République est remplacée par le régime de Vichy. C'est par le vote de l'Assemblée Nationale que ce changement de constitution s'opère dans la légalité. Dès le lendemain, les Actes constitutionnels nomment le maréchal Pétain chef de l'Etat français et investit du pouvoir législatif. Ces mesures devaient être temporaire jusqu'à la nomination d'une nouvelle Assemblée. Le gouvernement de Vichy est composé d'hommes politiques d'horizons diverses : parlementaires, syndicalistes pacifistes, technocrates, etc. Le programme poitique est résumé par l'appellation : "Révolution nationale". L'immense prestige auprès des Français et la crise engendrée par la défaite laissent les mains libres au maréchal Pétain pour diriger l'Etat


 
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Le 24 octobre, la rencontre de Montoire avec Hitler entérine la position de la France dans le collaborationnisme. Néanmoins, il garde des contacts avec les Etats-Unis par l'intermédiaire de son ambassadeur à Vichy qui restera tout au long du conflit.

1941 : le maréchal poursuit la réalisation de la Révolution nationale. Les lois antisémites sont votées, la franc-maçonnerie est interdite et la lutte contre le communisme est un combat commun mené avec les Allemands

1942 : c'est le tournant de la position du maréchal Pétain. Les Allemands lui imposent le retour de Laval dans le gouvernement. Puis l'invasion de la zone libre est réalisée sans résistance. Le maréchal sent bien que son pouvoir devient de plus en plus restreint.D'ailleurs Laval obtient l'ensemble des pouvoirs exécutif et législatif

1943 : il ne contrôle plus la destinée de l'Etat français. Il est obligé d'admettre la création de la Milice

1944 : devant l'avancée des troupes alliées en Europe, il préfère se faire prisonnier des Allemands qui l'envoient à Sigmaringen

1945 : il se réfugie en Suisse et en avril, il se rend aux autorités françaises. Son procès se déroule du 23 juillet au 15 août par la Haute Cour. Il est condamné à mort, privé de ses biens et frappé de l'indignité nationale. Il obtient la grâce du général De Gaulle


 
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Le procès du Maréchal Pétain mis à mal le mythe du "Vainqueur de Verdun".

 

1951 : il meurt emprisonné à l'Ile d'Yeu


 

Biographie du Général d’Armée Aubert Achille Jules Frère

 

 

Dernière mise à jour : 29 juillet 2020

 

Auteur : MJR.

 

Introduction

 

Lors de mes premières recherches relatives à la vie et à la carrière du général Frère, je me heurte immédiatement à un manque d’informations évident. Sur Internet, dont Wikipédia et divers sites on trouve de très courtes biographies. Par ailleurs un panneau qui avait été réalisé pour les visiteurs du fort Frère à Oberhausbergen nous donne quelques éléments complémentaires. Il existe aussi une biographie du général Frère, écrite en 1949 par le général Weygand, à la demande de son épouse Mme Frère. Dans cet ouvrage on constate également que l’information concrète est assez rare. En effet, le général Weygand explique que les archives de la famille et du général Frère avaient disparu. Au début de la deuxième guerre mondiale sa cantine militaire était restée à Strasbourg, qui a été occupée par les troupes allemandes. Les autres archives ont été saisie au cours de la seconde guerre mondiale, vraisemblablement par la Gestapo. La biographie écrite par le général Weygand s’appuie donc sur les documents officiels, comme ses notations, ses décoration et citations, et surtout sur d’innombrables témoignages, de ses subordonnés, de ses camarades de l’armée et de ses supérieurs. Il utilise également des témoignages parus dans divers ouvrages écrits par d’autres militaires célèbres. La fragilité des témoignages apporte malheureusement quelques incohérences dans les dates et l’extraction des renseignements précis a été fastidieux. Toutefois j’ai essayé de revoir cette courte biographie destinée au site Internet du Fort Frère, pour que l’on ne se limite pas à quelques faits chronologiques, mais que l’on découvre plus précisément la personnalité de ce prestigieux personnage militaire si peu connu. Il reste toutefois encore un long travail de recherche à faire pour la compléter. Mais sans attendre, allons voir le destin qui été celui de cet homme exceptionnel, dont le fort d’Oberhausbergen porte actuellement son nom.

 

1881 – 1900 : Sa jeunesse et ses études

 

Aubert Achille Jules Frère voit le jour à Grévillers dans le Pas-de-Calais le 21 août 1881. Il est le dernier d’une famille de onze enfants (d’autres sources indiquent sixième d’une famille de onze enfants). Son père, Ghislain François Joseph Frère (1850-1934) est un propriétaire terrien exploitant son domaine et maire de la commune. Sa mère est Juliette Cécilia Ruffine Walle (1853-1926). Il entre à l’école du village, puis poursuit ses études dans les écoles chrétiennes de la région.

Carte postale ancienne de Grévillers avant 1914. Source : Internet.

De 1891 à 1896 il est élève du collège Saint-Jean-Baptiste de Bapaume puis poursuit ses études secondaires au collège Saint-Bertin de Saint-Omer.

Collège Saint-Jean-Baptiste de Bapaume, vers 1914. Source : Internet.

Collège Saint-Bertin à Bapaume. Source : Internet.

A l’âge de dix-sept ans il part préparer le bac à lauréat et le concours d’entrée à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr en entrant à Corniche au collège des Jésuites de la rue des Poste. Ses camarades de classe se rappellent sa vivacité, sa sensibilité, sa gentillesse et son âme prompte à s’enthousiasmer. Il remporte plusieurs prix et est bachelier à 19 ans.

 

 

1900 – 1914 : Avant la Première guerre mondiale

 

 

1900 : Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr

 

A cette époque une grande partie de l’élite scolaire de la nation s’orientait vers les grande-écoles. Les candidats qui se pressaient au concours de Saint-Cyr étaient si nombreux que seulement un sur huit d’entre eux se trouvait parmi les élus. Mais Aubert Frère réussit brillamment le concours d’entrée de l’Ecole militaire de Saint-Cyr. Il fait partie de la 85e promotion de l’Ecole Spéciale Militaire, la promotion du Tchad (1900-1902) et suit la voie ouverte par l’un de ses frères ; il était en effet quatrième sur les cinq cents trente-trois candidats admis.

A l’Ecole Spéciale Militaire sa personnalité s’affirme. Son ardeur au travail, sa foi, son intelligence et son patriotisme le maintienne aux premiers rangs de sa très nombreuse promotion. L’appréciation du commandant de l’école reflète sa réussite : « Nature très sympathique, sujet admirablement doué et tout à fait d’élite. Qualités remarquables ». Ce sont finalement 514 sous-lieutenants qui sortent de l’école. Le sous-lieutenant Frère, âgé de vingt-et-un an, termine troisième au classement de sortie de l’école ce qui lui laisse un large choix sur tous les régiments de l’armée pour sa future affectation. Son choix porte sur le 2e régiment de tirailleurs algériens, dont de nombreuses unités opéraient dans le Sud-Oranais. C’est une région frontalière avec le Maroc où l’on luttait tous les jours contre les djouchs qui surgissaient des montagnes marocaines pour attaquer les populations des confins algéro-marocains. C’était la seule affectation du domaine colonial français où l’on pouvait avoir à se battre.

 

1902 – 1912 : Algérie / Maroc : au 2e Régiment de Tirailleurs Algériens

 

Le sous-lieutenant Aubert Frère quitte donc les brumes du Nord pour rejoindre le soleil d’Afrique, où il va rester dix années, de 1902 à 1912. Ce sont les années essentielles pour la formation du soldat et du chef. La garnison officielle et portion centrale du 2ème régiment de tirailleurs algériens était à Mostaganem[1]. Cette unité d’élite comprenait six gros bataillons de mille hommes, qui étaient répartis sur une région large d’environ 300 kilomètres et profonde de presque 1 000 kilomètres, qui s’étendait sur toute l‘Oranie, de la mer aux bordures du Sahara algérien.

Les régiments de tirailleurs étaient à cette époque de véritables troupes de métier. Les hommes servaient quinze ans avec la faculté de prolonger leur engagement. Le séjour en Afrique du sous-lieutenant Frère peut être partagé en deux parties égales de cinq ans chacune, que l’on peut appeler une période préparatoire et une période d’action.

Le 10 septembre 1902, le colonel Lyautey arrive à Aïn Sefra, prend le commandement, et peu de temps après il est nommé général de brigade. A peine quelques semaines plus tard le sous-lieutenant Frère débarque à Oran. Nous n’avons que peu de renseignement sur la première partie de son séjour, hormis les appréciations de ses supérieurs. Dès son arrivée, il se fait remarquer par ses qualités d’esprit, son zèle, la franchise, l’énergie de son caractère, son cœur à l’ouvrage sans oublier sa modestie. Lorsqu’il rentre à Tlemcen en 1904, après un séjour dans le sud, son colonel donna cette appréciation : « Intelligence énergique, sérieux et calme ». Il parlait couramment l’anglais et traduisait bien l’Allemand, et il a vraisemblablement acquis de bonnes connaissances en langues arabe pour être en mesure de commander ses hommes et prendre contact avec la population locale. En 1904, il est détaché avec son peloton dans un poste isolé, alors qu’il avait commencé à préparer l’Ecole de Guerre. Il dut donc renoncer à se présenter au concours lorsque sa compagnie est envoyée à Taghit. Pendant ce séjour, il participe à une reconnaissance qui est envoyé sur le Guir moyen. Les notations de ses supérieurs mettent en lumière son esprit d’initiative. Il est apprécié comme un officier de valeur à qui l’on confie des missions délicates.

En avril 1907, le général Lyautey, commandant la division d’Oran, place le lieutenant Frère à la tête du groupe franc d’El Ardja. L’insécurité y régnait de façon endémique. Il effectue des patrouilles, vêtu comme les autres indigènes, se contentant pour toute nourriture pendant plusieurs jours de galettes d’orge et d’une poignée de dattes, capable de parcourir à pied et d’une traite à allure rapide, une centaine de kilomètres pour lutter contre les djouchs et les rezzous.

Le lieutenant Frère participe notamment à une opération de guerre en 1908 contre des gros rassemblements ennemis qui se formaient dans le Sud-Oranais. Pendant toute la durée des opérations, le groupe Frère a toujours été à l’extrême pointe d’avant-garde ou dans les montagnes sur le flanc dangereux. Il a suscité l’admiration de ces chefs, qui, malgré sa jeunesse, le propose pour la Croix de la Légion d’Honneur. Le général Lyautey, lui attribue la Croix le 13 juillet 1908 avec la citation suivante : « Huit ans de service, six campagnes. Services exceptionnels : a pris part à toutes les opérations depuis mars 1908 sur le front algéro-marocain, s’est constamment fait remarquer par son sang-froid et sa bravoure, en particulier aux combats des 13 et 14 mai à Bou Denib ».

A l’issue de cette campagne, le lieutenant Frère part alors en congé et passe embrasser ses parents en Artois. Comme la vie des groupes francs n’allait pas sans fatigues excessives, supportée avec une alimentation mesurée, à son retour en France il est atteint d’une fièvre typhoïde sérieuse et a dû passer quelques semaines à l’hôpital. A son retour sur le terrain, soucieux de lui éviter des efforts, le général Lyautey l’affecte alors au Parquet de l’un des Conseils de Guerre d’Oran, dans des fonctions de substitut du commissaire du Gouvernement. Il se fait immédiatement remarquer par sa conscience, son entente des affaires et le déploiement de sa logique. Sa volonté d’entrer le plus tôt possible à l’Ecole de Guerre, l’amena à être affecté au cabinet du général Lyautey, pour préparer l’examen. Il participe également à la vie mondaine locale et devient un familier de la maison du général Lyautey.

Puis le lieutenant Frère va néanmoins repartir au Maroc occidental, tant pis pour l’Ecole de Guerre. Son séjour au Maroc occidental sera de courte durée, puis il part pour le Maroc de l’ouest. A Oujda[2] il retrouve les affaires sérieuses. Dans les années 1908 et 1909, et durant la première moitié de 1910, l’effort militaire se porte surtout dans le sud et dans l’ouest marocain. Le lieutenant Frère fut l’âme de la création du poste de Taourit ou se trouvait des unités de police franco-marocaine. Très vite l’unité de du lieutenant Frère prend part à toutes les opérations de police et de reconnaissance de l’Amalat d’Oudjda. Frère peut alors donner sa mesure à la tête de sa section, utilisée comme groupe franc. De jour comme de nuit, inlassablement son groupe sillonne le bled.

Carte au 1/50 000e du Maroc Oriental datant de 1913. Source : Gallica, BNF.

Au cours de l’année 1911, le lieutenant Frère prend part aux combats lors des attaques du camp de Merada, les 6 et 18 mai 1911 et celle du camp de Taourit, suivi d’une poursuite, le 20 mai 1911.

[1] Mostaganem est une ville portuaire de Méditerranée située au nord-ouest de l’Algérie.

[2] Oujda est une ville Marocaine située au nord-est du Maroc, bordée au nord et à l’ouest par le Rif oriental. Elle est située à 5 kilomètres de la frontière algérienne, c’est un point de passage entre l’Algérie et le Maroc. Elle est célèbre pour sa Grande Mosquée de la fin du XIIIe siècle. La ville est entourée de fortifications reconstruites vers 1208 où l’on trouve l’imposante porte de Sidi Abdelouhab. En 1907 la ville est occupée pendant cinq années par les troupes française avant la mise sous protectorat. Dès 1910 la ville est reliée par une voie de chemin de fer à Maghnia en Algérie, puis le chemin de fer s’étend jusqu’à Fès en 1924. (Source : Wikipédia).

 

1912 : Amiens au 8e bataillon de chasseurs[1]

 

Au début du mois d’août 1912, le lieutenant Frère est muté en France. Après une période de repos auprès des siens à Grévillers, il rejoint le 8e bataillon de chasseurs à Amiens. Il est aussitôt détaché au peloton des Elèves Officiers de Réserve du 2e corps d’armée. Ses notes le montrent comme un professeur fort apprécié, de législation, d’administration militaire, de fortification et de travaux de campagne. Il réalise également d’excellente conférences sur le Maroc. Mais après son séjour mouvementé en Afrique du Nord, la vie de garnison en métropole doit lui apparaître bien terne. Quelques mois plus tard il est nommé au grade de capitaine.

 


[1] Le 8e bataillon de chasseurs à pied, ainsi que neuf autres bataillons, est créé par l’Ordonnance Royale du 23 septembre 1840. Il est en Algérie au moment de la conquête et est rappelé en France en février 1859. Le 3 octobre 1877 il est envoyé à Amiens ou il reste en garnison jusqu’au 30 septembre 1913.

 

1912 : Remiremont au 5e bataillon de chasseurs

 

1912 : Il rejoint le 5e bataillon de chasseurs à Remiremont, sur la frontière des Vosges. Il passe de nombreux dimanches à parcourir la ligne des crètes en regardant l’Alsace. A Remiremont une antipathie réciproque l’éloigne de son chef de bataillon. Il s’en plaint lorsque qu’il est l’invité du général et de Mme Lyautey à Crévic. Il informe le général qu’il souhaite démissionner. Le général Lyautey lui propose alors de l’emmener en Afrique du Nord, mais le capitaine Frère préfère rester en France, pour organiser son mariage. Il demande également sa mutation pour Cambrai, au 1er régiment d’infanterie.

 

Octobre 1913 : Amiens à la 8e compagnie du 1er régiment d’infanterie

 

Muté à Amiens au 1er régiment d’infanterie de ligne, il y prend le commandement de la 8e compagnie en octobre 1913. Quelques mois avant le début de la première guerre mondiale, c’est une aire de bonheur qui s’ouvre pour la capitaine Frère. Il se marie le 5 mai 1914 avec Pauline Legrand, née à Arras le 13 avril 1894 (1894 Arras – 1989 Paris), qui était une cousine germaine. Une commune foi les rapprochait et jamais ménage ne sera plus uni. Malheureusement cette première période de félicité sera courte, quand la guerre éclate en août 1914 et le capitaine part en ligne à la tête de sa compagnie.

 

 

 

Août 1914 – Novembre 1918 : Première Guerre mondiale

 

 

Août 1914 : la Grande Guerre au 1er régiment d’infanterie

 

Le 1er régiment d’infanterie de ligne faisait partie de la 1ère division. La 1ère division entre dans l’organigramme du 1er corps d’armée et ce dernier est sous le commandement de la Ve armé qui constitue l’aile gauche du dispositif général. Lorsque le régiment quitte Amiens au début du mois d’août 1914 pour rejoindre sa zone de déploiement, les étapes à parcourir son longues sous une chaleur accablante. Le capitaine Frère n’hésite pas à marcher en tête de sa compagnie et de laisser son cheval pour mettre une dizaine de paquetages des hommes les plus en difficultés. C’est le 15 août 1914, que le 1er corps a reçu son baptême du feu. En Belgique, le 1er Corps d’armée rejette les Allemands sur la rive droite de la Meuse et dégage Dinant. Mais rapidement les événements prennent une tournure défavorable. C’est le 22 août 1914 que le capitaine Frère est blessé pour la première fois. Alors que son bataillon est placé aux avant-postes, et que sa compagnie est en grand-garde à Romedenne, au sud de Namur. Une balle l’a frappé à la base du coup à courte distance. Le trou d’entrée est petit mais celui de la sortie est très important. Il a été soigné dans un premier temps au poste de secours puis évacué.  

 

1915 : la Grande Guerre au 2ème Bataillon du 84e régiment d’infanterie

 

Sa blessure à peine cicatrisée, il rejoint sa nouvelle unité dans la région de Reims, au moment où se livrait de très durs combats lorsque les Allemands avaient arrêté la poursuite après la victoire de la Marne. Dans les premiers jours de l’année 1915, le capitaine Frère est appelé à prendre le commandement du 2e bataillon du 84e régiment d’infanterie, dont le chef venait d’être tué. Ce régiment est engagé au sein de la IVe armée. Il obtient sa deuxième citation le 14 janvier 1915 : « Chargé d’attaquer des positions ennemies au nord de Beauséjour, a communiqué à tous son ardeur et son entrain. Par son sang-froid et ses dispositions judicieuses, a pu, avec un minimum de pertes, occuper les lisières du bois au nord de Beauséjour et s’y maintenir ». Deux mois plus tard une troisième citation confirme sa ténacité et sa bravoure. Une dernière phase de ces combats, connus sous le nom de première bataille de Champagne, occupe la deuxième quinzaine de février 1915. Au cours de cette période, le bataillon Frère perd la moitié de ses effectifs. Au début du mois de mars 1915, le Ier corps est retiré du front et mis au repos dans la région d’Epernay. Par la suite il est mis en route par étapes aux environs de Verdun, où il fait partie du groupement Guillaumat, qui avait pour mission de réduire le saillant de Saint-Mihiel. Le 1er corps prend part aux attaques dans la région des Eparges. Le 23 avril 1915, le 1er Corps est retiré de ce secteur et est transporté dans le secteur de Trigny-Berry-au-Bac. Le 84e R.I. quittant le 1er corps, le général Guillaumat souhaitant garder le capitaine Frère, on lui confie le commandement d’un bataillon dont le chef est parti en permission.

Mettant à profit une période de calme, le général commandant la IVe armée avait décidé d’appeler par roulement les officiers à des cours d’informations où seraient tirés les leçons des récents combats. Le capitaine Frère est chargé de diriger celui du 1er Corps d’Armée. A l’ouverture du cours, le général Guillaumat présente Frère dans ses termes : « Ne vous étonnez pas, messieurs, que je confie ces leçons à un simple capitaine. Au cours des années que j’ai passée au ministère de la Guerre comme Directeur de l’Infanterie, j’ai rencontré peu d’officiers de l’intelligence et de la valeur du capitaine Frère, et je n’en crois pas de plus capable de diriger le travail que nous avons à faire ici ».

 

Août 1915 : au 2e Bataillon du 1er régiment d’infanterie

 

Au mois d’août 1915, il est nommé au commandement du 2e bataillon du 1er régiment d’infanterie de ligne, et est promu au grade de chef de bataillon à titre temporaire, alors il n’avait pas deux ans de grade de capitaine. Le commandant Frère à la tête de son bataillon prépare le terrain dans la région de Sapigneul en vue de la prochaine attaque, qui ne sera pas lancée.

Le 13 novembre 1915, le 1er régiment d’infanterie relève le 33e régiment d’infanterie à la cote 108, une hauteur crayeuse très disputée qui domine au sud de Berry-au-Bac. Le 5 décembre 1915, face à l’imminence d’une attaque ennemie à l’aide de fourneaux de mines, le commandant Frère ramène l’essentiel de ses effectifs en seconde ligne et ne laisse qu’un rideau de guetteur. Les mines explosent le 6 décembre 1915 à 4 h40 ensevelissant les fantassins restés en première ligne. Ses hommes garnissent immédiatement la seconde ligne mais aucune attaque allemande ne suit. Le commandant Frère en profite pour consolider sa position sur les lèvres même des cratères des explosions de mines. Il obtient sa quatrième citation : « Officier supérieur merveilleux d’entrain, de bravoure et de sang-froid. Au cours des opérations qui ont marqué en septembre la préparation de notre offensive, a pris pied dans les tranchées avancées allemandes et y a organisé sa position dans des conditions que rendaient extrêmement difficiles la configuration du terrain et un bombardement incessant. Plus récemment soumis à des explosions de mines d’une violence exceptionnelle, a pris aussitôt toutes les dispositions nécessaires pour reconstituer son front et maintenir à un haut degré le moral de ses troupes malgré les pertes subies ». En 1915, le 1er Corps a passé une année de luttes incessantes dans les secteurs les plus durs : trois mois en Champagne suivis de huit jours de repos, quinze jours de combat dans la Woëvre, puis sans transition dix mois d’une vie de secteur où le calme fut l’exception.

 

Février 1916 : au 2e bataillon du 1er régiment d’infanterie à Verdun

 

Le 19 février 1916, le 1er corps d’armée est relevé et envoyé au repos dans la région de Vitry-le-François. Mais dès le 24 février 1916, il est dirigé sur Verdun, où l’attaque allemande était déclenchée depuis trois jours. Le général Joffre appela l’état-major d’armée du général Pétain et mis à sa disposition deux corps d’armée d’élite : le 20e et le 1er corps. Aussitôt débarquées les troupes interviennent en urgence. Le commandant Frère à la tête de son bataillon du 1er régiment d’infanterie, prend dès le 29 février 1916 la défense d’un secteur dont la gauche était appuyée à la Meuse. Pendant les premières nuits, face aux attaques allemandes, la 1ère division effectue une poussée méthodique et continue sur la côte du Poivre et reprend un peu de terrain. L’ennemi réagit surtout entre le 5 et le 9 mars 1916, lorsqu’il étend son offensive à la rive gauche de la Meuse. La 1ère division tient bon et améliore son organisation défensive en construisant plusieurs lignes successives de tranchées. Le commandant Frère qui avait installé ses avant-postes à la crête et sa première ligne à contre-pente, se montrait toujours infatigable et tout près des siens. Armé seulement de sa jumelle, il étudiait longuement le terrain pour mieux le défendre. Le bataillon est relevé le 9 avril 1915. Appelé à noter le commandant Frère, son chef de corps se plut à reconnaître en lui « le tempérament et la valeur d’un jeune général de la République ».

 

9 avril 1916 : au 2e bataillon du 1er régiment d’infanterie dans la région de Craonne

 

La 1ère division est relevée du front de Verdun à partir du 11 avril 1915 pour prendre pendant trois mois un secteur de défense dans la région de Craonne, puis mise à l’instruction au camp de Crèvecœur, pour être formée aux méthodes arrêtées par le général Foch pour la conduite de la bataille de la Somme.

 

20 août 1916 : au 2e bataillon du 1er régiment d’infanterie dans la bataille de la Somme

 

Le 10 août 1916, tous les éléments sont regroupés au sud d’Amiens en attendant d’être engagée dans cette nouvelle bataille. Sur la Somme, les deux corps d’armée d’élite se retrouvèrent, non pour se battre côte à côte comme à Verdun, mais tour à tour. Au mois d’août 1916, le 1er corps d’armée relève le 20e corps en ligne depuis le début de la bataille déclenchée le 1er juillet 1916. Le général Guillaumat et son 1er corps entre en ligne le 20 août 1916. Son unité a obtenu le renfort de la 45e division. L’objectif de la 1ère division est le village de Maurepas tenu par l’infanterie bavaroise dont la prise revient au 2e bataillon du 1er régiment d’infanterie du commandant Frère. A 17h45 il s’élance à la tête de ses troupes, coiffé de son célèbre calot rouge, mais le 1er régiment d’infanterie a de grandes difficultés pour traverser la partie nord de Maurepas. Les combats durent toute la nuit et c’est seulement au matin que Maurepas est aux mains des Français. Ces attaques ont pour but de soulager le front de Verdun pour que les Allemands soient obligés de transférer des troupes vers la Somme. La 1ère division est mise au repos pendant quelques jours jusqu’au 10 octobre 1916, où le 1er corps est relevé après s’être emparé de Frégicourt et de Combles. A cette occasion le 1er corps est passé en revue par le commandant en chef, qui décore le commandant Frère de la Croix d’officier de la Légion d’Honneur, décernée avec la citation suivante : « Officier supérieur d’une vaillance exceptionnelle. Au cours de récentes opérations, a brillamment entraîné son bataillon à l’assaut d’un réduit fortifié, puis a manœuvré d’une façon remarquable pour faire tomber les îlots où résistaient des groupes ennemis. Déjà cité quatre fois à l’ordre ». Un peu plus tard le 1er corps est mis au repos dans un secteur calme. Son fameux calot rouge a été gardé pieusement par Mme Frère. Il a échappé aux désastres dans lesquels ont disparu les plus chers souvenirs. Elle en a fait don au 1er régiment d’infanterie.

 

Fin d’année 1916 : au 2e Bataillon du 1er régiment d’infanterie à Vedenay près du camp de Châlons

 

Le général Guillaumat profit du repos du 1er corps d’armée pour confier au commandant Frère un cours de formation des futurs chefs de bataillon. Ses élèves sont d’ailleurs étonnés par l’âge de l’instructeur. Il a mené cette instruction sur le terrain le matin et terminait les journées par la conférence de l’après-midi. A partir du 21 janvier 1917, le 1er Corps est transporté sur le front qui s’étend de l’Oise à Arras, dans le cadre de la préparation de l’offensive du général Nivelle.

 

16 mars 1917 : chef de corps du 6e bataillon de chasseurs à pied

 

Le 16 mars 1917, le commandant Frère est nommé chef de corps du 6e bataillon de chasseurs à pied qui appartenait à la 66e division commandée par le général Lacapelle. Dès son arrivée il donne une impulsion nouvelle à l’instruction et introduit la méthode Hébert pour l’éducation physique. Le 16 avril 1917 l’offensive Nivelle est lancée mais les attaques de rupture ne progressent pas. Le 6e B.C.P. arrive au bois de Beaumarais où il découvre les premiers tanks Schneider. Le secteur n’est pas préparé pour une attaque. Le 17 avril 1917 le 6e B.C.P. attaque dans un bel élan. Mais les chasseurs sont reçus par les nombreuses mitrailleuses allemandes et part de forts barrages d’artillerie. L’attaque est un échec. Après avoir subi de nombreuses pertes, le bataillon est mis au repos et le 19 mai 1917 il reçoit la garde du Drapeau des Chasseurs.

 

3 juin 1917 : au 6e bataillon de chasseurs à pied à Craonne

 

Le 3 juin 1917 le 6e B.C.P. est à nouveau en ligne au nord de Craonne. Le secteur subissant une forte pression ennemie, le commandant Frère est partout et ordonne le renforcement des positions. Les chasseurs travaillaient sans relâche malgré les bombardements ennemis. Il fait pousser les roulantes au plus près pour que les hommes puissent manger chaud. Le bataillon est relevé le 17 juin 1917 et mis au repos. Il a été en effet désigné pour participer à la revue du 14 juillet 1917 à Paris. Il remonte en ligne le 25 juillet 1917 et reprend sa place. Le 30 juillet 1917 le commandant Frère réunit ses commandants de compagnie pour l’attaque de la tranchée dite de « la Gargousse », située sur le Chemin des Dames. L’attaque réussie pleinement et le bataillon sera le seul à posséder un poste sur la crête du Chemin des Dames. Mais il est à nouveau délogé le 10 août 1917 par une violente attaque ennemie. Mais la réaction du bataillon n’est pas longue à se produire pour en chasser l’ennemi, ce qui vaudra au 6e bataillon de chasseurs à pied la citation suivante : « Sous la direction du chef de bataillon Frère, a résisté victorieusement à une violente attaque, puis a contre-attaqué avec un entrain magnifique, infligeant de fortes pertes ».

 

28 septembre 1917 : au 6e bataillon de chasseurs à pied devant la Malmaison

 

Après quelques semaines de repos, la division de chasseurs est remise en ligne dans le secteur de la VIe armée, pour participer à l’attaque de la Malmaison. Pour le 6e B.C.P., le 28 septembre 1917 recommence le travail classique de construction d’abris et le creusement de parallèles, une tâche rendue pénible par le mauvais temps et les bombardements ennemis. Le 6e B.C.P. gagne ses emplacements de départ le 23 octobre 1917, à 3 heures. Il opérait en liaison avec un bataillon du 4e Zouave du commandant Giraud chargé d’enlever le fort de la Malmaison. A 5h15 le 6e B.C.P. s’élance et atteint tous ses objectifs, mais le commandant Frère est blessé par une balle de mitrailleuse. La cuisse est traversée et le sang coule. Muni d’un pansement sommaire, le commandant Frère refuse de se faire évacuer et commande toujours son bataillon, assis sur une chaise, sortie d’un ancien abri allemand, avec une énergie et une lucidité extraordinaire. Le bataillon a été cité à l’ordre de l’armée pour la troisième fois : « Après avoir, pendant plus d’un mois, préparé son terrain avec persévérance et méthode, a fait preuve d’un entrain superbe à l’attaque de la première position ennemie, le 23 octobre 1917, réalisant pleinement le programme fixé. Sous le commandement successif du commandant Frère qui, blessé au début de la journée, n’a consenti à se laisser évacuer que le soir, et du capitaine Chalumeau, a capturé 200 prisonniers, dont 4 officiers, 4 lances-mines et 9 mitrailleuses ».

 

29 novembre 1917 : au 6e bataillon de chasseurs à pied dans les Vosges

 

Après avoir quitté l’hôpital, le commandant Frère reprend la tête de son bataillon le 29 novembre 1917 dans la région de Lure. Puis dans le secteur calme où la 66e division était venue trouver un peu de repos pendant l’hiver 1917-1918 dans les Vosges, le commandant Frère ne cesse pas de maintenir ses troupes en haleine. Une partie des tranchées du bataillon son situées entre le Südel et le ballon de Guebwiller et étaient très éloignés de celles de l’ennemi.

 

Avril 1918 : au 6e bataillon de chasseurs à pied en Picardie

 

Au début d’avril 1918, la 66e division quitte l’Alsace et est transportée dans la région de Beauvais. Le 6e B.C.P. est transporté en camion pour prendre part à la bataille de Picardie qui faisait rage depuis le 21 mars 1918. Il est engagé pendant une quinzaine de jours dans la région du bois de Sénécat, puis relevé le 18 mai 1918 et placé en réserve au bivouac.

Dans la nuit du 20 au 21 mai 1918, son campement est soumis à bombardement par avions entraînant neuf tués et une trentaine de blessés. Le commandant Frère qui se reposait dans sa tente avec son second se senti touché et perdit connaissance. Il se réveilla et demanda que l’on s’occupe plutôt du capitaine Chalumeau, mais ce dernier venait malheureusement de décéder. Le commandant Frère, grièvement blessé à la tête, est conduit à l’hôpital de Dury. Il avait reçu trois éclats dont le plus superficiel avait pu être extrait. Mais il n’en était pas de même des deux autres qui avaient traversés la matière cérébrale et s’étaient logés au-dessus de l’œil. Il a survécu à l’opération sans que les médecins puisent répondre de sa vie. Aussitôt après sa blessure, le commandant Frère a été nommé Commandeur de la Légion d’Honneur avec cette citation : « Officier supérieur d’élite, s’imposant avec l’admiration de tous, par sa vaillance et ses mérites exceptionnels. Chef de corps de haute valeur, a su inspirer à ses chasseurs l’ardeur et la foi patriotique qui l’animent. Se prodiguant sans compter depuis le début de la campagne, n’a cessé de se distinguer en toutes circonstances par son sang-froid, son initiative et son mépris du danger. A été grièvement blessé à son P.C. par un bombardement aérien. Deux blessures antérieures, sept citations. Officier de la Légion d’Honneur pour faits de guerre ».

Il est transporté trois semaines plus tard à Paris, dans un centre de neurochirurgie. Une sommité médicale pronostique qu’il ne pourrait plus jamais rependre le service actif mais le commandant Frère jura qu’il marcherait à nouveau en appliquant toute sa volonté et son énergie. Il s’exerce d’abord dans son lit à mouvoir ses membres, à s’assoir et à réaliser lui-même la rééducation de ses nerfs et de ses muscles. Les progrès furent rapides et complets. Dans un premier temps il fait supprimer la voiturette qui le conduisait à la salle des massages et s’y rend au cou de deux infirmiers. Au bout de quelques temps, l’un d’eux fut remplacé par une canne. Enfin il réussit à marcher seul à l’aide de deux cannes. Le 13 août 1918, sachant que son bataillon est au repos dans la région de Moreuil, il s’y rend pour faire ses adieux. Il leur apparaît pâle et appuyé sur sa canne. Sur ses manches brillent les insignes de son nouveau grade. Il a été promu le mois précédent lieutenant-colonel, à 37 ans, sans doute le plus jeune de l’armée française. Le commandant Petitpas lui remet la croix de Guerre avec médaille de bronze, le citant « Officier supérieur remarquable qu’un bataillon est fier d’avoir à sa tête, à l’égal de son fanion. Il en est et en restera le guide ».

Le lieutenant-colonel Frère a un bilan impressionnant au cours de la 1ère guerre mondiale : il est blessé gravement à trois reprises et cité à huit reprises et est fait commandeur de la Légion d’honneur le 20 mai 1918.

 

Mi-novembre 1918 : à la IVe armée et l’entrée à Strasbourg

 

Vers le milieu du mois de novembre 1918, le lieutenant-colonel Frère est jugé apte à reprendre du service. Il est affecté à la IVe armée, celle du général Gouraud. Il y arrive peu de temps après la signature de l’armistice. Le 22e novembre 1918 il prend part à l’entrée de l’armée à Strasbourg. Le lieutenant-colonel Frère est paré d’une telle auréole de gloire et de prestige que le général Gouraud l’attache à sa personne. Relevant directement du général commandant et de son chef d’état-major, le lieutenant-colonel Frère est chargé des missions les plus diverses : il assure les liaisons avec les grandes unités voisines, avec le Commissaire général et avec les grandes organisations locales. Puis le général Gouraud le place à la tête du service S.R.C., dont les attributions sont très étendues. Ces délicates fonctions réclamaient, avec du jugement et de la pondération, la compréhension du caractère alsacien. Il entretient immédiatement une franche collaboration avec les autorités civiles. Il eut en outre à surveiller les décisions des commissions de triage, une tâche difficile.

 

 

1919 – 1939 : Entre deux guerres.

 

 

Juin 1919 : chef de corps du 1er régiment d’infanterie à Cambrai

 

Au mois de mars 1919, le lieutenant-colonel Frère se sentant suffisamment remis de sa dernière blessure, redemande un commandement actif. Il est effectivement nommé chef de corps du 1er régiment d’infanterie et quitte Strasbourg pour Cambrai où il va demeurer pendant cinq ans. 1919 était l’année du début de la démobilisation et de la restructuration des unités. Au début de son commandement il avait remarqué un relâchement général de la discipline. C’est dans ces conditions le lieutenant-colonel Frère exerça son commandement. Il pousse toute son ardeur dans l’instruction de la troupe pour le combat d’infanterie en y apportant la richesse de son expérience. Le régiment a reçu en outre une éducation physique intense et rationnelle. Il fut également appelé à donner des conférences publiques dont certaines sur la Syrie et sur le Maroc. Toutefois la guerre avait marqué sa famille. Son frère avait succombé, son père et sa mère avait été emmené en captivité par les Allemands. Il a obtenu la libération de ses parents par l’intermédiaire du maréchal Lyautey qui a demandé l’intervention du Roi d’Espagne. Le colonel et madame Frère veillait à l’éducation de six neveux, enfants de parents proches. A Cambrai le colonel Frère préside à l’élaboration de l’historique du 1er régiment d’infanterie, mais il refuse d’y être nommé. Il était président d’honneur des amicales du régiment.

 

Fin 1924 : Commandant de l’école des Chars de Combat

 

Après son temps de commandement, le lieutenant-colonel Frère est nommé au Centre d’Etudes des Chars, qui est en garnison à Versailles. Dans un premier temps il est commandant en second puis il en devient le chef. Alors que ce centre est autonome, au mois d’août 1930, la direction de l’infanterie jugea utile de subordonner cet enseignement à l’officier général commandant l’Ecole d’Application d’Infanterie et des Chars, dont le centre devient une section. Ultérieurement alors que le centre est toujours sous le commandement du lieutenant-colonel Frère, il devient Ecole d’Application des chars. Le lieutenant-colonel Frère est promu au grade de colonel après sept ans de grade, et malgré cela, il est encore le plus jeune de l’armée. Il entreprend une série de conférences dans les centres et cours d’information, à l’Ecole de Guerre et dans d’autres écoles, puis au Centre des Hautes Etudes Militaires. Il insistait sur le fait « qu’il était criminel d’engager dans une guerre future du personnel combattant dans des chars lents, insuffisamment protégés, aveugles, sourds et muets. Il a donc consacré donc six années de sa vie aux engins blindés ». Il trouvait d’ailleurs que la mise au point du nouveau char B, était trop lente. Il pousse à la construction de chars moyens dont la sortie d’usine plus rapide permettrait de donner au commandement une juste notion des possibilités réservés à des chars modernes. Il ne partageait pas les vues de l’Ecole d’Application de l’Infanterie quant à l’emploi des chars. Au cours d’une de ses conférences, le général commandant l’école quitte la salle en manière de protestation. Dix années plus tard il le rencontre à nouveau à Lyon et ce dernier lui exprime son regret de s’être trompé. Le 13 mai 1931 alors qu’il est au camp de Sissonne, on lui apporte un télégramme signé du général Requin, chef de cabinet de Monsieur Maginot, Ministre de la Guerre : « Amicales félicitations pour votre promotion au grade de général de brigade ». Le général Frère n’avait pas encore cinquante ans, ce qui est une promotion exceptionnelle pour l’époque. Deux mois plus tard il fait ses adieux à Versailles.

 

Août 1931 : Commandant de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr

 

Au début de l’année 1931, le général Durieux, inspecteur général de Saint-Cyr et le Vice-Président du Conseil Supérieur de la Guerre avaient constaté qu’il était nécessaire de changer le commandement de l’école. Le ministre de la Guerre André Maginot a également compris que cela était nécessaire. Il décide donc de nommer le général Frère au commandement des écoles de Saint-Cyr. Le général Frère prend le commandement en août 1931. A cette époque on formait à Saint-Cyr les futurs officiers d’actives et les futurs officiers de réserve. Le général Frère veillera à créer le lien de solidarité entre ces deux catégories et que les instructeurs soient attachés en même temps aux deux catégories. En 1933, il intègre le bataillon des élèves officiers de réserves, qui était jusque-là une sorte d’école annexe, dans le groupe des bataillons de Saint-Cyr. Il s’attache au retour de la tenue légendaire, noir et rouge à bandes bleues dont il fait également doter les cadres des bataillons d’E.O.R. Le général tient également à donner aux cérémonies traditionnelles qui se déroulent dans l’école un éclat qui doit imprimer de façon indélébile le souvenir de ceux qui y participent. Sous son commandement la discipline était très ferme voir même rigoureuse, mais avec le souci de ne jamais risquer de briser une carrière. Il poussait les élèves candidats aux troupes d’Afrique à suivre des cours d’arabe qu’il avait créé, pour qu’ils soient capables dès leur arrivée de se faire comprendre de leurs hommes. Le général Frère ne craignait pas de revenir sur les idées qui lui étaient chères comme l’allégement du fantassin, l’importance grandissante de la motorisation et l’avenir de l’aviation. Il garde toujours son principe de « se faire obéir d’amitié ». D’ailleurs en 1932, le général Frère lance ce solennel et courageux avertissement : « Vous m’entendez, si dès maintenant la France ne se ressaisit pas et ne fait pas l’effort nécessaire, elle est perdue ». Toujours dans le cadre de la promotion du sport, il fait installer des cours de tennis qui sont inaugurés en 1932.

1932, Saint-Cyr-l’Ecole : Inauguration du terrain de tennis. Le général Frère commandant l’école, entouré de M. Pierre Gignoux, président de la fédération de tennis, M. Zhurneyssen, et M. Borotra.

Source : photographie de presse de l’Agence Mondial, disponible sur Gallica / BNF.

1932, Saint-Cyr-l’Ecole : Inauguration du terrain de tennis. Le général Frère commandant l’école, inaugure les installations de tennis.

Source : photographie de presse de l’Agence Mondial, disponible sur Gallica / BNF.

1932, Saint-Cyr-l’Ecole : Inauguration du terrain de tennis. Le général Frère commandant l’école, inaugure les installations de tennis.

Source : photographie de presse de l’Agence Mondial, disponible sur Gallica / BNF.

 

Printemps 1935 : Commandant de la 11e division à Nancy

 

Au printemps 1935, à l’âge de 53 ans, le général Frère prend le commandement de la 11e division à Nancy. La 11ème division, après avoir subi certains changements dans sa composition, est toute entière regroupée à Nancy. Elle comprend les 26e et 170e régiments d’infanterie, le 8e régiment d’artillerie, le 18e régiment du génie, le 10e régiment du train et la 1re demi-brigade de chasseurs. Les bureaux du commandant de la division et l’état-major étaient installés à l’Hôtel des Pages. Pour le général il s’agit avant tout de faire de sa division un puissant outil de guerre pour la lutte qui s’annonçait prochaine. Son idée maîtresse lors des exercices était d’obtenir une liaison aussi complète que possible entre les différentes armes. Le 20 décembre 1935 le général Frère est élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur.

 

1937 : Commandant de la 3e région de corps d’armée à Rouen

 

Le général Frère est nommé en 1937 au commandement de la 3e région de corps d’armée qui s’étend sur les départements de la Seine inférieure, l’Eure, le Calvados et la Manche. Son commandement lui donnait autorité sur toutes les troupes qui y tenaient garnison. Par ailleurs en automne 1938 il est désigné pour diriger un exercice d’hiver au Centre des Hautes Etudes Militaires.

 

Avril 1939 : Commandant de la 10e région militaire et gouverneur militaire de Strasbourg

 

Depuis longtemps le commandement de la 20e région Nancy était jugé trop lourd à cause du nombre d’unités qui y stationnaient et par l’étendue du territoire qui en dépendait. La décision fut donc prise de créé à Strasbourg une 10e Région dont le chef, serait en même temps le gouverneur militaire de la place. Son commandement s’étend sur les départements du Bas-Rhin et des Vosges. La 10e Région militaire comptait des effectifs trois plus importants que la 3e Région. Au mois d’avril 1939[1], l’entrée du général Frère qui remplace le général Héring atteint par la limite d’âge, a donné lieu à une magnifique revue, qui se termine par un défilé de régiments de toutes armes, infanterie de ligne, infanterie de forteresse, artillerie, cavalerie, génie, auto-mitrailleurs, D.C.A. Elle déclencha l’enthousiasme de la population. Le général Frère accomplit à Strasbourg un labeur immense. Il devait mettre sur pied la 10e région sous la pression des menaces de guerre. Il avait à compléter l’organisation défensive de la partie de la frontière qui lui était confiée, et à perfectionner celle de la région de Rohrbach. Il s’agit également de donner de la profondeur à la défense de la rive gauche du Rhin, qui ne comprenait alors qu’une ligne de blockhaus sur la rive même du fleuve et quelques abris légers. Par sa situation géographique, la ville de Strasbourg était très exposée par l’artillerie et l’aviation. Il fallait également prendre des dispositions pour évacuer la population en cas de conflit. Le général Frère a réussi au cours des quelques mois, à gagner le cœur des Alsaciens. Lorsqu’il prenait congé du préfet et du maire de Strasbourg, quelques jours après la déclaration de guerre, il leur dit : « Nous reviendrons, nous rentrerons à nouveau dans Strasbourg. Et pour que vous n’ayez pas à faire changer les plaques portant le nom des rues, ce sera un 22 novembre ». Il ne se trompait que d’un seul jour, puisque c’est le 23 novembre 1944 que le général Leclerc se rendait maître de Strasbourg.

10 mars 1939 : portrait du général de corps d'armée Aubert Frère.

 



[1] Collectif d’auteurs : Revue historique de l’armée n°1 – spécial VIe région militaire 1973 ; Ministère de la défense nationale, Paris.

 

1939-1943 : La Seconde guerre mondiale

 

 

1er septembre 1939 : Commandant du 8e corps d’Armée

 

A la déclaration de guerre le 2 septembre 1940, le Bas-Rhin avec Strasbourg sont placés sous le commandement du groupe d’armée n°2 (G.A. 2) du général Prételat, qui comprend les 3ème, 4e et 5e armée. La 5e armée comprend notamment le secteur fortifié de Rohrbach (S.F.), le secteur fortifié de la Lauter (R.F.L.) qui sera supprimée le 5 mars 1940, le secteur fortifié de Haguenau, le secteur fortifié du Bas-Rhin avec le Secteur Fortifié du Bas-Rhin (SFBR) et trois corps d’armée : à droite, le 7e corps d’armée du général Frère, qui comprend la 15e D.I.M. et la 4e D.I.C., au centre ; le 5e corps d’armée du général Bloch, qui comprend la 9e D.I.M. et la 23e D.I., et à gauche le 20e corps d’armée du général Hubert qui comprend la 11e et 22e division d’infanterie et la 4e D.I.N.A.

A la mobilisation le général Frère prend le commandement du 8e corps d’armée. Il garde le général Lenclud en tant que chef d’état-major. Sa première mission est de défendre le Rhin dans la région de Strasbourg. A cette fin il dispose des troupes et des organisations du secteur fortifié du Bas-Rhin. Il établit son poste de commandement dans un des forts de la place. A priori il est fort probable qu’il s’agissait du fort du Maréchal Pétain à Oberhausbergen, qui abrite un poste de commandement d’ensemble ou éventuellement, du fort Ducrot, qui abrite le commandement du Secteur Fortifié du Bas-Rhin. Le fort du Maréchal Pétain prend d’ailleurs le nom de Fort Frère après la seconde guerre mondiale.

 

6 septembre 1939 : Commandant du secteur fortifié des Vosges, Meisenthal

 

Le 6 septembre 1939 le général Frère prend le commandement du secteur fortifié des Vosges. Il installe son poste de commandement à Meisenthal. Deux divisions sont placées sous ses ordres, pour permettre au 8e corps de participer à l’opération « Sarre ». Cette opération porte les troupes à quelques kilomètres devant la Ligne Maginot. A la suite de ces opérations le 8e corps d’armée s’installe défensivement sur les positions occupées dans le saillant d’Ohrenthal. L’entrée en ligne du général commandant la Région fortifiée de la Lauter 5RFL) réduit la zone d’action du général Frère. La droite du 8e corps d’armée s’étend alors sur les deux tiers du secteur fortifié des Vosges et sa gauche occupait les deux tiers du secteur fortifié de Rohrbach que connaît bien le général Frère. Ce secteur comprenait trois gros ouvrages et une dizaine de casemates. Mais cette forte position de résistance manquait de profondeur. Le secteur de Rohrbach est placé à la jonction des IVe et Ve armées. C’est une charnière essentielle du front d’Alsace et de Lorraine. Son chef est responsable de la défense de la Trouée de la Sarre. Le général Frère connaissait les forces et les faiblesses de ce secteur. Il commande le 8e corps d’armée à l’époque dite de la « drôle de guerre ». Mais il veille à maintenir ses troupes en alerte et est attentif à les faire travailler, à les entraîner et à les aguerrir. Pendant les huit mois de son commandement, les troupes de 15 divisions ou secteurs fortifiés passent successivement sous ses ordres. Les grandes unités se relevaient à l’intérieur du cadre fixe du corps d’armée. Le général Frère partait souvent sur le terrain pour parcourir son secteur ou dans les postes de commandement pour stimuler l’ardeur des troupes. Sa présence stimulait l’ardeur des terrassiers. Il réveillait son artillerie qui en période de grand calme avait tendance à s’endormir. En un mot le général Frère faisait la guerre. Avec ses supérieurs la tâche était parfois plus difficile. Il poursuivait avec ténacité à ses idées personnelles et s’efforçait à la faire partager. Avec ses commandants d’armées et de groupes d’armée, Il avait de sérieuses divergences de vues sur l’organisation des positions ou la qualité des ouvrages. Dans le village de Meisenthal, le général Frère habitait avec son chef d’état-major dans une petite villa abandonnée par son propriétaire. Dans cette villa était également installée sa popote, qui reçue entre autres la visite du Duc de Windsor au mois d’octobre 1939. Au printemps 1940, c’est le prince Sisowath Monireth, de la famille royale du Cambodge, qui fait un long stage à l’état-major du 8e corps d’armée. Mais le 10 mai 1940, l’armée allemande entre en Belgique. Le 14 mai 1940 elle franchit la Meuse. Le 16 mai 1940 le Gouvernement prend conscience de la gravité de la situation militaire créée par l’ampleur de la brèche. Le 17 mai 1940, le général Frère prend congé du 8e corps d’armée pour se rendre au Grand Quartier Général où il est appelé. A son départ il reçoit la citation suivante : « Commande un des secteurs les plus sensibles du front, au contact étroit de l’ennemi, avec une ardeur et un cœur jamais démenti. A dirigé les opérations d’octobre 1939 de la façon la plus judicieuse avec les plus belles qualités de sang-froid, de connaissance approfondie des réalités du combat. A mené à bien avec ténacité un programme de travaux considérables. A eu successivement sous ses ordres plusieurs divisions de troupes jeunes, qu’il a formées, animées de ses hautes vertus militaires et les a rendues aguerries avec le sentiment d’avoir dominé l’ennemi ».

 

17 mai 1940 : Commandant de la VIIe armée à Compiègne, Amiens et autres lieux successifs

 

Le 17 mai 1940, le général de corps d’armée Frère, accompagné de son officier d’ordonnance, quitte Bitche pour le Grand Quartier Général à la Ferté-sous-Jouarre. Le général d’armée Georges (1875-1951) adjoint du commandant en chef pour le front du Nord-Est, le reçoit à son bureau où se trouvent le général d’armée Gamelin (1872-1958), commandant en chef des armées alliées (limogé deux jours plus tard et remplacé par le général d’armée Weygand) et le général Doumenc (1880-1948), major général. Le général George donne alors au général Frère ses instructions et lui définit sa nouvelle mission. Il est mis à la tête de la VIIe armée, qui est constituée à l’aide des éléments organiques d’armée rappelés des Flandres, du 1er corps d’armée commandé par le général de corps d’armée Sciard, dont deux divisions sont en cours de transport et d’autres unités seront incessamment désignées et suivront sans retard. Cette armée doit barrer la route de Paris, en rétablissant la liaison entre la gauche de la VIe armée, qui est à Tergnier, et la IXe armée dont on suppose la droite vers Saint-Quentin.

1940 environ : Le général Gamelin et le général Frère. Source : Internet.

 

Pendant que le général Georges parle, le général Frère porte ses indications sur une carte au 200 000e. Il emporte cette carte et un ordre écrit. Le général Georges accompagne le général Frère à sa voiture et exprime toute sa confiance. A ce moment la VIIe armée n’existe pas encore ! Il a ni état-major ni troupes, ni services ! De toutes les divisions qui doivent constituer son armée, une seule achève ses débarquements, près de Noyon. Un état-major doit être constitué à Compiègne au profit du général Frère. Lorsqu’il arrive à 20 heures, son état-major se limite pour l’instant au commandant de Cahoët et deux officiers. Il se mettent immédiatement à la recherche de leurs divisions. Ils arrivent à contacter le général Jeannel qui commande la 23e division et le général Duchemin qui commande la 3e division légère qui était spécialement équipée pour intervenir en Norvège. Ils reçoivent les premières directives du général Frère ; assurer la couverture des débarquements de la VIIe armée le long de la Somme et du canal de Crozat. Puis le général Frère part pour Amiens où il a de meilleures communications. Enfin à l’aube du 18 mai 1940, le général Frère installe son état-major dans deux modestes pièces sous les combles. Le général Frère a néanmoins un gros problème ; il connait les dispositions de la VIe armée mais il n’a que de vagues renseignements en ce qui concerne la IXe armée. Il sait que des troupes anglaises sont à Arras et à Bapaume. Mais au milieu de la journée il apprend que les Allemands ont dépassés Bapaume et marchent vers l’ouest. Il apprend que le 24e corps du général Fougère ainsi que cinq autres divisions, les 19e, 21e, 29e divisions d’infanterie (D.I.), la 7e division nord-africaine (D.I.N.A.) et la 4e division coloniale (D.I.C.) ont été désignées pour faire partie de la VIIe armée. Compte tenu de l’avance allemande, le général Frère doit pousser le débarquement des troupes plus au sud de la Somme. Le général Frère se rend ensuite à Breteuil, un nœud de routes important, pour installer son poste de commandement (P.C.) chez le notaire de la localité. Il donne les ordres suivants : le 24e corps barrera la direction Compiègne – Saint-Quentin et se reliera aux éléments de la IXe armée qui résistent dans la vallée de l’Oise ; le 1er corps d’armée barrera la direction Péronne – Montdidier et couvrira la gauche de l’armée. Le 19 mai 1940 le général Frère apprend que les forces allemandes délaissent Paris pour l’instant et poussent vers la mer pour encercler la Ière armée. Il apprend également la mise à disposition du 10e corps d’armée commandé par le général Grandsart avec trois nouvelles divisions qui devront tenir les passages de la Somme à Amiens et en aval. Chez son voisin, au IXe corps d’armée, le général Giraud qui venait d’en prendre le commandement a été fait prisonnier ! A partir du 20 mai 1940 l’état-major de la VIIe armée est installé au Prieuré d’Auneuil, à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Beauvais. Le colonel Baurès rejoint l’état-major de la VIIe armée. Il sera son le chef d’état-major. Lorsque le général Frère signe ses premières instructions, il insiste sur l’importance de Péronne. Alors que la VIIe armée est à Ham le 18 juin 1940, Péronne est occupé par l’ennemi. Les jours suivants sa mission est élargie : il doit non seulement tenir la Somme mais aussi lancer une offensive en direction de Bapaume. Compte tenu que l’ennemi s’est assuré la tête de pont de Péronne sur la Somme, c’est à cet endroit que le général Frère s’attend à l’effort principal de l’adversaire. Mais malheureusement les moyens nécessaires à la VIIe armée ne seront pas disponibles au rythme des nécessités. La maîtrise du ciel par l’ennemi lui laisse le champ libre pour perturber considérablement les transports. N’ayant pas pu prendre Péronne, le général Frère fera tout pour en contrôler les débouchés. Pour le général Frère il est absolument nécessaire que dans la journée du 23 mai 1940, la Somme soit solidement occupée par les divisions et que des éléments blindés agissent au-delà. Le 24 mai 1940 une contre-attaque de la 3ème division légère (D.L.I.) reprend le village de Voyennes et les chars s’assure la Somme à Pont-de-Brie, Saint-Christ et Epenancourt, lorsque parvient au P.C. de la VIIe armée la nouvelle du repli des forces anglaises qui occupaient Arras. Le 26 mai 1940, le commandant en chef doit définitivement renoncer à l’offensive. Il essaye de réunir ses divisions en cours de formation au plus près de la Somme. Pour lui faciliter la tâche le commandant en chef confie au général Robert Altmayer[1], un détachement d’armée qui s’étendra entre Amiens et l’embouchure de la Somme. Désormais le général Frère conclue qu’il faut absolument contrôler le nœud de communications de Roye. Le P.C. de la VIIe armée est ensuite transféré à Hoz, près de Chantilly. Le 5 juin 1940 l’aviation ennemie engage les attaques contre les positions, les communications et les postes de commandement et une violente irruption de chars jaillit de la tête de pont de Péronne. A 6h30 tout le front de la VIIe armée est attaqué. Jusque dans la nuit du 7 au 8 juin 1940, la VIIe armée tient face à l’assaut des blindés. Mais les colonnes blindées ont percé face à la VIe et Xe armée. Le 8 juin 1940 à 18h00 le général Frère reçoit l’ordre de repli sur l’Oise. Le général Frère donne ses ordres avec les itinéraires de repli. Il dispose sur l’Oise de cinq points de passage et il demande au génie de construire deux ponts. Mais en cours de soirée le drame commence. Des avions ennemis mitraillent les ponts et font jouer les dispositifs de destruction de trois ponts et un quatrième pont est détruit par nos troupes pressées par l’ennemi. Par ailleurs les ponts du génie ont été replié pour qu’ils ne soient pas capturés et utilisés par l’ennemi. Le lendemain, il constate que la VIIe armée a certes réussie son repli, mais elle est laminée par les combats. Dans certaines divisions il ne reste plus que la valeur de quelques bataillons, l’artillerie à perdue une partie de ses moyens. Mais il doit désormais échapper au double mouvement débordant de l’ennemie, de part et d’autre de la VIIe armée et un nouveau repli sera indispensable. Le 11 juin 1940 au jour, le général Frère rend compte au commandement que la « situation est extrêmement préoccupante ». La situation des unités est catastrophique : par exemple à la 7e D.I.N.A. il ne reste plus que sept fusils-mitrailleurs et une mitrailleuse ; plus aucun canon antichar. Le général Frère transmet l’ordre de repli pour s’installer derrière la Seine, le canal de l’Ourcq et la Marne. Le P.C. de la VIIe armée est transféré à Dammarie-les-Lys près de Melun.



[1] Un camarade de promotion de Saint-Cyr du général Frère.

 



Le 12 juin 1940, le commandant en chef constate que la bataille est perdue. La dernière ligne de défense sur laquelle il peut compter est rompue à l’est et à l’ouest de la capitale. La VIIe armée est menacée d’encerclement. Dans la nuit du 12 au 13 juin 1940, le général Besson donne l’ordre à la VIIe armée d’aller en trois bonds sur la Loire à partir de la nuit prochaine. Il s’agit de traverser la Seine et de faire 200 km, ce qui ne s’avère pas simple. Il s’avère que les ordres du général Weygand ne sont pas exécutables et elles risquent de disloquer la VIIe armée qui a encore un front cohérant. Il se rend au P.C. du commandant en chef pour faire part des difficultés pour réaliser cet ordre. Ce dernier évoque l’éventualité de demander un armistice, une demande qu’il adressera au gouvernement au cours de l’après-midi. Peu de temps après le général Frère donne les ordres pour le repli de la VIIe armée sur la Loire après un cours rétablissement sur la Seine. Le 15 juin 1940 le général Frère se rend au P.C. du commandant en chef à Briare et reste bloqué par les longues colonnes de réfugiés qui circulent dans les deux sens sur la route d’Orléans. Le 17 juin 1940 la VIIe armée a terminé son replie et s’est installée au sud de la Loire. Il apprend que le président du Conseil Paul Reynaud a démissionné et qu’il est remplacé par le maréchal Pétain et qu’au cours de la nuit Pétain a demandé au gouvernement du Reich les conditions de l’armistice. Son discours diffusé à la radio prête à équivoque, car les combattant l’interprètent comme une cessation immédiate des hostilités. Le commandement réagit immédiatement et diffuse ce message : « Un suprême effort est demandé à tous, aux chefs et à la troupe, pour sauver l’honneur de nos armes et éviter la capitulation honteuse. Il n’y a ni armistice, nie suspension d’armes, la bataille continue ». Le désarroi est du même ordre, lorsque le gouvernement déclare villes ouvertes les agglomérations de plus de 20 000 habitants et d’y faire aucune destruction ! A peine installé sur la Loire le général Frère donne les ordres pour des établissements successifs sur le Cher, l’Indre, la Creuse, la Gartempe et la Vienne. Malgré la fatigue des troupes, le repli de la VIIe armée doit être rapide pour éviter l’encerclement. Le 22 juin 1940, la radio de l’ennemi fait connaître que la convention d’armistice est conclue avec l’Allemagne, mais qu’elle n’entre en vigueur qu’après la signature de la convention avec l’Italie. Le 24 juin 1940, le général Frère prescrit de décharger les camions des parcs et des convois de l’artillerie et du génie, des chars et des aérostiers, pour les rendre disponibles pour la troupe : « Je vous ordonne, de consacrer tous les moyens automobiles aux transports nécessités par l’enlèvement, par ordre d’urgence : de l’infanterie, de l’armement, canons de campagne, du ravitaillement en vivres, essence et munitions. Les reliquats des colonnes seront acheminés en convois sur des itinéraires particulier par leurs propres moyens, sans renforcement et quel que soit le sort tactique qui puisse en résulter ». Cet ordre sera le dernier. Lorsqu’il arrive à 23 heures son poste de commandement, il apprend que l’armistice est signé et que les hostilités devront cesser à minuit trente-cinq. Quelques heures plus tard les survivants de la VIIe armée entendaient la lecture de l’ordre du jour du général Frère : « Officiers, sous-officiers et soldats de la VIIe armée. La guerre se termine sans que la VIIe armée ait été battue. Attaqués sur la Somme et sur l’Ailette par un ennemi disposant d’une supériorité écrasante en aviation et en engins blindés, vous n’avez pas cédé. Ces durs combats ont été suivis de la douloureuse épreuve de la retraite. L’avance de l’ennemi sur nos deux flancs nous menaçant d’encerclement, il a fallu, pour échapper à son étreinte, opérer un repli de plus de 400 kilomètres. Je connais les efforts surhumains que vous avez fournir. Si je vous les ai demandés, c’est pour vous éviter la honte et les misères d’une capitulation en rase campagne. Vous connaissez les causes de nos échecs. Le maréchal Pétain glorieux vainqueur de 1918, vous les a indiquées. Soldats de la VIIe armée, vous représentez une force contre laquelle l’ennemi s’est brisé et qu’il n’a pas pu dissocier, il fut que les vôtres le sachent, quand vous rentrerez dans vos foyers. Je décide donc que tout combattant ayant pris part aux opérations du 4 au 24 juin, er resté en armes dans son unité, recevra la Croix de Guerre. Maintenant, refaites vos forces et demeurez comme dans la bataille et dans la retraite, groupés autour de vos chefs. C’est aujourd’hui plus nécessaire que jamais ». Des douze divisions de la VIIe armée, aucune ne manque à l’appel, et elles ont sauvé 600 pièces d’artillerie, c’est-à-dire la moitié de leur dotation.

Le 29 juin 1940, des détachements de la VIIe armée sont rassemblés sur l’hippodrome de Pompadour, soit 200 hommes par division. La cérémonie est présidée par les généraux Weygand, Georges et Besson, puis commence la remise de décorations. Cette cérémonie s’achève par un défilé de la VIIe armée.

 

Juillet 1940 : Commandant de la division militaire de Limoges

 

L’armée d’armistice est réduite pour la métropole à 100 000 hommes et est constituée de huit divisions militaires, qui comprenait chacune trois régiments d’infanterie, un régiment de cavalerie, un régiment d’artillerie, un bataillon du génie, un escadron du train, dépourvus d’armement moderne. Pendant un temps très court, le général Frère exerce le commandement à Limoges.

Le 4 juillet 1940, le général Frère a eu à se rendre à Clermont-Ferrand pour accomplir un pénible devoir, la présidence du Conseil de Guerre, chargé de juger par contumace le général De Gaulle. Le Conseil de Guerre a voté la condamnation à mort. On laisse entendre que le général Frère s’était prononcé contre cette sentence. Mais compte tenu du secret des délibérations, personne ne connaît la réalité de son vote, mais vue sa grandeur d’âme, le doute n’est pas permis.

 

Août 1940 : Gouverneur militaire de Lyon et commandant de la 14e division militaire

 

Dès le mois d’août 1940 le général Frère est nommé gouverneur militaire de Lyon et commandant de la 14e division militaire. Il se hâte immédiatement pour entretenir et raviver partout la flamme qui menace de s’éteindre. Le général Frère obtient rapidement d’excellents résultats, ce qui étonne même un officier allemand appartenant à la commission de contrôle. Même s’il n’appréciait nullement la démarche, il dût de temps à autre avoir des contacts avec les officiers allemands. Il faisait barrage à toutes les prétentions injustifiées. Il rappela à ses cadres qu’ils devaient se montrer prudent et essaye de leur inculquer une mentalité de combattants. Il se jette corps et âme dans les opérations clandestines, en prenant contact avec les officiers de l’état-major chargés du camouflage des matériels.

 

Juillet 1941 : commandant du 2e groupe de divisions militaires à Royat

 

Au mois de juillet 1941, le général Frère quitte Lyon pour aller commander à Royat le 2ème groupe de divisions militaires. Le général frère succède au général Requin. Son commandement s’étendait sur les 9e, 12e, 13e et 17e divisions, soit la moitié de l’armée d’armistice, dont les sièges étaient à Châteauroux, Limoges, Clermont-Ferrand et Toulouse. Il réalise un important travail d’organisation officielle et clandestine. Il travaille clandestinement au camouflage de son matériel, équipements et munitions. Il prépare la mobilisation secrète. Il inspecte les troupes : il les fait défiler, inspecte les casernements et réunit les officiers. Il leur disait : « Il ne faut à aucun prix, que monte à vos lèvres le mot sacrilège : à quoi bon. La situation actuelle ne peut s’éterniser. La victoire allemande … bien improbable. Une paix de compromis, possible : mais peu probable, et dans cette hypothèse l’existence d’une armée entraînée et ardente serait, pour la France, un atout sérieux. Enfin, troisième solution : l’Allemagne perd la guerre … possible … probable, et dans ce cas il faudra occuper a zone nord et la récupérer dans l’ordre. Donc, plus de cette question : à quoi bon ? Soyons prudents, soyons patients, la patience est une grande vertu. Serrons les poings, serrons les dents, mais, pour l’amour de Dieu, cessons enfin de serrer les fesses ». Ce discours il l’a prononcé plus de dix fois. On voyait les jeunes officiers se redresser. Leurs yeux brillaient, ils étaient prêts à le suivre partout. Au début du mois de novembre 1941, le général Huntziger, ministre de la guerre, est décédé lors d’un accident d’avion. Au bout de quelques mois, l’amiral Darlan qui administrait l’armée, essaye de trouver un remplaçant. En mars 1942 l’amiral Darlan invite le général Frère à déjeuner. A fin du déjeuner, il lui propose le poste. Le général Frère répond qu’il n’y connaît rien à ce poste. Finalement c’est le général Bridoux qui sera nommé. Après son entrée en fonction le général Frère dit au général Bridoux : « L’armée vous voit venir à sa tête sans aucun plaisir, vous le savez. Je veux bien vous aider à remonter le courant, et je le ferai loyalement. Mais à une condition : promettez-moi de ne jamais accepter une collaboration avec l’ennemi ». Entre temps le général Frère a plusieurs réunions avec Laval, président du Conseil et avec Pétain, qui se passent très mal devant son attitude hostile à toute coopération avec l’ennemi. Le 1er septembre 1942, le général Frère es atteint par la nouvelle limite d’âge. Par hasard elle a été diminuée d’un an. Il a donc quitté son commandement. Son ordre du jour à ses troupes affirmait une fois de plus ses espoirs : « Je vous adresse mes vœux les plus ardents et les plus affectueux pour l’accomplissement de la tâche qui vous attend et que vous saurez mener à bien, j’en suis sûr, avec courage et discipline pour l’honneur de l’armée et le salut de la France ». Le général Frère était en effet devenu l’espoir de tous ceux, qui dans l’armée d’armistice, ne vivaient que pour la revanche. Lors de la remise de la Grand-Croix de la Légion d’honneur à Vichy à l’hôtel du Parc, l’entourage l’entendit gronder : « Ce n’est même pas avec ce cordon-là qu’ils m’attacheront ».

 

L’Organisation de la Résistance de l’Armée (O.R.A.)

 

Après la formidable évasion du général Giraud, qui laissera de nombreuses victimes en Alsace, ce dernier arrive en France au printemps 1942, et il contacte son ami le général Frère. Il lui demande de ne pas quitter la France, en attendant le débarquement des alliés. Le 8 novembre 1942, les Américains et les Anglais débarquent en Afrique du Nord. Le 11 novembre 1942, les Allemands envahissent la zone libre. Le 27 novembre 1942, l’armée d’armistice est dissoute et ses éléments sont dispersés. Le 28 novembre 1942, les généraux Verneau et Olleris, chef et sous-chef d’état-major de l’armée, demande au ministre de la guerre, le général Bridoux, de protester officiellement. Mais ce dernier juge toute protestation impossible. Les deux généraux qui restent quelques jours en fonction, désigne les officiers de l’état-major qui leur serviront ultérieurement d’agent de liaison avec ceux de ex-divisions. Leur but est de s’associer dans une action clandestine tous les membres de l’ancienne armée d’armistice qui vivent dans l’espoir de reprendre les armes. Le principe sur lequel sera organisé la résistance de l’armée est arrêté. Pour eux, le seul chef qui jouit du prestige nécessaire pour rallier la masse des officiers, est le général Frère. Les généraux Jean Edouard Verneau[1] (1840-1944) [2] , Grandsard et Olleris demandent donc au général Frère de prendre ce redoutable commandement, qui lui coûtera la vie. Le général Frère accepte sans hésitation. C’est ainsi que se forme autour de lui l’Organisation de la Résistance de l’Armée (O.R.A.). Pour le général Frère, tout se présente avec simplicité : il sera de cœur avec ceux qui veulent se battre en écartant toute idée politique. En raison de l’allure trop aisément reconnaissable du général Frère, il fut décidé qu’en principe il n’assisterait pas aux réunions clandestines et qu’un des généraux viendrait lui en rendre compte, dans la villa qu’il habitait à Royat. Sa résidence était une vieille demeure, sans confort, connue sous le nom de château Saint-Victor. L’avantage de cette demeure est que la propriété comportait plusieurs accès. Par ailleurs, elle jouxtait l’Institution catholique Sainte-Jeanne, un couvent de religieuses franciscaines qui abritait une centaine d’enfants handicapés. Accessible à partir de son domaine par un petit portillon qui est toujours ouvert, le général Frère y installe son état-major. Ce portillon devient l’entrée des visiteurs clandestins. Le château Saint-Victor est entouré d’un assez grand parc aux arbres magnifiques. Une ligne de tramway est très proche du domaine. Pendant la première année de son séjour à Royat, le général Frère y reçoit de nombreux visiteurs. De temps en temps il assiste à des réunions clandestines à l’extérieur. Ces réunions réunissent des représentants des l’état-major de l’armée, du service de renseignements, des services de contre-espionnage (colonel Zeller, commandant Verneuil, colonel Delor) et l’émissaire du général Giraud (capitaine Lejeune). Elles se tiennent dans des lieux divers de façon à échapper à la surveillance allemande et à celle du cabinet du ministre de la guerre. Dès les premiers mois de 1943, les comptes-rendus faits au général Frère sont encourageants. D’après le général Olleris : « Nous arrivons à trouver dans chaque département, dans chaque région militaire, un chef responsable ». Mais l’activité du général Frère ne se limite pas à celle de l’O.R.A. Son état-major organise également des parachutages d’armes et créé des filières d’évasion qui conduisent à travers les Pyrénées et l’Espagne. De nombreux Français empruntent ces filières pour aller rejoindre les forces en Afrique du Nord. Par ailleurs un service de renseignement et de contrespionnage fonctionne et transmets les renseignements au profit d’Alger grâce aux postes émetteurs du commandant Verneuil. Le général Giraud demande au général Frère d’entrer en contact avec l’armée secrète du général De Gaulle. Le général Frère charge alors le général Olleris d’une première liaison avec le général Delestraint, revenu de Londres et désigné comme chef de l’armée secrète (A.S.). Cette rencontre a lieu à Bourg-en-Bresse.

 


[1] Général Jean Edouard Verneau (1840-1944), polytechnicien, colonel en 1940, nommé chef de la délégation des services de l'armistice (D.D.S.A.) à Alger en août 1940, puis chef d'état-major de l'armée d'armistice en juin 1942 qui succède en juin 1943 au général Frère. Il est arrêté en octobre 1943 et déporté à Buchenwald. Il désigne le général Revers comme successeur.

[2] Bulletin d’histoire de la Sécurité Sociale 2003 / 07.

Malheureusement, de telles activités ne pouvait se prolonger sans éveiller l’attention de la Gestapo. A chaque foi que les officiers venaient à la villa de Royat, ils se sentaient observés. S’ils parvenaient à entrer discrètement, ils étaient toujours suivis à la sortie. Les amis du général Frère lui demandaient de quitter cette résidence. Mais le général Frère répond : « C’est mon poste de commandement, mes officiers le connaissent, ils peuvent m’y retrouver de jour comme de nuit. Le quitter serait un abandon de poste ». Ses proches auraient préféré que le général quitte la France où il était désormais en danger. Il reçoit également un message du général Giraud qui el supplie de venir en Afrique du Nord. Un avion devait même le chercher, mais il va le décommander. La surveillance se resserre de jour en jour autour du général Frère et même de ses principaux officiers. Le général Georges se rend en Afrique alors que la Gestapo pensait qu’il était le responsable de l’organisation secrète. Après son départ, les membres dirigeant de l’état-major de l’O.R.A. vont se disperser et se répartissent les missions. Le général Verneau est parti à Paris pour s’occuper de la zone Nord. Le général Olleris s’occupe des réunions en zone Sud et le contrôle des liaisons avec l’Algérie. Le général Gilliot s’installe à Toulouse et s’occupe de la zone Sud-Ouest. Le général Grandsart s’occupe des franchissements de la frontière espagnole. Le 5 juin 1943, un officier du contre-espionnage qui était au courant des réunions clandestines, est arrêté par la Gestapo. Une dernière démarche est faite auprès du général Frère pour l’inciter à déménager immédiatement. Il refuse encore, il ne veut pas abandonner son poste. Entre le 9 et 13 juin 1943, la Gestapo arrête le général Delestraint à Paris (assassiné à Dachau), le général Olleris à Thiers, le général Gilliot à Vichy et le général Frère à Royat. Le général Verneau est heureusement encore en liberté et il remplacera le général Frère à la tête de l’O.R.A. Mais ultérieurement il mourra d’épuisement à Dachau.

En effet le 13 juin 1943, le général Frère et son épouse étaient remontés dans leurs chambres après le déjeuner, lorsque des aboiements des chiens les appelèrent à la fenêtre. Deux voitures s’étaient arrêtées devant le perron. Le général Frère, en voyant les cinq hommes en descendre, dit à sa femme : « Pas de doute se sont eux ! ». Et en voyant perler une larme dans les yeux de son épouse : « On ne pleure pas devant l’ennemi ». Il a juste le temps de brûler une lettre qu’il avait dans sa poche et les Allemands sont déjà là. Alors que le général et son épouse sont gardés, ils fouillent la maison et le parc. A 14h30 tout est terminé, les papiers du bureau sont chargés dans une voiture. Ils sont emmenés sans bagage au bureau de la Gestapo qui est tout proche, et ils attendent leur chef pendant cinq heures. Madame Frère demande a ne pas être séparé de son mari. Mais elle est emmenée seule à la prison de Clermont-Ferrand. Dans la nuit du 14 au 15 juin 1943 elle entend sous ses fenêtres un colloque en français qui l’épouvante : « J’ai là-haut, le plus grand chef de tous les officiers français et sa dame, à supprimer ». Madame Frère passe la nuit en prière à genou, imaginant l’exécution à l’aube. Lorsqu’elle est conduite au lavabo, en passant devant la cellule du général Frère, elle lui dit : « du courage pour la journée ». Au bout de quelques jours, les prisonniers sont conduits à la Gestapo de Royat pour y être interrogés puis ramenés à Clermont-Ferrand. Les interrogatoires sont longs et pénibles, et le manque de nourriture les rendent épuisants. Mais la Gestapo manque d’éléments pour définir une culpabilité. Finalement les deux prisonniers sont réunis et font ensemble une promenade de vingt minutes dans la cour. Mais très vite ils sont à nouveau séparés et les interrogatoires continuent. Madame Frère aperçoit un fois son mari qui avait de la peine à descendre un escalier, accompagné par un gardien. Grâce à des ruses et à des complicités, ils arrivent dès fois à échanger quelques mots. Le général Frère lui transmets : « Quoiqu’il arrive, je ne parlerai pas, surtout fait-le bien savoir ». Mais malheureusement le général Frère est transféré au secret à la Gestapo de Vichy. Au cours du mois de juillet 1943, les Allemands ont saisie à l’atterrissage d’un avion, un ordre dactylographié du général Giraud. Cet ordre définissait la mission du général Frère et indiquait les noms des généraux français auxquels il conviendrait de proposer sa place s’il lui arrivait malheur. La Gestapo n’avait désormais plus de doute sur sa culpabilité. Les cellules de la Gestapo étaient aménagées dans les caves de l’hôtel Portugal. Il y était incarcéré à côté des généraux Olleris et Gilliot, puis du général Gransard et du colonel Bonoteau arrêtés à leur tour. Le général Frère a eu à subir encore de longs interrogatoires, où on l’obligeait a rester debout, ce qui devait être un supplice à la suite de ses blessures de guerre. Il n’a pas été brutalisé, mais on le menaçait des pires représailles pour lui et les siens, sil ne donnait pas les renseignements demandés. Inutile de préciser qu’il ne donnera aucun renseignement sur l’O.R.A. Le 19 août 1943, le général Frère est brutalement réveillé et poussé dans un camion avec ses codétenus et conduit à la gare de Moulins où ils prennent un train pour Paris. Le 20 août 1943 un autocar les conduits de la gare d’Austerlitz à la prison de Fresne, où ils sont à nouveau mis au secret dans des cellules isolées. Mais malgré les précautions ils arrivent à communiquer entre eux. Au début il a pu recevoir des paquets avec du sucre et du tabac. Les généraux Olleris et Merson pourront à de courtes reprises communiquer avec lui. Il recevait également la visite de l’aumônier allemand de la prison. Ils rendaient tous hommage à son abnégation et à sa sérénité. Mais les souffrances de ses blessures et le régime affaiblissant usaient progressivement ses forces. Le 1er décembre 1943, au secret depuis trois mois et demi, in est convoqué avec ses camarades à Paris, par l’officier allemand chargé de l’instruction de leur procès. Ce magistrat du Conseil de guerre, le capitaine Roskotten, c’est montré humain. Ultérieurement, l’état de santé du général Frère devenait si déficient, qu’il fut admis à l’infirmerie. Une amie de madame Frère a pu avoir des nouvelles grâce à une courageuse entremise d’une jeune femme. Elle avait réussi à obtenir son transfert à l’infirmerie grâce au capitaine Roskotten, et obtint même un permis de visite. Elle a appris au général Frère que son épouse est au camp de Romainville. Le 4 mai 1944, le général Frère est avisé que son procès est terminé et qu’il allait être transféré en Allemagne où il serait détenu dans un château du Tyrol jusqu’à la fin des hostilités. Les officiers arrêtés avec lui ont reçus le même avis. Mais leur sort était tout autre. Le soir même, ils sont conduits à la gare de l’Est et ils prennent le train pour l’Alsace. Le général Frère obtient l’autorisation de voyager avec ses compagnons d’infortune, ce qui lui permet d’échanger avec eux. Le 5 mai 1944 au matin, les prisonniers sont débarqués en gare de Rothau, près de Schirmeck. On les fait monter avec brutalité dans un camion qui les conduit au village de Natzwiller, où ils quittent la route pour le camp du Struthof. En ce moi de mai il fait encore froid à cette altitude. Lors de leur arrivé ils sont poussés sans ménagement vers la baraque de désinfection. Ils sont mis a nu, rasés entièrement, et revêtus de haillons récupérés sur les morts. Ils portent désormais le triangle rouge des déportés politiques et le sigle N N en rouge, sur la poitrine et le dos, « Nacht und Nebel », c’est-à-dire « nuit et brouillard », une catégorie de détenus appelés à disparaître. Ce type de détenus n’existe plus pour le reste du monde ; personne ne doit savoir ce qu’ils sont devenus, et ils ne recevront ni lettres, ni colis, même pas ceux de la Croix Rouge. Ils sont désormais des morts vivants. Le régime est très dur : trois longs appels par jour, où les détenus sont rassemblés dans le vent glacial ou la pluie dès 4h30 du matin. La nourriture est insuffisante. On assiste aux pendaisons, les détenus subissent des châtiments corporels, et le travail est obligatoire. Le général Frère est reconnu inapte au travail, mais il doit exécuter les appels. Le général Frère souffre du cœur, sa tension est très élevée et il a les jambes très enflées. Il conserve malgré tout un splendide moral mais s’inquiète du sort de son épouse. A la fin du mois de mai de graves épidémies de diphtérie, de dysenterie et de typhus s’abattent sur le camp. Le général Frère est atteint d’une angine diphtérique et est transféré à la baraque infirmerie. Des médecins français témoignent que le général Frère s’en remet grâce au sérum dont il disposait encore. Mais aussitôt après, il est terrassé par une grave dysenterie qui l’épuise chaque jour davantage. Entre temps il apprend toutefois deux nouvelles : le débarquement allié en Normandie et la prise de commandement de l’O.R.A. par le général Revers après l’arrestation du général Verneau. Mais affaibli par dix mois de détention, il se sent gravement atteint. L’accès à l’infirmerie est strictement interdit. De l’extérieur on peut l’apercevoir étendue sur sa paillasse, protégé seulement par une petite couverture, le visage émacié. Le 13 juin 1944, un an jour pour jour après son arrestation, ses amis sont prévenus que ses forces décroissent rapidement. Ils se mettent en quête d’un prêtre. Ils trouvent finalement parmi les infirmiers, un jeune abbé français et ils lui demande de pénétré coûte que coûte auprès du général Frère. L’abbé revient à 20h00 ayant rempli sa mission au péril de sa vie. Il a pu entendre la confession du mourant qui avait encore toute sa conscience. Deux heures plus tard il a cessé de souffrir. Des démarches sont faites pour que son corps ne soit pas incinéré, mais sans succès. Ses cendres, sont comme pour les autres, jetées au vent et retombent sur le sol du ravin. Quant à Madame Frère, emprisonnée au camp de Romainville, est déportée au camp de Ravensbrück le 27 juillet 1944[1]. Elle aura la chance de pouvoir survivre aux horreurs des camps de concentrations.



[1] Charles Béné : L’Alsace dans les griffes nazies Tome V ; 1980, pages 133, 138.

 

Les décorations du général Aubert Frère[1]

 

Grand Officier de la Légion d’Honneur

Croix de guerre 1914-1918 avec 8 citations

Médaille de la Résistance

Insigne des blessés militaires avec trois étoiles.



[1] Site Internet : Wikipedia.

 

Le souvenir du général Aubert Frère

 

L’Ecole Spéciale Militaire Interarmes baptisé sa 135e promotion (1948-1950), la promotion « Général Frère ».

A Coëtquidan, à l’école Spéciale Militaire de Saint-Cyr : un monument.

A Grévillers, son village natal : un grand monument.

Lyon : le quartier du Général frère

A Strasbourg, l’ancienne rue du Maréchal Pétain a été renommée rue Frère en 1950[1].

Le fort Maréchal Pétain à Oberhausbergen a été rebaptiser Fort Frère après la seconde guerre mondiale.



[1] S1161 : Maurice Moszberger, Théodore Rieger, Léon Daul : Dictionnaire historique des rues de Strasbourg.