Fort I - Fort Wantzenau - Fort Fransecky - Fort Ney
Dernière mise à jour : 22 / 06 / 2022
Auteur de la page : MOHR-JOERGER Richard
Avant-propos
Cette fiche descriptive rassemble l’essentiel des informations disponibles concernant le Fort I – Fort Fransecky. Pour obtenir des informations complémentaires sur ce sujet, il suffit de consulter nos chroniques, en fonction des années correspondant à la recherche.
Nous allons aborder l’histoire de ce grand fort détaché relativement isolé à l’extrémité d’une forêt inondable et dans une boucle de l’Ill, construit entre 1873 et 1876, son rôle jusqu’en 1918, son intégration dans la défense française de Strasbourg jusqu’au mois de juin 1940, et enfin son rôle important au cours de la seconde guerre mondiale, en accueillant un important laboratoire secret nazi, sur une partie duquel nous avons réuni récemment d’importantes informations. Avec cette volumineuse fiche je vous invite a découvrir les secrets particuliers de cet imposant ouvrage militaire.
Sources : Une grande partie des sources a été précisée. Chaque source est munie d’un numéro personnel précédé d’un S qui permets de ne pas répéter à chaque fois l’intégralité de la référence (S0001). La liste des sources est indiquée en bas de page. « p. » = numéros de pages / Nummer der Seiten.
Entrée de gorge du fort Ney.
Photographie © MJR 2010-04.
Situation géographique et stratégique
Situation géographique
Le fort Ney est situé au Nord de Strasbourg, sur la limite nord du ban de la commune de Strasbourg, au nord de la forêt de la Robertsau, sur la rive droite de l’Ill. Construit dans une boucle de l’Ill, il est légèrement dominé à 2 000 mètres sur sa gauche par les hauteurs qui s’élèvent en avant de Reichstett.
01/03/1874 : la Revue militaire de l’étranger nous décrit le fort Wantzenau de la manière suivante d’après les renseignements tirés de divers journaux allemands : « Le fort Fransecky, situé dans la forêt de la Wantzenau, a exigé le déboisement d’une partie des bois communaux de la ville. Il est destiné à commander, avec le fort Blumenthal, le cours inférieur du Rhin. Il bat, d’ailleurs, la chaussée de Lauterbourg et la vallée. Le fort Moltke, situé sur la hauteur, un peu en arrière de Reichstett, croise ses feux avec ceux du fort Fransecky sur toute la vallée et assure avec ce fort la défense du secteur limité par le canal de la Marne au Rhin et par le Rhin ».
21/08/1874 : description du secteur nord de Strasbourg. Une note du deuxième bureau du grand état-major français datée du 21 août 1874 et signée par un capitaine du génie nous apporte quelques précisions le secteur nord à la suite d’une reconnaissance effectuée en août 1874 : « Au Nord le fort de Mundolsheim tient la route d’Haguenau ainsi que le chemin de fer de Paris, tandis que les ouvrages de Reichstett et de la Wantzenau battent la plaine qui s’étend entre la forêt de Brumath et le Rhin ».
Description particulière de l’emplacement du Fort n°1 : « Le fort n°1 de la Wantzenau est situé dans une boucle formée par l’Ill au Nord du jardin d’Angleterre et au milieu de la forêt de la Wantzenau qui a été rasée sur une assez grande surface. Ce fort dont les fossés sont pleins d’eau a des faces armées de 18 pièces et des flancs de 6 seulement. Son relief est de 10 m environ au-dessus du terrain naturel. La caserne construite sous le parapet n’a qu’un étage. Ce fort bat très bien la route de Lauterbourg et la plaine de l’Ill, il est légèrement dominé à 2 000 mètres sur sa gauche par les hauteurs qui s’élèvent en avant de Reichstett ».
Remarque : lors de la reconnaissance, le capitaine du génie n’a pas pu entrer dans l’ouvrage et de ce fait s’est trompé sur le nombre d’étages de la caserne. Par ailleurs, il n’a pu voir toutes les pièces d’artillerie.
1883 : Dans le Manuel complet de fortification publié en 1883, J.H. Plessix donne les informations suivantes sur le Fort Fransecky : « Le fort n°1, dit fort Fransecky, est situé près de la rive gauche du Rhin, entre l’Ill et le fleuve, dans un coude de l’Ill et à 5 000 mètres de l’enceinte. C’est un fort à fossés plein d’eau, entouré à gauche par l’Ill et à droite par des bras du Rhin, dont les îles boisées augmentent la valeur défensive de l’ouvrage. Il bat la route de Lauterbourg et le chemin de fer de Germersheim ».
1884 : En France, en 1884, le lieutenant-colonel Hennebert publie la troisième édition de son ouvrage dénommé l’Europe sous les armes. A propos de la place forte de Strasbourg et du Fort Fransecky il publie ceci : « A l’entour de ce noyau central, le maréchal de Moltke a fait construire des forts détachés. Sur la rive gauche du Rhin, s’échelonnent en hémicycle : le fort Fransecky dans la forêt de la Wantzenau, entre le Rhin et l’Ill ; le fort de Moltke, au sud du village de Reichstett ; le fort de Roon, entre le chemin de fer et la route de Wissembourg, à l’est du village de Mundolsheim ; le fort Podbielski, près de ce même village ; le fort Kronprinz (Prince-Royal), à l’ouest du village de Niederhausbergen ; le fort Grossherzog von Baden (Grand-Duc de Bade), au nord-ouest d’Oberhausbergen ; le fort Bismarck, au nord de Wolfisheim ; le fort Kronprinz von Sachsen (Prince-Royal de Saxe) au nord et près du chemin de fer, entre Holtzheim et Lingolsheim ; le fort von der Thann, rive gauche de l’Ill, près du chemin de fer de Mulhouse, au nord de la station de Geispolsheim ; le fort Werder, au sud-est de Graffenstaden, près du canal du Rhône au Rhin ; le fort Schwarzhoff, construit au milieu des marécages boisés de la rive gauche du Rhin ».
Entrée de gorge du fort Ney. Photographie © MJR 2010-01
Cartographie
L’étude des anciennes cartes permet de voir l’évolution de l’environnement du fort.
1870 : Extrait de carte des environs du site de construction du fort Wantzenau, Fort I, Fort Fransecky, actuel fort Ney.
Source : collection BP.
12/12/1872 : réalisation de la carte de relevé de terrains sur la ligne des forts n°1 à 9 de la rive gauche du Rhin, à l’échelle 1/125 000e, dimension 152,5 cm x 123 cm, attachée au rapport du 18 décembre 1872.
05/1914 : Carte du plan de mise en état de défense de la place forte de Strasbourg par l’artillerie. En bleu les positions, abris et batteries à construire ou aménager pendant les 20 premiers jours de la mise en état de défense, et en rouge ceux qui doivent être construits après les 20 premiers jours de la mise en état de défense. Chaque position de part et d’autre du fort comprend en règle générale un abri d’infanterie, un réseau de tranchées couverts par un réseau de fils surmonté de barbelé. La ligne principale de résistance est restée sur la ligne des forts détachés. Entre la berge droite de l’Ill et la rive gauche du Rhin, aucune tranchée n’a été prévue à cause de la proximité de la nappe phréatique. Les tranchées sont remplacées par des levées en terre. Une seule position d’artillerie est installée au sud du Fort Fransecky. Les batteries indiquées avec des flèches rouges sont des batteries de flanquement dotées en règle générale de 2 canons de 9 cm chacune. Le fort Fransecky est flanqué par la batterie Ouest de l’ouvrage Neuf-Empert et la batterie Est de l’ouvrage intermédiaire Fransecky-Moltke.
Source : archives GSTAPK, collection CESFS.
1915 : Extrait d’un plan topographique annoté par le renseignement militaire français. Sont indiqués en rouge les réseaux de fil de fer et de barbelé, les tranchées, la position des batteries, datant de la mise en état de défense de 1914-1915, qui n’est pas achevée à cette époque. Tous les abris et batteries d’intervalle installés entre 1887 et 1890 environ, sont en noir. Les abris sont marqués « Inf » ou « Mun », les services français ne font pas de différence entre les abris d’artillerie et les abris à munitions.
Source : S.H.D.
2017 : extrait de la carte de Wikimapia.
Source : Wikimapia 2017 - Annotations MJR.
Vues aériennes
05/09/1947 : Vue aérienne du fort Ney sur la rive droite de l’Ill.
Source : Géoportail, Institut National de Géographie (I.G.N.).
13/07/1950 : Vue aérienne du fort Ney sur la rive droite de l’Ill.
Source : Géoportail, Institut National de Géographie (I.G.N.).
14/09/1950 : Vue aérienne du fort Ney et de l’ouvrage intermédiaire Neuf-Empert.
Source : Géoportail, Institut National de Géographie (I.G.N.).
1998 : Vue aérienne du fort Ney et de l’ouvrage intermédiaire Neuf-Empert.
Source : collection MJR
Déroulement de la construction
Expropriation des terrains pour la construction du fort Fransecky
Le fort Ney est situé sur des terrains appartenant aux communes de Strasbourg et de La Wantzenau. Compte tenu que ce ne sont pas des terrains privés, les autorités militaires procèdent à des échanges de terrain. Cette procédure entraîne une enquête publique et suscite maintes critiques dans la presse locale.
Préparation de la construction du Fort I, Fort Wantzenau, Fort Fransecky, fort Ney
17_18/02/1873 : le site a été déboisé et la commune de Strasbourg met en vente aux enchères 1 194 troncs de chêne, 384 ormes, 1 hêtre, 3 érables, 11 tilleuls, 3 cerisiers, 28 noyers, 1 pommier et divers branchages. Le bois est entreposé sur les rives de l’Ill, et peut être évacué par voie fluviale. Le transport doit être exécuté avant le 12 mars 1873.
20/12/1872 : La presse locale et officielle a publié cette adjudication pour la construction de 3 forts dans les environs de Strasbourg : « Adjudication pour la construction de 3 forts dans les environs de Strasbourg. Le 20 décembre 1872, le matin à 10 heures, doivent être soumissionné par entreprise générale au bureau du service de fortification de Strasbourg les trois forts situés sur la rive gauche du Rhin, près de la Wantzenau, Illkirch et au sud d’Ostwald. La prise en charge d’un fort nécessite un consortium comportant au moins trois maîtres maçons, mais les grandes entreprises de travaux étant une société solidement organisée peuvent soumissionner pour la construction de plusieurs forts dans le cas où elles s’engagent à mettre sur chaque fort, en permanence, un maître maçon expérimenté dans la conduite d’un tel chantier. Les consortiums qui participent à cette soumission doivent présenter les attestations de leurs membres pour le 10 décembre, documents à envoyer au service de la Fortification et doivent disposer en plus, d’un capital d’entreprise certifié d’au moins 50 000 thalers. La caution a déposé pour la construction d’un fort est fixée à 20 000 thalers, de celle-ci 10 000 thalers doivent être déposés à la signature du contrat sous forme d’obligation d’Etat, et le reste sous forme de payement d’environ 5% des sommes successives à percevoir. Chaque construction de fort nécessite : environ 195 000 m3 de terrassement et environ 30 000 m3 de maçonnerie. La durée de construction d’un fort est fixée à 3 ans. Les conditions particulières peuvent être consultées au bureau des fortifications ».
Remarque : il s’agit de l’adjudication de la construction des ouvrages suivants : Fort I – Fort Fransecky actuel Fort Ney, Fort VIII – Fort von der Tann actuel fort Lefebvre, Fort IX – Fort Werder actuel fort Uhrich.
D’après la presse locale, la construction de ces trois forts à fossés en eau est finalement confiée au consortium d’entrepreneurs dénommé « Pathe, Jerschke et Schneider », qui a proposé un prix de 6% inférieur au prix de base.
Expropriation des terrains pour le renforcement de la ceinture des forts détachés de Strasbourg à la suite de la crise de la brisance
En 1887, dans le cadre du renforcement des forts à la suite de la crise de l’obus torpille, on procède à de nouvelles expropriations pour réaménager le glacis des forts, aménager de construire de façon permanente l’ouvrage intermédiaire Neu-Empert. Pour cette expropriation on utilise toujours les dispositions de la loi française de du 3 mai 1841.
Construction du fort I, Fort Wantzenau, Fort Fransecky, actuel fort Ney
Chronogramme : à l’intérieur du porche d’entrée :
1873 – 1876 : Dates officielle de construction.
15/03/1873 – 31/03/1875 : Dates plus précises d’après les diverses informations.
Les travaux de construction des trois forts détachés à fossé plein d’eau de la rive droite du Rhin, c’est-à-dire le Fort I, Fort Fransecky, le Fort VIII, Fort von der Tann et le Fort IX, Fort Werder, commencent au printemps 1873. Pour le Fort I, Fort Wantzenau, Fort Fransecky, ils commencent vraisemblablement vers le milieu du mois de mars 1873, puisque lors de l’adjudication du bois, les conditions particulières de la vente aux enchères du bois précisaient que ce dernier devait être évacué avant le 12 mars 1872.
Une cantine a été érigée pour héberger et nourrir les ouvriers sur le chantier du Fort I. Elle appartient à Monsieur Geißler. Les prestations de cette cantine sont payées à l’aide de jetons-monnaie. Sur la représentation suivante quelques exemples retrouvés par des numismates. Ce système de rémunération permettait de garder les ouvriers sur place et devait ainsi contribuer à la préservation du secret des travaux.
Source : collection FF.
01/03/1874 : la Revue militaire de l’étranger nous décrit le fort Wantzenau de la manière suivante d’après les renseignements tirés de divers journaux allemands : « le fort Fransecky, situé dans la forêt de la Wantzenau, a exigé le déboisement d’une partie des bois communaux de la ville. Commencé au printemps dernier, ce fort ne doit pas être terminé maintenant ; il est probable, en effet, que les ingénieurs allemands ont rencontrés des difficultés à asseoir un fort sur ces terrains d’alluvions à demi inondés. Le fort aura ses fossés pleins d’eau. Il est destiné à commander, avec le fort Blumenthal, le cours inférieur du Rhin. Il bat, d’ailleurs, la chaussée de Lauterbourg et la vallée. Le fort Moltke, situé sur la hauteur, un peu en arrière de Reichstett, croise ses feux avec ceux du fort Fransecky sur toute la vallée et assure avec ce fort la défense du secteur limité par le canal de la Marne au Rhin et par le Rhin ».
03/04/1875 : occupation permanente des forts de la rive gauche à Strasbourg. Une revue militaire française qui puise ses informations dans la presse allemande nous livre ces informations : « Les casemates sont maintenant complètement terminées dans les forts de la rive gauche à fossés pleins d’eau, c’est-à-dire dans les forts Fransecky, Tann et Werder, et assez sèches pour pouvoir être habitées. En conséquence, à dater du 1er avril 1875, ces forts ont été occupés par une garnison permanente, et non plus par des détachements relevés chaque jour ».
Aménagements complémentaires au Fort Fransecky
08/04/1874 : adjudication pour la livraison de 175 étagères en bois destinées au stockage des projectiles au profit de la place de Strasbourg par le dépôt d’artillerie « Kaiserliches Artillerie-Depot ». Il est fort probable que ces étagères doivent également équiper les forts nouvellement construits.
08/1874 : Une note du deuxième bureau français datée du 21 août 1874 et signée par un capitaine du génie nous apporte quelques précisions sur l’avancement des travaux à la suite d’une reconnaissance effectuée en août 1874 : « Les nouveaux travaux exécutés par les Allemands à Strasbourg comprennent 12 forts, 3 sur la rive droite du Rhin, 9 sur la rive gauche. Les forts de la rive droite sont à peine commencés, ceux de la rive gauche au contraire sont terminés sauf toutefois ceux dont les dossés sont pleins d’eau ».
09/03/1876 : adjudication des travaux de pose de fascines sur les fossés des forts Fransecky, Tann et Werder. Le journal Straßburger Zeitung a publié ce communiqué à trois reprises : « Avis. Le jeudi 9 mars 1876, le matin à 10 heures, au bureau local du service des fortifications, doivent être adjugés les travaux de consolidation des berges des fossés (fascines) y compris la livraison des matériaux. Les offres rédigées sur du papier timbré portant l’inscription « travaux de consolidation des berges » doivent être déposées ou être envoyées au bureau du service des fortifications, sous pli cacheté avant la date et l’heure indiquée. Les conditions particulières peuvent être consultées tous les jours pendant les heures de bureau. Service impérial des fortifications ».
18/10/1876 : adjudication les travaux de fascinage nécessaire à la consolidation des berges des fossés des forts Fransecky, Tann et Werder : La presse locale nous informe que le mercredi 18 octobre 1876 matin à 10 heures, doivent être adjugé au bureau local du service des Fortifications « Kaiserliche Fortification » les travaux de fascinage nécessaire à la consolidation des berges des fossés des forts Fransecky, Tann et Werder. La livraison du matériel est comprise dans l’adjudication. Les offres seront faites sur papier timbré sous enveloppe déposées au bureau du service des fortifications « Bureau der Fortification ». Les conditions particulières peuvent être consultées tous les jours aux heures de bureau.
Armement du fort et exercices de forteresses
30/06/1876 : exercice de forteresse au Fort Fransecky. La presse locale a publié cet article : « Nouvelles militaires. Strasbourg, le 1 juillet 1876. Hier matin, un exercice de service de forteresse s’est déroulé au Fort Fransecky à la Wantzenau, auquel a participé une compagnie du régiment d’infanterie “königlich sächsischen Infanterie-Regiment Nr. 105, portée à l’effectif de guerre. Après que les positions prévues pour cet exercice ont été occupées, la compagnie a été inspectée par son excellence Monsieur le gouverneur ».
Chemin de fer de ceinture
21-27/11/1876 : revente des matériels du chemin de fer de ceinture.
La presse locale a publié ce communiqué à deux reprises : Les matériels rendus disponibles par le démontage des lignes de voies ferrée de ceinture « Ring-Eisenbahnstrecke » et par la fin des chantiers des forts de la rive gauche, seront vendus au plus offrant immédiatement contre payement immédiat sur place en liquide. Les matériels sont les suivants : environ 28 aiguillages, 23 800 traverses de chemin de fer, 800 traverses d’aiguillages, 10 770 clous pour rails « Schienennägel », 39 780 sièges de rails « Schienenstühle », 24 260 clous pour sièges de rails « Stühlnägel », 6 750 cales de sièges pour rails « Stühlkeile », 2 440 « Laschen » ?, 180 plaques de sous-bassement « Unterlags’platen », ainsi que des vieilles portes, fenêtres, planches, bois à brûler « Brennholz » ; 2 remises à planches « Bretterschuppen » ainsi que d’autres matériaux, qui ne sont plus nécessaire sur cette rive. Il est nécessaire de tenir compte des rendez-vous suivants qui ont été fixés le :
Mardi 21 novembre 1876 : pour les forts Fransecky, Moltke et la station Reichstett de la « Ringbahn ».
Mercredi 22 novembre 1876 : Veste Kronprinz et gare près de Niederhausbergen.
Jeudi 23 novembre 1876 : Grossherzog von Baden et gare d’Oberhausbergen.
Vendredi 24 novembre 1876 : Fürst Bismarck.
Samedi 25 novembre 1876 : les forts Kronprinz von Sachsen et Tann ;
Lundi 27 novembre 1876 : le Fort Werder.
La vente aux enchères commence à chaque fois pour les 7 journées, le matin à 9 heures, aux forts Fransecky, Roon, Veste Kronprinz, Grossherzog von Baden, Fürst Bismarck, Kronprinz von Sachsen et Werder, et les acheteurs potentiels sont informés que les conditions sont évoquées sur place et qu’ils peuvent également les consulter au bureau des Fortifications pendant les heures de bureau. Strasbourg le 9 novembre 1876. Kaiserliche Fortification ».
1886 – 1890 environ : Renforcement du Fort Fransecky et des intervalles dans le cadre de la crise de l’obus torpille
1886, hiver : remplacement des volets des casemates par des modèles en acier Bessemer, parce qu’ils sont plus en mesure de résister aux balles du fusil français, par des volets en acier Bessemer.
1887-1890 environ : renforcement partiel de l’ouvrage par une couverture de béton de strass de 1,20 m posée sur une couche d’un mètre de sable, installation de couloir de sable d’une largeur d’un mètre sur les murs exposés, installation d’une caponnière double de saillant, obturation du premier couloir transversal gauche ; rampes de la cour transférée le long du rempart de gorge, réduction de la largeur des ouvertures de certaines traverses-abris.
26/06/1886 : Une note de renseignement française nous livre les informations suivantes : « Des éboulements se sont produits au Fort Fransecky Wantzenau, on construit en ce moment des murs de soutènements dans cet ouvrage. Le fort se trouvant à une trop grande distance de celui de Blumenthal - Auenheim rive droite il est question de construire un fortin sur une île formée par un bras du Rhin entre la Wantzenau et Auenheim ». Il s’agit de l’ouvrage intermédiaire dénommé Neu-Empert ».
Les matériaux utilisés pour la construction du fort
En règle générale : tous les murs exposés à un tir direct d’un assaillant sont en pierres de taille ou moellons, en grès des Vosges. Tous les murs non exposés au tirs direct sont en briques. Toutefois les façades de la caserne et de la gorge sont en briques recouvertes par un épais placage en grès des Vosges.
Avant 1887 : Fondations en béton. Murs en moellons et en briques. Voûtes en moellons ou en briques. Enduit de la maçonnerie des voûtes est recouvert d’une couche de bitume pour l’étanchéité de l’ouvrage. Façade : en briques, couvertes par un placage en pierre de taille de grès, généralement du grès rose des Vosges, base de la maçonnerie en pierres équarries à tête taillé, bouchardées pour le parement. Blocs de granit pour les pierres de tailles qui supportent le haut des charnières des grands portails. Vantaux de portes en bois ou en fer.
Modifications après 1887 : Couverture des locaux les plus importants par une couche de 1,20 m de béton tassé non armé, de pierre de silex bleu posée sur une couche d’un mètre de lœss jaune (terre fine que l’on trouve sur les hauteurs à l’Ouest de Strasbourg) directement posée sur les maçonneries des voûtes. Renforcement des murs extérieurs par un couloir de sable d’une largeur d’un mètre, en enveloppe extérieur avec maçonnerie en briques, autour des zones à renforcer.
Renforcement intérieur des caponnières avec de la maçonnerie en brique. Renforcement de certains passages par des tôles ondulées en acier galvanisé. Volets de fenêtres et certaines portes en fer ou en acier.
Dénominations successives
1872 – 1873 : Fort I, Fort Wantzenau.
01/09/1873 – 22/11/1918 : Fort I, Fort Fransecky. Les 12 premiers forts détachés de Strasbourg seront baptisés par l’ordonnance impériale du 1er septembre 1873. Les noms des plus illustres personnages qui ont joué un rôle ou un commandement important pendant la guerre franco-allemande de 1870-1871 seront utilisés à cet effet. Les personnages les plus importants pour les grands forts, et les autres pour les forts de taille moyenne. Ces noms seront en vigueur jusqu’en 1918 et pendant l’occupation de fait allemande de mi-juin 1940 au 23 novembre 1944. Initialement, le nom était inscrit au-dessus de l’entrée de la poterne principale, sur la façade de gorge, à l’aide de lettres métalliques, en étain doré à la flamme. Dans chaque fort, au niveau de la pièce du commandant du fort, on trouvait en règle générale le portrait offert par l’illustre personnage du nom qu’il portait. Le Fort n°1, Fort Wantzenau, prend donc le nom de Fort Fransecky.
23/11/1918 – 03/04/1919 : dénomination française provisoire : fort du Général Fransecky.
04/04/1919 – 06/1940 : dénomination française : fort Ney.
07/1940 – 11/1944 : pendant l’annexion de fait, le fort reprend son nom d’origine : Fort Fransecky. Le nom est peint en lettre rouge au-dessus de l’entrée, probablement lors des travaux d’installation du laboratoire secret nazi en 1943.
1945 – à nos jours : dénomination française : fort Ney.
Biographie du général von Fransecky (1807-1890)
Le général prussien Eduard Friedrich von Fransecky est né à Gerdern le 16 novembre 1807. Il a commandé la 7ème division de la 1ère Armée du prince Friedrich-Karl lors de la bataille de Königgrätz où il a tenu avec ses troupes, durant de longues heures, le bois de Svibwald soumis à d'importants tirs d'artillerie, et par cela, a particulièrement contribué à la victoire. Durant la guerre de 1870 / 71, il est promu « General der Infanterie » équivalent à un général de corps d’armée. Il était le général commandant le II. Armee-Korps et participa avec celui-ci, aux combats de Metz (Gravelotte et siège de Metz) et de Paris (Champigny). Il a été nommé le premier commandant du 15ème corps d’armée allemand « XV. Armee-Korps » le 20 mars 1871 1879. Ce corps nouvellement créé tient garnison dans une grande partie de l’Alsace-Lorraine, dans les territoires annexés à l’empire. Très rapidement ce corps d’armée deviendra un des corps les plus puissant de l’empire allemand, avec un effectif de pratiquement deux corps d’armée. Le général commande les troupes et le territoire de ce corps, qui s’étendait à l’époque de Colmar à Strasbourg, de Bitche, Sarrebourg à Metz et Thionville. L’état-major était dans l’actuel Palais du gouverneur, rue Brûlée à Strasbourg. Le « General der Infanterie » von Fransecky a notamment été décoré le 25 janvier 1873 de la grande croix du mérite militaire royale et impérial « Grosskreuz der kgl. kaiserlichen Militär-Verdienst-Orden ». En 1879, il est nommé gouverneur militaire de Berlin. Il décède le 21 mai 1890 à Wiesbaden.
Portrait du General von Fransecky en 1870.
Source : collection MJR.
Biographie du maréchal d’Empire Michel Ney, duc d’Elchingen, Prince de la Moscowa
Le maréchal Michel Ney est né le 10 janvier 1769 à Sarrelouis en Lorraine. Engagé volontaire en 1788, il gagne le surnom de « Brave de Braves » et devient général en 1796. Il s’illustre à la bataille de Hohenlinden et est élevé à la dignité de maréchal d’Empire en mai 1804. Après la campagne d’Allemagne de 1805 il est fait duc d’Elchingen. Puis lors de la campagne de Russie en 1812, il est fait prince de la Moskova. Pendant la campagne de France, il s’enhardit à proposer l’abdication de l’empereur Napoléon Ier qui est réfugié au château de Fontainebleau du 18 au 20 avril 1814. Après le débarquement de Napoléon au Golfe-Juan, il promet à Louis XVIII, qui l’avais nommé pair de France, de « ramener l’usurpateur dans une cage de fer ». Mais il se laisse emporter par l’émotion à Auxerre le 18 mars 1815 et tombe dans les bras de l’empereur. A la bataille de Waterloo il fait de son mieux pour sauver la journée. Se rendant compte que la bataille est perdue, il se jette dans la mêlée. Cinq chevaux sont tués sous lui. Il est proscrit lors du retour du roi Louis XVIII, il se cache mais est découvert près d’Aurillac. Il comparait devant la Chambre des Pairs et est condamné à mort pour trahison et exécuté le 7 décembre 1815 place de l’Observatoire à Paris.
Missions
1874 – 1886 : le fort Fransecky, placé sur la ligne principale de résistance de la ceinture des forts détachés de Strasbourg est le pilier du secteur nord de la place de Strasbourg. Ce fort doit, avec le Fort Blumenthal, couvrir le cours du Rhin inférieur. Son artillerie bat très bien la route de Lauterbourg et la plaine de l’Ill. Il borde la lisière nord de l'épaisse forêt de la Robertsau, ainsi que le cours tortueux de l'Ill. Entre Ill et Rhin, le terrain est humide, parsemé de bras morts. Il couvre de ses feux une route qui permet de traverser la forêt et gagner les localités de la plaine vers le nord de Strasbourg ainsi que la voie de chemin de fer Strasbourg-Lauterbourg-Germersheim inaugurée le 1er juillet 1876.
1887-1918 : la mission du fort Fransecky reste inchangée au cours des années 1887-1918. Toujours placé sur la ligne principale de résistance de la ceinture des forts détachés de Strasbourg, il demeure un ouvrage majeur de la ceinture dans un secteur difficile où il n'a pas été jugé utile de réaliser d'organisations des intervalles dans le cadre du programme de renforcement de 1887. Il faudra attendre le plan de mise en état de défense, dont les travaux sont réalisés entre août 1914 et avril 1916 pour que le fort soit entouré de divers ouvrages bétonnés et par des réseaux de fils de fer et de barbelés. Toutefois, compte tenu de la présence de la nappe phréatique à faible profondeur, on remplace souvent les tranchées par des levées de terre dont la forme est analogue à une digue.
1919-1933
Néant. Terrain militaire.
1933-07-06 – 1940-06-17
Le fort est à nouveau classé dans la première série des places de guerre. Il intègre la défense de Strasbourg sur la 2e ligne située juste derrière les débouchés de la berge du Rhin. N’ayant plus d’artillerie, il est utilisé comme point d’appui et sert surtout à abriter et à assurer le ravitaillement des troupes du secteur.
1940-06-18 – 1944
Le fort ne joue aucun rôle défensif particulier pendant l’occupation allemande.
1945 – à nos jours
Le fort n’a plus de rôle défensif.
Zones couvertes par l’artillerie vers 1875 :
Artillerie des fronts droits et gauche : lisière Nord de Kilstett et de Hoerdt environ.
Artillerie du flanc gauche : lisière ouest de Reichstett, jusqu’au canal de la Marne -au-Rhin environ.
Artillerie du flanc droit : lisière ouest de Leutesheim sur la rive droite du Rhin.
Plans - coupes
1876 : réalisation d’un plan pour la réalisation d’un canal de dérivation à partir du fossé du Fort Fransecky vers l’Ill, un plan couleur aux échelles 1 :25e et 1 :250e comprenant un plan de situation, une vue, les plans de masse et les profils « Ableitungskanal vom Graben des Forts Fransecky nach der Ill ».
Caractéristiques générales
Grand fort détaché de ceinture à fossé plein d’eau de type « Biehler », au tracé pentagonal de lunette aplatie. Son relief est d’environ 10 m au-dessus du terrain naturel. Construction sensiblement identique aux deux autres à fossé plein d’eau de la rive droite du Rhin : Fort von der Tann (actuel fort Lefebvre) et Fort Werder (Fort Uhrich).
Faces droites et gauche : comprend 4 traverses par face et cinq plateformes d’artillerie pour deux pièces. Le laboratoire et les locaux d’artillerie à l’épreuve des bombes sous les faces et le saillant.
Flancs droits et gauche : une grande poudrière de guerre sous chaque flanc.
Caserne sous les fronts droit et gauche, surmontée du parapet d’artillerie ; caserne à deux niveaux comprenant à l’aile gauche 15, puis 4 au saillant et à l’aile droite 14 casemates (2 cages d’escaliers par aile comprises) à l’épreuve des bombes ; et le bloc du saillant.
Poterne principale sous traverse en capitale munie de 2 x 7 pièces de chaque côté
Défense rapprochée : flanquement à partir du rempart et des deux caponnières d’épaule, du saillant, des deux demi-bastions de angles de gorge droit et gauche, ainsi qu’à partir des créneaux du bloc de défense de l’entrée au niveau de la gorge, et du blockhaus de garde et du mur d’enceinte du tambour. Caponnière du saillant esquissée mais à priori non construite. A partir de 1887-1890 environ, installation d’une caponnière double avec feu de revers sur le saillant.
Bloc d’entrée de gorge : latrines dans le bloc droit et gauche de la gorge (2 x 4 pièces), et chambres de tir pour la défense rapprochée de l’entrée.
Tambour : comprend un blockhaus de garde et une place d’armes.
Garnison - garde
1870 – 21/11/1918 : Empire allemand
03/03/1874 : Relèves des détachements de garde des forts de Strasbourg. Informations tirées d’une revue militaire allemande « Allgemeine Militär-Revue » : « Le dernier hiver s’est fait remarquer par sa douceur relative, qui était en contraste avec le froid vif de l’Est de l’Allemagne ; et comme nous avons également été épargné par les fortes pluies, la météo s’est montrée très favorable sur l’instruction des jeunes recrues faite au mois de décembre. Les présentations des recrues, qui a été faite en présence de leur supérieurs respectifs, sont désormais terminées pour les régiments prussiens, saxons et wurtembergeois locaux. En conséquence, on arrive à nouveau à faire tourner les services de garde de la garnison. Alors qu’avant la formation des recrues ont formait les détachements de garde de la garnison avec un mélange provenant de divers bataillons, il y a désormais un seul bataillon qui fournit les détachements de garde. Le gardiennage des forts par des détachements de garde « Wacht-Commandos », qui sont relevés tous les mois, est poursuivis de cette façon ».
01/04/1875 : Installation des détachements de garde des forts de Strasbourg à fossés plein d’eau de la rive gauche. La Gazette de l’Allemagne du Nord du 3 avril 1875 nous livre cet article : « Les casemates sont maintenant complètement terminées dans les forts de la rive gauche à fossés pleins d’eau, c’est-à-dire dans les forts Fransecky, Tann et Werder, et assez sèches pour pouvoir être habitées. En conséquence, à dater du 1er avril, ces forts ont été occupés par une garnison permanente, et non plus par des détachements relevés chaque jour ».
01/04/1887 : A compter du 1er avril 1887, tous les forts détachés qui ont des casernes sont garnis de troupe. Les autorités militaires allemandes appellent ce système changement de bataillon « Bataillons-Wechsel », c’est-à-dire qu’un bataillon de chaque régiment d’infanterie est désigné pour assurer les services de garnison pendant une année. La direction des fortifications est actuellement en pourparlers avec les propriétaires pour l’achat des terrains servant de champs d’exercices. Tous ces forts sont munis de tout ce qui sera nécessaire pour recevoir leurs garnisons au complet. Ainsi, ce bataillon détache en règle générale deux compagnies dans chaque grand fort dont il doit assurer la garde.
1902 : Le règlement de garnison de 1902 nous livre quelques informations relatives à la garde du Fort Fransecky. Composition de la garde du fort Fransecky : 1 sergent « Unteroffizier » ou « Gefreiter » (caporal) et 3 hommes du rang en poste de jour devant la porte, avec cartouches. Ils sont fournis par le Fort Fransecky. Les personnels encasernés au Fort Fransecky fournissent également la garde du Zwischenwerk Neuf-Empert, actuel ouvrage Neufempert : 1 « Gefreiter » (caporal), avec cartouches, 1 homme du rang de poste de jour, en tant que patrouilleur, avec cartouches.
02/08/1914 : 1er jour de mobilisation générale en Allemagne.
Au fur et à mesure de leur arrivée, les unités de réserves ou territoriales remplacent les postes de garde et garnisons de forts et ouvrages de Strasbourg.
Exercices de forteresse – Visites importantes
30/06/1876 : un exercice de forteresse est organisé au Fort Fransecky le 30 juin 1876 auquel participe une compagnie du régiment d’infanterie saxon n°105 « königlich sächsischen Infanterie-Regiment Nr. 105 », portée à l’effectif de guerre. Après l’occupation des positions prévues, la compagnie a été inspectée par le gouverneur militaire de Strasbourg.
03/05/1877 après-midi : A l’occasion de la première visite officielle de l’empereur Guillaume 1er (Kaiser Wilhelm I) en Alsace-Lorraine du mardi 1er au vendredi 4 mai 1877, il a visité les forts et notamment le Fort Fransecky. A cette occasion la navigation sur l’Ill qui passe à proximité du fort a été interdite. D’après le programme et les comptes rendus publiés par la presse locale, le cortège impérial est sorti de la ville le 2 mai 1877 après-midi par l’ancienne porte des Juifs « Judenthor », est passé devant les Contades au niveau de la porte des Pêcheurs, à l’Orangerie, a traversé la Robertsau, a pris à gauche en direction du « Fuchs am Buckel » jusqu’au Fort Fransecky. Puis ils ont pris la direction de Mundolsheim, Oberhausbergen, Niederhausbergen, le chemin vers Schiltigheim, sont passés devant le cimetière Ste-Hélène et revenue par l’ancienne porte de Pierre « Steinsthor » et la « Steinstrasse ». Le cortège impérial comportait de nombreuses voitures. Dans la 1ère, un officier de la gendarmerie suivi de deux gendarmes montés, dans la 2ème le gouverneur de la place forte General von Schachtmeyer et le directeur de la police Polizeidirektor Back, dans la 3ème le général commandant, dans la 3ème le président supérieur « Oberpräsident » von Möller, dans la 4ème sa Majesté l’Empereur accompagnée par le prince héritier, et enfin les voitures de sa cour. L’empereur portait le petit uniforme de parade de l’infanterie avec casque « kleine Infanterie-Parade-Uniform mit Helm » ; le prince héritier portait l’uniforme de colonel du 2. Schlesischen Dragonner-Regiment Nr. 8 (bleu ciel et jaune). Les plus hautes autorités montèrent dans des calèches attelées “à la Daumont”, attelés de quatre Hongres munis d’un harnachement en argent « Tralehner-Rassenhengsten » de grande taille. Les attelages et les cochers et servants venait de la maréchalerie impériale de Berlin « kaiserliche Marstalle zu Berlin ». Parmi les autorités qui l’accompagnaient, on peut signaler la présence du Feldmarechal Graf von Moltke commandant l’état-major général allemand accompagné par son aide-de-camp « Adjudanten », le colonel Leclerc, le général inspecteur du corps du génie et des ingénieurs « General von Biehler » et du ministre de la guerre, le général von Kameke, un officier russe de la cour impériale, le général von Reutter, attaché militaire de la Russie, le chef du cabinet militaire von Albedyll, les deux aides de camp du prince héritier, le colonel Mischke et le colonel von Liebenau, ainsi que le maître des cérémonies, le Graf von Verponcher. Sur leur parcours ils ont été salués par la foule, on avait mis en place toutes les autorités municipales, les écoles, les associations, les chorales et des groupes de paysans à cheval, provenant des agglomérations traversées et ont avait décoré tout le parcours. En effet après le Fort Fransecky, le cortège a franchi l’Ill sur un pont flottant installé par le génie allemand à la hauteur de l’actuelle ferme avicole Michel (d’après l’histoire de la Wantzenau) et prend la direction de Hœnheim. Dans une lettre adressée à son frère, le Feldmaréchal comte de Moltke dit qu’il était étonné de ne pas avoir entendu de manifestations d’hostilité lors de la visite de l’Empereur en Alsace, contrairement à ce qu’il subit dans le sud de l’Allemagne.
Classement de l’ouvrage
1876-07-22 : Le fort Fransecky fait partie de la place forte de Strasbourg, une place forte classée dans les places avec armement de 1ère classe. En effet, d’après une décision prise par le ministre de la guerre prussien et rapportée par l’Allgemeine Miltair Zeitung du 22 juillet 1876, les places fortes allemandes suivantes sont classées dans les places avec un armement de 1ère classe.
1° Forteresses avec armement de première classe : Strasbourg, Rastadt, Mayence, Metz, Coblence, Cologne, Wesel, Ulm, Magdebourg, Glogau, Neisse, Küstrin, Spandau, Thorn, Posen, Dantzig, Königsberg.
1914-08-02 : Mobilisation général en Allemagne. Avec le début de la mise en état de défense de la place forte de Strasbourg, le Fort Fransecky fait partie intégrante du secteur Nord de la place forte. La liste des unités qui ont occupé l’ouvrage pendant la première guerre mondiale n’est pas connue.
1933-07-06 : Première série des places de guerre.
D’après la loi du 6 juillet 1933 relative aux fortifications de Strasbourg, publiée au Journal Officiel du 7 juillet 1933, le fort Ney est classé en première série au tableau de classement des places de guerre. Voici une partie de ce texte de loi : Art. 1er. – Sont classé en première série et figureront désormais à ce titre au tableau de classement des places de guerre et ouvrages défensifs de la France les ouvrages détachés indiqués ci-après : ouvrage de Neuf-Empert, fort-Ney, ouvrage Rapp-Ney, fort Rapp, fort Desaix, fort Ducrot, batterie des Cerisiers, fort Foch, fort Pétain, fort Lefebvre, fort Uhrich, ouvrage Uhrich-Hoche, fort Hoche, batterie d’Altenheim, batterie des Paysans, ouvrage du kilomètre 119, abris à munitions M69 et M70. Art. 3. Sont maintenus non classés, sans démolition, les ouvrages détachés de Strasbourg indiqués ci-après : ouvrage Pétain-Kléber, fort Kléber, fort Joffre, ouvrage Joffre-Lefebvre, ainsi que les ouvrages bétonnés divers compris entre les forts Pétain (exclu) et Lefebvre (inclus).
Moyens de communication
Le Fort Fransecky est initialement une station terminale jusqu’en 1887 environ, puis après l’installation de la ligne vers l’ouvrage intermédiaire Neuempert, elle devient une station intermédiaire « Zwischenstation ». Ces deux types de stations sont équipées du même nombre et type de matériels : deux appareils télégraphiques de campagne « Feld-Telegraphen-Apparat » ; des piles de type « Universal-Thor-Element » ou « Weidinger-Element » ; deux manipulateurs morse « Schreibhebel » ; un commutateur n°7 « Umschalter Nr. 7 » permettant de passer sur l’une des trois lignes ; un galvanoscope pour vérifier la charge des piles ; une alarme « Wecker » ; deux relais, destinés à renforcer le signal ; un paratonnerre « Platten-Blitzableiter » qui permet la mise à terre des différentes lignes.
Vous trouverez une description plus complète des moyens de communication de la place forte de Strasbourg dans la rubrique place forte de Strasbourg.
Entretien des fossés et des berges, pêche
L’entretien courant des fossés pleins d’eau des forts détachés et des fortifications urbaines de Strasbourg est assuré par des particuliers qui souscrive aux droits de pêche, de coupe des herbages et de récupération des glaces pour une période donnée. Nous avons retrouvé une de ces adjudications relatives au Fort Fransecky.
22/05/1877 : adjudication par le service des fortifications de Strasbourg du droit d’utilisation des herbages au plus offrant pour une durée de quatre années de 1877 à 1880 inclus et du lot de pêche du Fort Fransecky, pour une durée de 9 années, de 1877 à 1885 inclus le mardi 22 mai 1877.
Histoire particulière du Fort Fransecky / Fort Ney
L’histoire particulière de la place forte de Strasbourg est évoquée dans le détail dans les Chroniques. Toutefois, compte tenu que nous disposons d’informations importantes pour ces périodes, nous vous les présentons sous la forme d’une une courte chronique.
1ère guerre mondiale 1914 – 1918
Dans cette rubrique nous allons voir les événements qui se déroulent au Fort Fransecky, et à ses alentours, comme l’ouvrage intermédiaire Neuf-Empert, et le village de La Wantzenau situé juste devant la ceinture fortifiée. Les travaux de mise en état de défense se déroulent du mois d’août 1914 au début du mois d’avril 1916. Au travers de ces lignes, grâce à son journal l’Abbé Postina nous rend compte des nombreux passages de troupes et de bataillons de travailleurs, des travaux sur les ouvrages de fortification. A partir de 1915 on commence à installer des camps de prisonniers russes dans la région, et finalement c’est en 1916 qu’arrivent les premiers prisonniers russes qui sont dirigés vers le Fort Fransecky. Par la suite il n’y a guère d’événements importants jusqu’à la fin de la guerre hormis l’installation le passage de quelques avions qui longent le Rhin pour s’orienter.
29/07/1914, nuit : à Strasbourg, l’ordre est donné de construire, pour les fortifications de la frontière, tous les emplacements de troupes et de batteries, dont la construction était prévue.
30/07/1914 : un décret du ministère ordonne que les travaux de mise en état de défense de la place de Strasbourg soient entamés par la troupe à des fins d’exercice, sur les terrains militaires uniquement. Il était déjà possible d’entamer les travaux de déboisement des glacis des forts des secteurs défensifs nord-ouest, ouest et sud. A Strasbourg les préparatifs vont bon train.
31/07/1914 : A Strasbourg à 14 heures arrive un nouveau télégramme du ministre de la guerre : « Danger de guerre imminent » ! Bien que cette missive ait été attendue du ministère de la guerre, elle permet enfin au Gouverneur militaire de disposer des pleins pouvoirs et de prendre toutes les dispositions jugées urgentes.
21/07/1914, 19h30 : Wantzenau, à proximité du Fort Fransecky, journal de l’Abbé Dr. Aloys Postina : Deux voitures avec deux sous-officiers arrivèrent chez le maire ce soir et ramenèrent les affiches sur la mise en état de guerre de l’Alsace-Lorraine. Vers 19h30, l’annonceur municipal annonça aux habitants le passage en état de guerre, et les avis sont collés sur les murs.
01/08/1914 : 18h00, place forte de Strasbourg : L’ordre de mobilisation générale était donné pour le 1er août, à 18 heures. Cette mobilisation préparée laborieusement et avec minutie, allait pouvoir commencer. Avec leurs effectifs du temps de paix, les troupes de couverture de la frontière reçurent l’ordre de mouvement et gagnèrent leurs secteurs, ainsi que les détachements chargés de la protection des lignes de chemin de fer et des principaux ponts. La Wantzenau, extrait du journal de l’Abbé Dr. Aloys Postina « La nuit était calme. La population est démunie de toute volonté de travailler, et pourtant il a encore tant à faire ! Le soir, entre 18 et 19 heures, l’appariteur municipal diffuse ce communiqué : Le 2 août est le premier jour de mobilisation générale ».
02/08/1914 : Place forte de Strasbourg : Le commandant en chef de l’armée allemande, le Generaloberst von Moltke, a transmis au Gouvernement militaire un extrait de l’organisation de marche de l’armée. La place forte était placée sous l’autorité de la VII. Armee commandée par le Generaloberst von Heeringen, avec le XIV. Armeekorps du général von Huene, le XV. Armeekorps du général d’infanterie von Deimling et le XIV. Reserve AK, ainsi que la 7ème division de cavalerie. Les XIV. et XV. AK sont des corps d’active, ils seront prêts en quelques jours, tandis que le XIV. Res. AK, en cours de constitution dans le pays de Bade sous les ordres du général d’artillerie von Schubert, mettra plus de temps à rejoindre ses positions.
03/08/1914 : Le journal Straßburger Bürger-Zeitung publie dans le cadre de l’état de siège le communiqué officiel du gouvernement de la place : Interdiction d’envoyer des missives privées contenant des renseignements sur les mouvements de troupe et les ouvrages de fortification ; 18h40 : l’ambassadeur Allemand remet une lettre déclarant l’état de guerre avec la France.
06/08/1914 : 6h00 : La Wantzenau, journal de l’Abbé Aloys Postina : « Dans le village circulait ce matin la rumeur suivante : trois hommes auraient poignardé un soldat à la suite d’une querelle. Les faits étaient les suivants : au cours de la nuit, un homme du bataillon de travailleurs « Arbeiterbataillon », né à Andlau, a donné un coup de couteau conséquent à un jeune homme de 17 ans de Strasbourg. L’auteur du coup, d’après son audition, était un malade mental. De nombreux attelages cherchent du gravier toute la journée pour la construction des ouvrages de fortification près du Fort Fransecky ».
06/08/1914 : 12h00 : Strasbourg, ordres du Gouvernement de la place forte aux bataillons de travailleurs : « Strasbourg, le 6 août 1914. Gouvernement. Les propriétaires de terrains agricoles doivent si possible être immédiatement libérés pour qu’ils puissent rentrer leurs récoltes. Les forgerons « Schmiede » doivent être transférés à l’atelier d’artillerie « Artillerie-Werkstatt ».
De la part du Gouvernement. Signé von Böckmann. « Ordre particulier du Gouvernement. Les voitures nécessaires au transport des vivres des bataillons de mise en état de défense « Armierungs-Bataillon », des compagnies de remplaçants de réserve « Ersatz-Reserve Kompanie » et des bataillons du Landsturm.
De la part du gouvernement. Signé von Böckmann ».
« Strasbourg, le 6 août 1914. Gouvernement. Ordre concernant l’utilisation des bataillons de travailleurs « Arbeiter-Bataillon » et des parcs de voitures « Armierungsfuhrpark » pour la mise en état de défense.
« Les bataillons de travailleurs et les parcs de voitures ne peuvent être utilisés que dans les secteurs « Abschnitten », conformément aux annexes 3 et 4 de la Mobilisation ».
« Strasbourg, le 6.8.14. (5e jour de mobilisation). Service des Fortifications de Strasbourg « Fortifikation Strassburg ». Ordre de fortification n°1 « Fortifikationsbefehl Nr. 1 »
1) Tous les jours arrivent en complément de l’Ordre de fortification n°1 des directives valables pour les bataillons de travailleurs – l’ordre de Fortification n°2 « Fortifikationsbefehl Nr. 2 – des directives de nature techniques.
La transmission de l’ordre de Fortification n°1 aux commandants des bataillons de travailleurs est ordonnée par les officiers ingénieurs des secteurs « Ing. Offiz. Der Abschnitte ».
2) Les Officiers de Poste « Postenoffiziere », les gardes des fortifications « Wallmeister » et les chefs de chantiers « Leiter der Arbeitstellen » doivent recevoir leur habillement. La première moitié doit être envoyée aujourd’hui après le travail à l’I.R. 136 Manteuffelkaserne au Steinring, et l’autre moitié demain (l’ordre a déjà été transmis par télégraphie).
3) Seront équipés d’armes de frappe « Hiebwaffen » (matraques)
a) Les Officiers de Poste « Postenoffiziere », les gardiens des fortifications « Wallmeister » et les chefs de chantiers « Leiter der Arbeitstellen »
b) Les gradés des bataillons de travailleurs « Dienstgraden der Arbeiterbataillone »
Les officiers ingénieurs des secteurs transmettent aux bataillons de travailleurs leur dotation, et ces derniers peuvent percevoir leurs armes contre un reçu à l’arsenal et elles doivent être transmises contre un reçu. Signé Wennhain ».
« Strasbourg, le 6 août 1914. Gouvernement. Points de dislocation des commandants des bataillons de travailleurs
Secteur Nord
Arbeiter-Bataillon I : Reichstett (école) Mairie, Hauptmann Heitz
Arbeiter-Bataillon III: Reischtett, Rittmeister Ruland, provisoirement Hauptmann Heitz… ».
Remarque : Il s’agit là d’un extrait des ordres successifs permettent de se faire une idée de l’organisation des bataillons de travailleurs pour la mise en état de défense du secteur Nord de la place forte de Strasbourg. Les lignes de la Bruche et le Fort de Mutzig sont également sous les ordres du gouverneur et du commandant de la place forte. Les travaux de défense au Fort Fransecky et dans ses alentours sont assurés initialement par les bataillons de travailleurs n°1 et 3 stationnés dont le poste de commandement est à Reichstett.
07/08/1914 : Strasbourg place forte : « Ordres du Gouvernement. Strasbourg, le 7 août 1914. Concerne l’utilisation des bataillons de travailleurs et des parcs de voitures de la mise en état de défense « Armierungsfuhrparks ». « Les bataillons de travailleurs et les parcs de voitures ne doivent être employés que dans leur secteur, conformément à la répartition faite dans les annexes 3 et 4 de la Mobilisation. Tout emploi en dehors de leur secteur nécessite l’autorisation du Gouvernement. Cette consigne est également valable pour les bataillons de Landsturm et les compagnies de complément de réserve « Ersatz-Reserve-Kompagnien ». Toutes les voitures et les chevaux d’un secteur sont affectées à la compagnie du train de forteresse du Landsturm « Festungs-Train-Kompagnie ».
Secteur Nord : 1. Landsturm-Festungs-Train-Kompagnie (Reichstett), affecté au bataillon de travailleurs I Reichstett…. Les besoins en voitures pour le transport des vivres au profit des bataillons de travailleurs, des compagnies de complément de réserve « Ers. Res. Komp. » et des bataillons de Landsturm doivent être prélevés dans leur parc de voitures. Les bataillons de travailleurs doivent détachés des personnels chargés de soigner les chevaux « Pferdepfleger » jusqu’à ce que les militaires du rang manquants soient complété conformément à l’effectif de l’état de guerre.
Lieu de déploiement et commandant des bataillons de travailleurs.
Secteur Nord : Arbeiter-Bataillon I : Reichstett (mairie) ; (Hptm. Heitz) ; Arbeiter-Bataillon III : Reichstett ; (Hptm. Heitz) ».
09/08/1914 : Après-midi, Strasbourg place forte : « Strasbourg, le 9 août 1914 après-midi. Ordres du Gouvernement. Télégramme de Berlin du 8 août 1914 : Quel que soit les circonstances, aucune nouvelle concernant les armées et flottes ennemies et les faits se déroulant sur les théâtres de guerre ne doivent être publiés, sauf elles sont transmises par le bureau du télégraphe de l’Agence Wolff à Berlin. Le département de la presse de l’état-major général. J’ordonne que toutes les troupes commencent immédiatement l’instruction au combat et que cette activité soit développée. Signé von Eberhardt. Generalleutnant und Gouverneur. Les chefs de corps des bataillons d’artillerie et les autorités du service des fortifications sont autorisées à accepter et embaucher des travailleurs pour les employer immédiatement. Les commandants de secteurs prennent en charge la surveillance des bataillons de travailleurs, prennent les décisions nécessaires concernant le ravitaillement en vivres et l’hébergement, et règlent les détachements de personnels de surveillance. Dans toutes les localités, il faut désigner des commandants de localité « Ortskommandant ». Les ordres pour les bataillons d’artillerie sont diffusés à compter de maintenant par les commandants de secteurs ».
14/08/1914 : La Wantzenau, journal de l’Abbé Aloys Postina : « Cet après-midi, les hommes hébergés ici du régiment n°137 et du bataillon de Landsturm n°60, ont été mis en état d’alerte. Ils doivent immédiatement venir à Strasbourg. Les Français doivent être en train d’avancer (combats de la vallée de la Bruche). La population s’inquiète du départ précipité des troupes, et cette crainte est encore accrue, lorsque les gens, qui rentraient des champs du Wörtel, ont été arrêtés par les soldats en faction au pont de l’Ill, pour leur demander leur laissez passer ».
15/08/1914, après-midi : La Wantzenau, journal de l’Abbé Aloys Postina : « Toute l’après-midi, des attelages chargés de ciment partirent de la gare vers les ouvrages de fortification. Hier et aujourd’hui on entendait le grondement des canons au loin. Les habitants vivent dans la peur à cause du risque de siège de Strasbourg ».
16/08/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Après la messe, le maire a fait lire ce communiqué : les lampes à pétrole doivent être préparées au cas où la lumière électrique venait à faire défaut ; et au curé il communique personnellement que sur ordre du Gouvernement de Strasbourg, il est interdit de faire sonner les cloches dans l’arrondissement de Strasbourg. C’est ainsi qu’au cours de l’après-midi, à l’occasion de l’office de guerre, nos cloches sonneront pour la dernière fois. Tout de suite après, les militaires montèrent dans le clocher pour y installer un poste de télégraphie. Le soir, l’appariteur municipal fait le communiqué suivant : Celui qui veut abattre des arbres près des forts, doit se présenter demain avec hache et scie. Salaire journalier : 5 Marks ».
17/08/1914 : La Wantzenau, journal de l’Abbé Aloys Postina : « L’après-midi, un attelage apporta au poste de télégraphie dans le clocher des lanternes et des jumelles ». D’après le plan d’artillerie de 1914, un poste d’observation était prévu dans l’église. Il a donc été installé lorsque les troupes françaises se rapprochaient de Strasbourg en passant par la vallée de la Bruche.
18/08/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Après la messe, un capitaine et un lieutenant monte dans le clocher, pour voir le poste de télégraphie ».
26/08/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Par l’appariteur municipal : Ceux qui ont prêté des pelles, des haches, etc. au bataillon de travailleurs, doivent chercher leur indemnisation cet après-midi à la mairie. Ceux qui veulent travaillés pour les militaires doivent se présenter cet après-midi au « Fuchs am Buckel ». Salaire : 50 Pfennig par heure ».
27/08/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Par l’appariteur municipal : celui qui se fait interpeller par la sentinelle sur le pont de l’Ill doit immédiatement s’arrêter, sous risque d’être abattu sur place. Toutes les barques de pêche ont été récupérée par les militaires et mises sous séquestre au niveau du pont flottant de Gambsheim. Cette mesure a été prise à la suite de la dérive d’un peuplier au niveau de ce même pont, un incident que l’on impute injustement aux pêcheurs locaux. L’enquête faite par le maire conclue que, l’arbre qui a été coupé à proximité du Fort Fransecky est tombé à l’eau et laissé à son sort par les soldats chargés de la mise en état de défense ».
06/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Après les vêpres, 160 hommes du Landwehr-Bataillon Nr. 80 de Kassel arrivèrent ici et prirent leurs quartiers ; mais la plupart d’entre eux devaient encore partir le soir même pour Bischheim, puisqu’un ordre erroné avait été donné ».
10/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Hier, un grand nombre d’hommes de troupe du Arbeiter-Bataillon Nr. 12, qui est stationné ici, c’est-à-dire des hommes de 17 – 25 ans et de 36 – 45 ans, ont été libérés. Les jeunes hommes issus des régions francophones ont été gardés ici. Également nos soldats travailleurs « Arbeitssoldaten », dont la plupart étaient à Ittenheim, sont revenus après plus de 5 semaines d’absence. Et le soir commença à nouveau à la Wantzenau les cris et les beuglements de ces soldats dont on dit qu’il n’aurait même pas gagné de quoi s’acheté l’eau potable journalière (Ils ont reçu pour se nourrir 1,20 M et 53 Pf. En tant que salaire, ainsi que de l’argent pour les vêtements et les chaussures ».
12/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Le matin par l’appariteur municipal : les hommes de troupe qui ont été licenciés par l’Arbeiterbataillon doivent immédiatement retourner sur leurs lieux de travail. Les soldats ne s’y attendaient pas. On racontait qu’ils avaient mal exécutés les travaux, et c’est pour cela qu’on les rappelle ».
14/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Ce soir, 400 soldats travailleurs « Arbeitersoldaten » sont arrivés ici ».
15/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Vers 11 heures du matin, 13 jeunes gens se rendirent à la gare en chantant. Ils appartenaient au bataillon de travailleurs qui est arrivé hier soir, et désormais ils se portaient volontaires pour partir à la guerre au Regiment Nr. 99. Ces jeunes gens sont originaires de Saverne. Aujourd’hui, le commandant local « Ortskommandant », le Major Engels, avec ses soldats du Landsturm-Bataillon Nr. 60 de Molsheim, ont quitté le village. Cet officier, qui avec ces hommes étaient hébergé ici pendant 40 jours, par son comportement calme et serein, laisse un bon souvenir aux habitants ».
17/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Ce matin arrivèrent 25 artilleurs, pour participer aux travaux de mise en état de défense à l’ouvrage Neu-Empert. Une grande agitation c’est produite ici le soir par suite d’une rumeur relative à l’imminence d’un siège de Strasbourg. Cette rumeur est due à l’hébergement prévu chez nous de 500 Bavarois, qui doivent arriver cette nuit ou demain. Cette nouvelle a été ramenée de Strasbourg par des personnes de chez nous. Ce n’est qu’avec difficulté que l’on put démontrer que cette rumeur était fausse ».
19/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Il est interdit de parler français dans la rue, sinon on risque d’être incarcéré. Vers 20 heures du soir, sous une pluie battante, arrive les 500 Bavarois qui avaient été annoncés, que des « Landstürmer » du Landsturm-Bataillon Rosenheim. Ils avaient quitté Munich hier après-midi, vers 13 heures, et ils arrivèrent aujourd’hui vers 17 heures à Bischheim. De là ils se rendirent à Reichstett ; mais comme l’ordre était erroné, ils ont été obligés de marcher jusque chez nous dans la soirée ».
21/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « De nombreux attelages cherchent du ciment à la gare pour l’emmener à l’ouvrage Neu-Empert. Au cours de l’après-midi, 135 hommes « Arbeitersoldaten » arrivèrent ici ».
25/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Des attelages chargés de ciment, de poteaux et de fil de fer barbelé se rendent à l’ouvrage Neu-Empert. Ce soir, ce sont les Bavarois qui ont pris en compte les postes de gardes établis dans différents endroits du village ainsi qu’aux Fort Empert et Fransecky. Mais la garde des voies ferrées « Bahnschutz » continue à être assuré par le Landsturm-Bataillon Molsheim ».
30/09/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Hier soir, les 25 hommes de l’artillerie à pied qui étaient cantonnés chez nous et qui exécutaient des travaux de mise en état de défense près du Fort Empert, ont également été rappelés ».
07/10/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Hier arrivèrent ici 450 Arbeitersoldaten. Ils venaient de Breisach en Pays de Bade ».
09/10/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Comme nous nous y attendions, ce matin les Arbeitersoldaten quittèrent le village pour se rendre à Wolfisheim. Les jeunes gens étaient originaires de Mulhouse et des environs. Aujourd’hui, des attelages des hussards ont cherchés du sable à Hoerdt pour les travaux au Fort Empert. Une nouvelle apporta un peu de vie dans les rangs des Bavarois : 27 avions français ont survolé la frontière près de Metz. Immédiatement on renforça les postes de garde, d’autres sont sortis dans les rues et les champs. Le soir, un détachement complet est même sorti pour faire des observations ».
14/10/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Ce soir les postes du clocher ont été supprimés. Les soldats enduraient beaucoup lors des dernières nuits froides. A partir de maintenant, la garde monte son service de 7 heures à 19 heures, le service de nuit est assuré au secrétariat de la maison municipale ».
16/10/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Par l’appariteur municipal : les champs qui sont dans les rayons des Forts Empert et Fransecky doivent être récoltés ».
22/10/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Ce matin s’est déroulé la conscription d’environ 400 Arbeitersoldaten, qui étaient pour l’essentiel cantonnés à Reichstett et à la Wantzenau. Environ 20 hommes ont été exemptés ».
26/10/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Ce soir l’état-major du « bayerischen Landsturm-Bataillon Rosenheim » a été transféré au « Englischen Hof » (château d’Angleterre). Le lieutenant-colonel Koerle a pris le commandement du secteur Nord de la forteresse de Strasbourg ».
02/10/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Par l’appariteur municipal : « les propriétaires de terrains, située 50 m en avant ou en arrière du réseau de fil, doivent chercher demain un formulaire à la mairie. Celui qui obtient une indemnisation de guerre, et qui n’a pas remis sa déclaration d’impôts jusqu’à demain, verra son indemnisation de guerre supprimée ». C’est déjà la troisième fois que l’on entend cette annonce, et il y a toujours des étourdis et des imprudents comme partout ailleurs. Les barques qui ont été rendues ne peuvent être utilisées que par leur propriétaire, hormis la nuit et les dimanches. Tous les soirs elles doivent être cadenassées au niveau du pont sur l’Ill. Si cette consigne n’est pas respectée, la marque sera confisquée ».
11/11/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Aujourd’hui, environ 180 soldats travailleurs qui étaient stationnés ici, ont été congédiés. Mais tous les artisans doivent se présenter dans les dépôts à Strasbourg, où ils doivent travailler contre une rémunération appropriée. Un certain nombre de ces hommes doit également participer aux travaux de mise en état de défense pendant l’hiver. En conséquence du départ de ces soldats ouvriers, une des salles de l’école des filles a été libérée, si bien que l’école peut reprendre régulièrement ici ».
12/11/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « L’appariteur local annonce : Celui qui a subi des dégâts sur les bois par les militaires doit le signaler demain matin à l’administration municipale ».
20/11/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Au cours de l’après-midi la 3e compagnie du Rosenheimer Landsturm-Bataillon a quitté le village, pour se rendre à Strasbourg, d’où l’ensemble du bataillon est transféré dans les Vosges, pour prendre ses quartiers à « Markirch » (Sainte-Marie-aux-Mines). Les Bavarois étaient contents d’avoir, après quelques jours de calme au sein de la population, d’avoir acquis la sympathie de la population. Vers 16 heures la 2e compagnie du Landsturm-bataillon Kassel est venue à la Wantzenau pour prendre en compte le service de garde ».
14/12/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Aujourd’hui de nombreux postes de guet ont été mis en place pour surveiller les aviateurs ennemis, comme ces derniers temps la ville de Fribourg en Brisgau est la cible des attaques aériennes ».
22/12/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Vers 16h00 des avions ennemis ont survolé le village en direction du sud-est nord-ouest. Les postes de garde ont observé l’avion, sans ouvrir le feu sur lui ».
Source : S0216.
23/12/1914 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « D’après les comptes rendus de la presse, l’aviateur de hier a lancé deux bombes sur le moulin de l’Ill « Illmühle » de Strasbourg, dont l’une est tombée dans l’eau et l’autre sur un terrain vague, sans faire de grands dégâts ».
08/09/1915 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « La 1ère compagnie du « Augsburger Landsturm-Bataillons » a quitté notre village ce matin, pour être transféré et prendre quartier à Willgotheim et Winzenheim. Ils doivent aider sur place à construire des baraques pour les prisonniers russes. Ces derniers seront employés à des travaux de rénovation des chemins et autres travaux similaires ».
25/09/1915 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Très tôt ce matin la 3ème compagnie du « Landsturm-Bataillon Landshut » a quitté notre village. Ces territoriaux « Landstürmer » étaient chez nous depuis le 4 février, et c’était attiré la sympathie de la plupart des habitants de la Wantzenau. De Strasbourg ils partent pour Schirmeck et de là vers le Donon et Allarmont ».
27/09/1915 : La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « La « 2. Kompagnie Landsturm-Bataillon Kempten » est arrivé et à pris quartier dans notre village ».
16/01/1916 : 19h00. La Wantzenau : journal de l’Abbé Aloys Postina : « Vers 19 heures du soir arrivèrent à la gare 113 prisonniers russes en provenance de Rastatt. Beaucoup de monde s’est retrouvé et accompagnait ces hommes étrangers à travers le village sous la garde des militaires territoriaux (Landsturm) bavarois. Ces nouveaux arrivants doivent être hébergés et travailler au fort Fransecky ».
04/1916 : En avril 1916 le général commandant les ingénieurs et les troupes du génie en Allemagne ordonne l’arrêt des travaux de mise en état de défense. Petit à petit se sont des camps de prisonniers russes qui s’installent dans une partie des ouvrages de fortifications de Strasbourg.
Entre deux guerres 1919 – 1939
03/04/1919 : Les forts détachés de Strasbourg se voient attribués un nom français : le Fort Fransecky est désormais nommé fort Ney, du nom du célèbre maréchal d’Empire Michel Ney, duc d’Elchingen et prince de la Moskova (1790-1815).
06/07/1933 : D’après la loi du 6 juillet 1933 relative aux fortifications de Strasbourg, publiée au Journal Officiel du 7 juillet 1933, le Fort Ney est classé en première série au tableau de classement des places de guerre. Voici une partie de ce texte de loi : Art. 1er. – Sont classé en première série et figureront désormais à ce titre au tableau de classement des places de guerre et ouvrages défensifs de la France les ouvrages détachés indiqués ci-après : ouvrage de Neuf-Empert, fort Ney, ouvrage Ney-Rapp, fort Rapp, fort Desaix, fort Ducrot, batterie des Cerisiers, fort Foch, fort Pétain, fort Lefebvre, fort Uhrich, ouvrage Uhrich-Hoche, fort Hoche, batterie d’Altenheim, batterie des Paysans, ouvrage du kilomètre 119, abris à munitions M69 et M70. Art. 3. Sont maintenus non classés, sans démolition, les ouvrages détachés de Strasbourg indiqués ci-après : ouvrage Pétain-Kléber, fort Kléber, fort Joffre, ouvrage Joffre-Lefebvre, ainsi que les ouvrages bétonnés divers compris entre les forts Pétain (exclu) et Lefebvre (inclus).
1936 : De 1936 à 1940, les moyens de défense dans le secteur de Strasbourg sont renforcés. Seul une série de casemates de berges a été érigée. En complément, on érige de petits ouvrages de fortifications destinés à renforcer les passages à travers la forêt du Rhin, et d’une série de petits ouvrages qui protègent les hauteurs des Hausbergen. Il s’agit en effet de blockhaus, de barrières antichars, de position d’armes anti-char ou de mitrailleuses, d’observatoires, d’abris et de postes de commandement. En 1936, on installe donc une cuve de mitrailleuse à proximité du fort Ney.
04/03/1936 : En Allemagne, le 4 mars 1936, le chancelier Hitler, dénonçant le pacte de Locarno, fait occuper par la Reichswehr les pays rhénans ainsi que la zone neutre de la rive droite du Rhin.
07/03/1936 : 1ère mise en alerte et occupation des ouvrages par la troupe. Après ce coup de force, en France, M. Albert Sarraut Président du Conseil prononce cette phrase dans une allocution radiodiffusée le 7 mars 1936 : « La France ne saurait admettre de voir Strasbourg sous le canon allemand ». Mais après des discussions passionnées, après de vaines tentatives auprès des puissances garantes du traité de Versailles, le silence s’est fait… En 1936, la Ligne Maginot est terminée et armée, mais les ouvrages qui la composent ne sont pas occupés en permanence. Néanmoins on y pratique la formation de l’encadrement. Sur les bords du Rhin, les casemates de berge sont désertes et soigneusement verrouillées. Avec cette première alerte, la Ligne Maginot est alors occupée par ses équipages dont la plupart des hommes prennent pour la première fois contact avec la fortification y compris sur les bords du Rhin où l’on s’organise avec hâte. Mais les canons de 47 mm et les mitrailleuses de 13,2 mm n’ont pas encore été installées. Après quelques semaines, l’alerte est levée. Cette première alerte va toutefois entraîner l’accélération de la formation des troupes de forteresse.
28/03/1936 : Aucune intervention n’est possible en dehors du cadre de la coalition. Après ce coup de force de Hitler, les chefs militaires ont été consultés et leurs conclusions sont formelles : toute action militaire peut déclencher la guerre et « celle-ci ne semble pas pouvoir, hors du cadre d’une coalition, amener des résultats décisifs et rapides » (Note du Général Gamelin du 28 mars 1936 remise au ministre de la Guerre et aux Chefs d’Etat-major Généraux).
1937 : En 1937, dans le cadre de la prise en compte de la protection antichar, le génie fait installer des cuves pour canon de 65 mm sur plate-forme métallique. Une de ces cuves est installées à l’ouest du fort Ney.
1938 : Toujours dans le cadre de ces mesures de protection contre les chars, le génie édifie un cinquenelle au Fuchs-am-Buckel (câble d’acier tendu à travers une route).
11/03/1938 : 2ème alerte à la suite de l’annexion de l’Autriche au Reich allemand. L’annexion « Anschluss » de l’Autriche au Reich allemand provoque un nouvel état d’alerte. Début mai 1938, la situation se détend et les équipages quittent à nouveau les bords du fleuve
09/1938 : 3ème alerte à la suite l’entrée des troupes allemandes en Tchécoslovaquie. Une nouvelle crise se déclenche en septembre 1938 lors de l’affaire des Sudètes qui provoque l’entrée de la Wehrmacht en Tchécoslovaquie sous couvert de la protection des minorités allemandes de ce pays car Hitler exige le rattachement des Sudètes à l’Allemagne. A cette occasion les ouvrages sont réoccupés. Comme la situation s’aggrave, un plan de mobilisation partiel est mis en place et les équipages seront alors au complet. La paix de Munich amène la détente et une démobilisation rapide.
03/12/1938 : Evaluation de la puissance militaire allemande. Fin 1938, quelques semaines après l’invasion de la Tchécoslovaquie, le général Gamelin, après avoir exposé l’ampleur de l’effort militaire allemand tant terrestre qu’aérien, écrit à M. Daladier, président du Conseil : « On peut dire que, dès le printemps prochain, l’Allemagne sera en état de faire la guerre à la fois contre la Pologne et contre la France. L’Allemagne pourra à son heure allumer l’incendie au point qu’elle jugera le plus favorable. Pour ce qui est de la France, on doit reconnaître que, d’ores et déjà, elle est hors d’état d’attaquer initialement l’Allemagne avec chances de succès ».
1939 : En 1939, à l’est du fort Ney, on construit 10 blocs de type C, dont l’essentiel assure le flanquement de la digue du Rhin entre le port aux pétroles à l’ouvrage de Neuf-Empert.
2e guerre mondiale : défense de Strasbourg 1939-1940
01/09/1939 : Le 1er septembre 1939 au matin, les armées allemandes entrent en Pologne.
03/09/1939 : La France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939.
15/06/1940 : Le 15 juin 1940 les troupes allemandes franchissent le Rhin et attaque dans le secteur de Schoenau, Marckolsheim et Neuf-Brisach.
16/06/1940 : Dès le 16 juin 1940, le PC de la 103ème division d'infanterie de forteresse est à Mutzig et le LCL Le Mouel, commande à Strasbourg « la croûte », c'est-à-dire les quelques équipages d'ouvrages restant à Strasbourg le long du Rhin, chargés de couvrir le repli de la division. La situation est relativement calme hormis quelques tirs sporadiques.
17/06/1940 : Le 17 juin 1940 les chefs de casemates sont priés de préparer le repli et le sabotage des matériels et des armes qu'ils ne peuvent emporter.
18/06/1940 : Le 18 juin 1940, à 1h30 du matin, le LCL Le Mouel reçoit l'ordre de se replier immédiatement sur Mutzig. Les équipages des casemates et les dernières troupes du 172e RIF et du 226e RI exécutent les ordres reçus la veille. A 5h30 le lieutenant-colonel Le Mouel et son état-major quittent le fort Ducrot. Au petit matin toutes les troupes françaises ont quitté Strasbourg.
2e guerre mondiale : fort allemand 1939-1942
19/06/1940 : L'armée allemande, entre sans combat à Strasbourg, une journée après le départ des dernières troupes françaises, le matin du 19 juin 1940. A 12h30 le drapeau à croix gammée est hissé sur la cathédrale. Les forts détachés de la place reprennent leur dénomination d'origine. Le fort Ney est rebaptisé Fort Fransecky. Au cours des premières semaines, l'armée allemande fait revenir à Strasbourg un certain nombre de prisonniers français qui ont occupés les positions de défense face au Rhin. Ils les chargent de déminer et de retirer les pièges que les derniers défenseurs français avaient laissés sur place. Les nombreuses munitions abandonnées sont rassemblées dans certains forts et ouvrages de la place. Nous n'avons que très peu de renseignements sur le devenir des ouvrages pendant cette période. Certains ouvrages deviennent des dépôts de munitions, de carburant, ou de matériels, d'autres grands forts serviront de camps de prisonniers provenant essentiellement du front Est et des Balkans.
2e guerre mondiale : le laboratoire secret du Fort Fransecky et ses chambres à gaz 1943-1944 qui prépare les expérimentations sur des cobayes humains au camp du Struthof.
Les laboratoires nazis installés au sein du Fort Fransecky sont très peu connus. Après avoir effectué un relevé détaillé des équipements qui restent encore visible au sein du fort, et compte tenu qu’ils ont joué un rôle non négligeable pour préparer les expérimentations nazies pratiquées sur les cobayes humains au sein du camp de concentration du Struthof, j’ai essayé petit à petit de retrouver des informations. J’ai dû un peu élargir le sujet à tout ce domaine pour que l’on puisse mieux comprendre les motivations des médecins nazis. La découverte très récente d’un rapport rédigé par la mission de renseignement militaires ALSOS, a permis de faire un pas de géant dans la connaissance du laboratoire du professeur Dr. Bickenbach. Cependant, en ce qui concerne le deuxième laboratoire « Elektrotechnisches-Institut der Luftwaffe » institut d’électrotechnique de l’armée de l’air allemande, nous n’avons pour l’instant guère trouvé grand-chose et nos connaissances sont encore très limitées.
Voici quelques extraits tirés des annales du procès des médecins à Nuremberg, des divers procès d’après-guerre et de volumineux ouvrage du Dr. Bayle, François, Croix gammée contre caducée, les expériences humaines en Allemagne pendant la deuxième Guerre mondiale, publié en 1950.
28/07/1942 : Le commissariat du Reich à la Santé : décret signé par Hitler, le maréchal Keitel et le ministre Lammers qui unifie les trois services de Santé militaires. Ce décret stipule que le Dr. Karl Brandt reçoit les instructions de Hitler seul à qui il est directement subordonné. Il est chargé de coordination entre les secteurs militaires et civils des Service de Santé. Il devient ainsi le plénipotentiaire de Hitler pour les questions de Santé.
Organisation de la médecine en Allemagne sous le IIIe Reich.
La hiérarchie du IIIe Reich et les services de santé.
Dr. Karl Brandt, commissaire du Reich à la Santé. Condamné à mort en août 1947 par le tribunal de Nuremberg, il est exécuté en juin 1948. Source : S1000.
17/03/1943 : L’institut « Institut für Wehrwissenschaftliche Zweckforschung » (I.w.Z.) invite des membres de la Reichsuniversität de Strasbourg à une conférence. Le Dr. Hirt fait une démonstration sur la microscopie à fluorescence et présente ses recherches. Le professeur Dr. Bickenbach présente un film sur ses expériences avec le phosgène. Ce film permet à Otto Bickenbach d’obtenir le soutien du directeur du SS-Ahnenerbe, Wolfram Sievers, pour qu’il puisse continuer ses expériences en collaboration avec Hirt au camp de concentration du Struthof.
Wolfram Sievers, directeur de du SS-Ahnenerbe, institut de recherche de l’héritage des ancêtres.
04/1943 : En avril 1943 le Dr. Bickenbach reçoit un permis de travail pour accéder au camp de concentration du Struthof et apprend que la chambre à gaz du camp est en cours de construction. Il obtient une donnée essentielle pour préparer la concentration de gaz pour ces futures expérimentations, que la future chambre à gaz a un volume de 20 m3. Il est fort probable que c’est sur cette base qu’il fera ériger la grande chambre à gaz du Fort Fransecky avec une capacité identique de 20m3.
Printemps 1943 – fin 1943 : Au cours de l’année, les nazis installent au Fort Fransecky deux laboratoires secrets. Dans l’aile droite de la caserne, un laboratoire secret de l’armée de l’air « Luftwaffe » dénommé « Elektrotechnisches-Institut der Luftwaffe » c’est-à-dire l’institut électrotechnique de l’armée de l’air et dans l’aile gauche de la caserne le laboratoire de biologie du professeur Dr. Bickenbach qui effectue des recherches sur un antidote pour se protéger des effets du gaz de combat phosgène.
L’installation de ce laboratoire nécessitent d’importants travaux qui concernent 90% des locaux habitables du fort : installation du chauffage central et d’un réseau électrique, agrandissement des fenêtres (chaque bloc de deux fenêtres est transformé en une grande baie vitrée), aménagement de grande parois translucides en briques de verre coloré de part et d’autre des portes qui donnent sur le couloir intérieur, installation dans l’aile gauche de la caserne d’un laboratoire destinée aux recherches sur les antidotes au gaz de combat phosgène équipé de trois chambre à gaz, deux grandes cheminées d’évacuation, de deux sas de décontamination et de nombreux équipement de laboratoire, aménagement de la poudrière droite en salle de réunion et de projection, installation d’une table de dissection, etc. A la vue de l’ampleur des travaux il est vraisemblable qu’ils aient duré toute l’année.
05/1943 : Les professeurs Bickenbach et Hirt mène trois séries d’expériences sur les antidotes au gaz de combat sur des prisonniers du camp du Struthof. La première série commence en mai 1943. D’après les témoignages, il s’agirait d’une expérimentation qui consiste à étaler des gouttes d’ypérite sur les avant-bras de 15 prisonniers allemands. Trois prisonniers seraient décédés, d’autres après de terribles souffrance ont contracté des blessures invalidantes.
06/1943 : Une deuxième série d’expériences a été faite en juin 1943. Ce sont environ 90 à 150 prisonniers qui ont été exposés au gaz phosgène dans la chambre à gaz. Il y aurait eu entre 50 et 60 décès. A la suite de cette deuxième série d’expériences, le professeur Bickenbach obtient du Conseil de recherche du Reich dirigé par Richard Kuhn, un contrat de recherche intitulé « Etudes biologiques et physico-chimiques de protéines plasmatiques à propose des modes d’action des gaz de combat et des poisons bactériens ».
La troisième série d’expérimentation a été retardée, à la suite d’un différend entre Hirt et Bickenbach. De plus, Bickenbach réussi à intéresser à ses expériences Karl Brand, le commissaire du Reich pour le système de santé publique, ancien médecin d’Hitler. Le Dr. August Hirt et Sievers, directeur du SS-Ahnenerbe, interdisent alors l’accès au camp du Struthof au professeur Dr. Bickenbach.
Automne 1943 : Lors du procès des médecins nazis qui s’est déroulé au tribunal militaire international à Nuremberg du 9 décembre 1946 à février 1947, le professeur Karl Brandt commissaire du Reich pour le système de santé publique a déclaré ceci :
Procureur J. Mac Haney : « Avez-vous été au courant d’expériences avec des gaz de combat, avant le 1er mars 1944 ? ».
Karl Brandt : « A l’automne de 1943, j’ai eu connaissance d’expériences de laboratoire à caractère général par le Pr. Bickenbach. Il s’agissait d’expériences à Strasbourg, et je pense, à Heidelberg. Je n’y prenais aucun intérêt ; j’ai rencontré Bickenbach pour une autre raison, et c’est lors d’une rencontre ultérieure, qu’il m’a mis au courant de ce qu’il avait fait. Plus tard, je l’ai aidé à monter un laboratoire à Strasbourg ».
05/09/1943 : Décret signé par Hitler et le ministre Lammers qui renforce l’autorité du Dr. Karl Brandt, le commissaire du Reich à la Santé, qui est désormais chargé de coordonner, de centraliser et d’examiner les problèmes posés par l’activité de tous les services de santé, y compris la science médicale, la fabrication et la distribution de matériel.
01/1944 : Depuis janvier 1944, à Strasbourg, le Dr. Helmuth Rühl est occupé à la construction des équipements de mesure. Il s’agissait de mesurer la concentration de phosgène dans l’atmosphère de la chambre à gaz ainsi que le taux d’humidité de l’air.
02/1944 : En février 1944, le professeur Dr. Bickenbach transfère une partie de son laboratoire de l’institut universitaire dans les installations secrètes du la Luftwaffe (armée de l’air) au Fort Fransecky. Ce site isolé dans la forêt de la Roberstau, dans une boucle de l’Ill, a pour avantage d’être plus discret et moins exposé aux attaques aériennes. En effet Strasbourg devient de plus en plus une cible occasionnelle pour les aviateurs alliés. Au court de ce transfert, il aurait également emmené le fameux microscope électronique, premier exemplaire de ce type construit par Siemens.
Le Dr. Bickenbach peut ainsi poursuivre ses recherches sur les gaz de combat avec le soutien de Karl Brandt. Il demande l’autorisation de pouvoir réaliser des expérimentions sur des cobayes humains au Fort Fransecky. Mais l’autorisation est refusée parce que le laboratoire militaire manque de discrétion et qu’il n’existe sur place aucun moyen médical. Il est vrai qu’au camp du Struthof, accueillant des détenus classés « Nuit et brouillard », la plupart des témoins directs sont appelés à disparaître, ce qui n’est pas le cas des personnels du laboratoire du Fort Fransecky. Le directeur de l’Ahnenerbe Wolfgang Sievers projetait de transférer également le centre de recherche du Dr. August Hirt au Fort Fransecky.
Extrait du procès de Nuremberg du 9 décembre 1946 à février 1947 :
Procureur J. Mac Haney : « Le 2 février 1944, Sievers inscrivit dans son journal : « Rencontré le Pr. Bickenbach à Karlsruhe ; il a mis son travail de recherche sous contrôle du Commissaire Général Karl Brandt. Discussion avec le Pr. Hirt ; sans instructions de Hirt ni du doyen Stein, le Pr. Bickenbach s’est mis en rapport avec le Commissaire Général Karl Brandt, à propos des expériences au phosgène, et il s’est rendu avec lui à Natzweiler. Les commissions doivent être retirées. En ce qui nous concerne, Natzweiler doit être fermé ».
01/03/1944 : Le 1er mars 1944 le professeur Dr. Bickenbach obtient un budget de 25 000 Reichsmark pour poursuivre ses recherches. Le même jour, Hitler nomme Karl Brandt au poste de commissaire général pour la guerre chimique.
11/03/1944 : Le maréchal Goering émet un décret sur la guerre chimique qui concerne les effets de protection. L’armée de l’air allemande avait été en effet chargée de la protection des civils et militaires contre les gaz de combat.
04/1944 : En avril 1944, le professeur Dr. Bickenbach mène une expérience au phosgène sur lui-même au Fort Fransecky. Il se fait assister par ses assistants ; le Dr Helmuth Rühl qui mesure la concentration de phosgène et le Dr Fritz Letz, qui protégé par un masque à gaz, lui a fait plusieurs prises de sang pendant l’inhalation du phosgène. Depuis janvier 1944, Helmuth Rühl est occupé à la construction des équipements de mesure. Il s’agissait de mesurer la concentration de phosgène dans l’atmosphère de la chambre à gaz ainsi que le taux d’humidité de l’air. Le calibrage des appareils réalisés au Fort Fransecky s’avère très compliqué. C’était un paramètre essentiel pour calculer la relation entre la dose létale, la concentration et le temps d’exposition. C’est Wolfgang Wirth, chef du département de protection contre le gaz de l’inspection sanitaire de l’armée qui avait développé ce protocole de mesure. Il avait acquis une expérience pratique lors des travaux dans les chambres à gaz de la citadelle de Spandau.
De 1935 à 1945 on trouvait à la citadelle de Spandau près de Berlin, un complexe de laboratoires dénommé laboratoires de l’armée de terre pour la protection contre les gaz « Heeres-Gasschutzlaboratorien » placé sous la direction du service de l’armement de l’armée de terre allemande « Heereswaffenamt ». Les travaux réalisés au sein de ce laboratoire restaient sous le secret absolu. En effet, il ne s’occupait pas uniquement de faire des études pour la protection contre les armes chimiques, mais s’occupait également du développement de nouvelles armes chimiques et de l’élaboration de nouvelles méthodes de fabrication. Lors de l’approche de l’armée rouge au printemps 1945, on s’efforça de faire disparaître toutes les traces : les documents ont été brûlés et les produits chimiques ont été détruits. L’essentiel des équipements a été transféré à Münsterlager. Sur les photos ci-contre nous trouvons quelques équipements exposés au musée de la citadelle de Spandau.
Source : S0220, relevé des inscriptions au musée de la Citadelle de Spandau par MJR.
Le Dr. Fritz Letz, est chargé d’examiner les différentes formes d’administration de l’urotropine et la vitesse d’absorptions du produit par le corps. D’après un témoignage du Dr. Rühl, le Dr. Bickenbach aurait réalisé dans la chambre à gaz toute une série de flexions, jusqu’à l’épuisement et aurait poursuivi à l’extérieur par une course d’une demi-heure sur un terrain difficile.
05/04/1944 : Le 5 avril 1944 Karl Brandt et le professeur Dr. Bickenbach rencontre le Dr. Hirt à Strasbourg pour qu’il mette fin à l’obstruction du SS-Ahnenerbe. Hirt demande donc la levée de l’interdiction d’accès au camp.
01/05/1944 : Le 1er mai 1944, Karl Brandt vient au Fort Fransecky. Bickenbach lui présente une expérience sur le phosgène menée sur des chats. Puis Wolfgang Wirth vient également à Strasbourg pour voir le Dr. Rühl et mettre au point l’appareillage avant la dernière série d’essais qui sera réalisée au camp du Struthof. C’est après avoir terminé le calibrage des instruments lors des essais sur les animaux au Fort Fransecky que commence les expérimentations sur les déportés au camp du Struthof.
14/06/1944 : Dès le 14 juin 1944 les instruments de mesure sont installés dans la chambre à gaz du camp de concentration de Natzwiller, le Struthof.
15/06/1944 : Le 15 juin 1944 débute la troisième et dernière série d’expériences au Struthof sur des détenus. Les Dr Rühl et Dr. Letz ont mis en place les équipements et Hirt et Bickenbach commencent les expérimentations qui se prolongent jusqu’au 8 août 1944, sur 40 prisonniers. Il s’agit de quelques prisonniers allemands et de tsiganes en provenant du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Les prisonniers arrivèrent 4 par 4, et le Dr Bickenbach augmente au fur et à mesure la dose de phosgène tout en diminuant la dose d’urotropine. C’est Bickenbach lui-même qui emmène les détenus dans la chambre à gaz, et après avoir brisé les ampoules de gaz sur le sol, il ferme la porte et observe la scène. Cette procédure dura à chaque fois une demi-heure. Willy Herzberg, un survivant de ces expérimentations a témoigné qu’il avait entendu un claquement sourd lorsqu’un poumon d’un détenu a éclaté, et il a vu une mousse rosâtre sortir par la bouche, le nez et les oreilles du prisonnier qui s’écroulait. Ce sont 4 prisonniers tsiganes qui meurent à la suite de ces expériences et de nombreux autres prisonniers soufrent d’œdèmes pulmonaires.
Fiche d’un compte-rendu d’expérience au gaz phosgène effectué au Struthof avec 4 prisonniers de guerre russes décédés.
08/08/1944 : Les expériences dans la chambre à gaz du camp de concentration du Struthof s’achèvent. Il est fort probable que les organes prélevés sur les victimes aient été amenés au laboratoire du Fort Fransecky pour les analyses.
25/08/1944 : Décret signé par Hitler, le ministre Lammers, Bormann et le maréchal Keitel, renforce et étend l’autorité du Dr. Karl Brandt commissaire du Reich à la Santé, nommé pour la durée de la guerre. Il se voit attribuer l’autorité suprême dans son domaine, avec le droit de donner des directives aux services et organismes d’Etat, du Parti et de la Wehrmacht, chargés des questions de santé.
28/10/1944 : Dans un courrier adressé le 28 octobre 1944 à Sievers, le Dr Hirt demandait à Sievers de transférer également son institut de recherche au Fort Fransecky comme l’avait fait le Dr. Bickenbach, car sur place il y avait une aile de libre et le fort offrait une protection contre les bombardements. Bien que Himmler eût promis son appui à Hirt, et que Sievers se démenait pour trouver des moyens de transport, seul une partie des appareils du Dr. Hirt seront effectivement évacués à Tübingen.
Le laboratoire du Fort Fransecky a donc joué un rôle important dans la préparation des expérimentations de l’antidote au gaz phosgène sur les cobayes humains au camp de concentration du Struthof. Certes, après la guerre, les juges n’ont jamais réussi à prouver d’éventuelles expérimentations humaines au sein même de la chambre à gaz du Fort Fransecky, hormis celle qu’a menée le professeur Bickenbach sur lui-même. Lorsque j’avais accompagné le Dr. Toledano pour visiter les équipements qui restent au Fort Ney, ce dernier a constaté que les vitres de la chambre à gaz du Fort Fransecky n’étaient pas en mesure à résister à des cobayes qui se débattent. En effet les cobayes ne devaient pas rester statiques mais ce déplacer pour vérifier si l’antidote est efficace lors d’une attaque au gaz phosgène des personnels militaires ou civils. Toutefois la mission de renseignements militaires ALSOS révèle que les vitres des 3 chambres à gaz était constituées de verre armé par un grillage métallique. La présence de prisonniers de guerre russes à cette époque avait levé des doutes lors du procès des médecins au tribunal de Nuremberg. Là encore, les interrogatoires des prisonniers de guerre par la mission ALSOS indique, que se sont les prisonniers de guerre qui assurait la sécurité des accès au fort et le guet antiaérien. Ils ont affirmé qu’ils avaient interdiction d’accéder dans le fort. Pour ma part, c’est la taille de la table de dissection qui me paraît très disproportionnée alors que l’on est sensé effectuer des expériences que sur des animaux. Peut-être qu’un jour d’autres recherches permettront de lever le doute.
2e guerre mondiale : la libération 1944-1945
Nous allons voir l’essentiel des combats de la libération de Strasbourg et ultérieurement de la prise du Fort Fransecky par les troupes de la 2e division blindée commandée par le général Leclerc.
23/11/1944 : 7h00 : Le général Leclerc lance la 2ème division blindée française à l’assaut de Strasbourg. A 7 heures du matin sept colonnes partent en direction de Strasbourg.
Carte des opérations de la 2ème division blindée française lors de la libération de Strasbourg.
8h00 : A Strasbourg, le général Franz Vaterrodt, gouverneur militaire de la place depuis le 6 avril 1941, avait rejoint son bureau à 8 heures au Palais du Rhin (ancien palais impérial allemand). Il est en réunion avec son état-major et faisait un point de situation. Il vient de recevoir l’ordre de mettre la ville en état de défense et de renforcer l’ancienne ceintures de fortification. Il attendait la visite d’un général inspecteur des fortifications. A 8 heures la Gauleitung (direction de l’administration nazi de l’Alsace et du Pays de Bade) a demandé à tous les fonctionnaires de rester à leur poste.
9h30 : Le sous-groupement Rouvillois de la 2° division blindée française est arrivée place de Haguenau et il lance son fameux message « Tissus est dans iode », c’est-à-dire qu’il a réussi à entrer dans Strasbourg. D’autres colonnes sont bloquées devant les forts du front ouest.
Au Palais du Rhin, lorsque la sonnerie du téléphone retenti, le général Vaterrodt prend lui-même la communication puis s’adresse à ses officiers : « On m’annonce, avait-il dit, qu’une quarantaine de chars américains auraient été vus dans la région de Wasselonne. C’est impossible. Ces gens ont perdu la tête et je tiens à vous mettre en garde contre de telles rumeurs défaitistes. Dans les circonstances que nous vivons, elles sont vraiment criminelles. Selon les dernières nouvelles que nous possédons, le front tient du côté de Sarrebourg et il n’y a par conséquent aucun danger à redouter ».
Les blindés de la 2e DB dans les rues de Strasbourg.
Quelques instants après retentissent des coups de canons. Le général ouvre la fenêtre et la pièce est remplie du fracas des engins de Rouvillois qui débouchent sur la place. Le général Vaterrodt réussi à partir par une porte dérobée, parvient à rejoindre sa voiture et à s’enfuir avec quelques officiers vers le nord-est. Il s’arrête quelques instants avec son entourage aux portes de la ville, abrité dans une casemate bétonnée, et sentant la bataille se rapprocher, il remonte dans sa voiture, traverse à toute allure la Robertsau pour se réfugier au Fort Fransecky.
Les blindés de la 2e DB dans les rues de Strasbourg.
Source : S1000.
14h00 : Le 23 novembre 1944 à 14 heures, le drapeau français flottait sur la cathédrale, le serment de Koufra est tenu.
Le drapeau tricolore sur la cathédrale de Strasbourg.
Source : S1000.
Le général Vaterrodt passe 48 heures au chaud (le fort est muni d’un chauffage central) à l’abri des voûtes du Fort Fransecky. Il s’y est enfermé avec son chef d’état-major, le lieutenant-colonel Kaiser et une garnison de 600 hommes qui cantonnent depuis peu dans l’ouvrage. Le fort, blotti dans une boucle de l’Ill, entouré par la forêt rhénane, a été remis en état de défense. Il reçoit l’ordre de faire une sortie afin de rejoindre un bataillon de SS parti de Gambsheim, de manière à créer un élément de contre-attaque. Le général Vaterrodt n’exécute pas cet ordre, et vraisemblablement conseillé par son chef d’état-major, un antinazi convaincu, se résout à la reddition.
Les blindés de la 2ème division blindée devant le Palais du Rhin à Strasbourg.
24/11/1944 : Le Groupement Tactique L (G.T.L.) renforcé par le sous-groupement Rouvillois reçoit l’ordre de tenir les lisières nord de Strasbourg et de réduire la résistance ennemie au fort Ney.
Après-midi : Au cours de l’après-midi du 24 novembre 1944, la batterie allemande d’Oberkirch tire un coup au but sur le Palais du Rhin. Le général Leclerc préfère transférer son poste de commandement dans le bâtiment de l’ESCA.
Soir : Le colonel de Langlade commandant le G.T.L. quitte l’hôtel de la Maison Rouge (place Kléber) et transfère son poste de commandement à l’Université. Le soir il apprend que les Allemands ont évacués le village de la Wantzenau situé au nord du Fort Ney. C’est ainsi que quatre FFI arrivent de ce village pour annoncer à Leclerc la présence du général Vaterrodt au fort Ney. Le général Leclerc donne l’ordre à De Langlade de ramener l’ancien gouverneur allemand de Strasbourg. La mission ravit De Langlade mais la configuration du fort Ney le rend perplexe. Le fort est un ouvrage à l’abri de l’artillerie moyenne, qui était défendu au fond d’une boucle de l’Ill par de bons réseaux de barbelés et des abatis dans la partie boisée. Il ne voyait pas comment un Groupement Tactique de Division Blindée et ses chars pouvait mener à bien cette mission, pour prendre une forteresse alors qu’il n’avait que très peu d’infanterie. Compte tenu que les deux groupes de canons de 105 dont dispose la 2e D.B. ne suffisent pour traiter le fort Ney, De Langlade demande un groupe d’artillerie de 155 mm pour être plus efficace. De Langlade met au point le dispositif d’attaque et les quatre FFI se proposent de guider les troupes. Un des FFI qui s’est entretenu avec le chef de gare de la Wantzenau, a appris qu’un train blindé était en cours de formation côté allemand et qu’il devait rejoindre la Wantzenau pour évacuer le général Vaterrodt. Il s’avère qu’il faut faire vite pour prendre le général. De plus la garnison du fort Ney constitue une menace pour Strasbourg.
Nuit : De Langlade décide d’intervenir immédiatement et dépêche sur les lieux, au cours de la nuit, le capitaine Robert d’Alençon avec la 8ème compagnie du régiment de marche du Tchad et un escadron du 12e Régiment de chasseurs d’Afrique, soit environ une centaine d’hommes. Ils ont pour mission d’occuper la Wantzenau, de défendre solidement les accès au village, et de se rabattre ensuite vers le sud pour bloquer les issues du fort Ney. Il a également l’intention de remettre au petit matin un ultimatum au général Vaterrodt et à cet effet il envoi le sous-lieutenant Braun. Ce dernier rédige le soir même sur une vieille machine à écrire l’ultimatum à adresser à l’ancien gouverneur militaire allemand de Strasbourg : « Mon général, écrit-il, je me permets de vous donner la situation exacte dans laquelle vous vous trouvez. La ville de Strasbourg est tout entière en nos mains et les troupes alliées dévalent partout en Alsace. Vous êtes vous-même encerclé par une division blindée et par deux divisions d’infanterie. Dans quelques heures notre artillerie lourde va pilonner le fort, appuyée par les chasseurs-bombardiers américains qui lâcheront leurs bombes de 1 000 livres et réduiront en poussière l’ouvrage et la garnison qui l’occupe. Il ne vous reste qu’un seul moyen de sauver votre vie avant l’attaque, c’est de vous rendre ». Le sous-lieutenant Braun signe son ultimatum « Général Leclerc, commandant la 2e Division blindée ». Pour transmettre cet ordre il trouve un jeune lieutenant allemand, prisonnier de guerre à la caserne Manteuffel (caserne Stirn).
23h00 : Le détachement arrive à 23 heures à la Wantzenau. Ce capitaine d’Alençon établit son PC dans une exploitation agricole voisine. Le lieutenant allemand est envoyé avec un drapeau blanc sur l’autre rive de l’Ill tenue par l’ennemi. Il revient au bout de 90 minutes accompagné par le lieutenant-colonel Kaiser, le chef d’état-major du général Vaterrodt (ultérieurement on apprendra qu’il a joué un rôle important pour les services de renseignements alliés et qu’il sera évacué avec de grands égards par l’armée américaine). Cet officier entame un dialogue traduit par le sous-lieutenant. Il indique qu’il sera difficile d’obtenir la reddition du général Vaterrodt, qui souhaite certes se rendre, mais qui serait immédiatement abattu par les officiers SS qui l’entourent. Il conseille d’ailleurs de tirer quelques obus sur le fort pour convaincre les plus réticents. Le lieutenant-colonel Kaiser est renvoyé au fort Ney avec un deuxième ultimatum : Si la garnison n’a pas capitulé dans une heure et demie, l’aviation et l’artillerie lourde prendront l’ouvrage pour cible.
25/11/1944 : Matin : Dès que le délai fixé est écoulé, on réclame au PC un tir d’artillerie et l’appui de l’aviation américaine. A cause du plafond bas cette dernière ne peut pas intervenir. Cependant l’artillerie qui est en batterie du côté de Weyersheim, ainsi qu’une batterie américaine (batterie d’artillerie lourde détachée à la 2e DB) déclenche immédiatement leurs tirs. En quelques minutes se seraient un millier d’obus qui s’abattent sur le fort et par une chance extraordinaire, un obus de gros calibre a pénétré par une bouche d’aération et ses éclats font des dégâts à l’intérieur d’une casemate (en fonction des auteurs, les versions divergent un peu sur le nombre d’obus et le calibre, et le peu de dégâts constatés sur l’ouvrage confirme que le bombardement a été très succinct).
Dès que les fumées se sont dissipées ils aperçoivent les drapeaux blancs qui émergent sur le fort. Le capitaine d’Alençon accompagné par deux chars et guidé par les FFI, en compagnie du sous-lieutenant Braun, fonce sur la poterne du fort. Le lieutenant-colonel Kaiser les accueillent et fait entrer les deux officiers dans le fort. Ils négocieront encore pendant deux heures pour convaincre le général Vaterrodt de signer l’ordre de cesser le feu.
13h02 : Le sous-lieutenant Braun retourne au char de commandement et transmet en clair à De Langlade « J’ai mon général. Signé Braun ». De Langlade lui répond qu’il vient chercher personnellement le général. En attendant la sortie du général, De Langlade témoigne que lors de cette attente avec deux blindés à la porte du fort, des munitions se mirent à sauter. Il n’était pas très rassuré puisque autour de lui il y avait une centaine d’Allemands derrières les arbres, qui agitaient des mouchoirs blancs alors qu’ils n’étaient qu’une vingtaine.
Lorsque les munitions avaient fini de sauter, le général Vaterrodt est venu en personne à la porte du fort avec son chef d’état-major, un colonel d’infanterie et 2 sous-officiers allemands, accompagnés par le capitaine d’Alençon et le sous-lieutenant Braun. Il salue De Langlade et lui dit : « Vous ne pouvez pas savoir, Monsieur, combien ces moments sont durs pour un vieux soldat sans reproche… ».
De Langlade a répondu et le sous-lieutenant Braun traduit : « Mon général, je vous entends parfaitement, d’autant mieux que depuis 1940 nous avons connu nous aussi les tristes impressions qui sont les vôtres actuellement. Elles sont pour vous d’autant plus pénibles qu’elles sont définitives et ne comportent pas d’espoir ». Le général demande à garder avec lui son chef d’état-major et ses deux sous-officiers, ce qui lui est accordé en l’invitant à monter dans la voiture. Encadré de deux blindés le cortège se rend à Strasbourg.
Le général Leclerc l’attend et après quelques questions sur le passé militaire du général Vaterrodt, Leclerc met fin à l’entretien. Lorsque le général Vaterrodt sort de la pièce pour être conduit à l’hôtel de la Maison Rouge pour passer une dernière nuit à Strasbourg avant d’être récupéré par les Américains, M. Alfred Betz qui avait assuré la traduction, sent qu’on lui glisse discrètement un document dans la poche. Il s’agissait d’un plan détaillé sur lequel sont portés les emplacements des batteries allemandes qui pilonnent Strasbourg depuis la rive droite du Rhin.
Reddition du général Vaterrodt.
Source : S1000.
Le général Franz Vaterrodt et le lieutenant-colonel Wilhelm Kaiser, alors prisonniers de guerre des Américains, sont jugés coupables d’avoir ordonné la reddition de Strasbourg et condamné à mort par le tribunal du Reich le 13 mars 1945. Le général Vaterrodt est libéré le 25 août 1947. Il s’éteindra le 28 février 1969.
Laboratoire secret du Fort Fransecky objectif de la mission américaine « ALSOES ».
22/11/1944 : Strasbourg apparaissait comme le prochain objectif de la « T Force » de la mission américaine « ALSOES », stationnée à Lunéville. La planification de son intervention ainsi que les dossiers ont été préparé le 22 novembre 1944 à sa base de Lunéville.
De quoi s’agit-t-il ? Alsos était une mission « Top Secret » créé par le plus haut niveau du gouvernement américain. Son objectif était de découvrir les progrès faits par les Allemands pour parvenir à construire une arme nucléaire, et de récupérer au profit des Etats-Unis les documents et les spécialistes. Naturellement cette mission s’intéressait au monde de la physique, ainsi qu’à tous les domaines de la recherche. Les membres de cette mission, militaires et civils, inspectent les grands laboratoires de physique et de biologie, comme celui du Fort Fransecky à Strasbourg.
La Mission Alsos est une mission américaine de renseignement dans le cadre du projet « Manhattan ». Ce projet de développement de l’arme nucléaire américaine, était placé sous la direction du brigadier-général Leslie Groves du corps des ingénieurs de l’armée américaine depuis septembre 1942. La mission Alsos opérait directement sous les ordres du « SHAEF » (commandement suprême allié en Europe), du général Eisenhower et du directeur du Manhattan Project des Etats-Unis. Cette mission, était commandée par le colonel Boris Pash. C’est ce dernier qui a donné le nom à cette mission, « ALSOS » était en grec le nom d’un bosquet d’arbres. Le projet Manhattan, qui était sous la direction scientifique de Enrico Fermi, a développé la première réaction en chaîne nucléaire, dans un laboratoire à Tagg Field, dépendant de l’Université de Chicago, en 1942.
Le détachement « T Force » qui a œuvré à Strasbourg et au fort Ney était commandée par le colonel Boris T. Pash, qui était longtemps associé au renseignement militaire. A la fin de l’année 1943 le colonel Pash avait réussi une enquête qui concernait la tentative des soviétiques, avec la complicité de communistes, pour voler les secrets atomiques américains.
Roosevelt et Churchill souhaitait savoir ou en était Hitler avec le développement d’une super arme. Les deux services, le MI5 et l’OSS avait échoués pour obtenir des réponses. Pash n’échouera pas ! Il ne faut pas se leurrer sur le but de cette mission qui a également permis que les informations scientifiques ne tombent pas dans les mains des Russes et vraisemblablement des autres pays européens !
Photographie, le colonne Boris T Pash à droite.
Source : S1000.
Le témoignage concernant cette mission secrète a été extrait d’un ouvrage d’un jeune lieutenant du génie américain, qui a eu l’occasion de passer au Fort Fransecky fin novembre 1944. A l’époque il faisait partie d’une unité du génie qui opérait avec la mission « ALSOS ». Ce n’est qu’en 1986, en lisant un ouvrage sur le projet Manhattan qui concerne le développement de l’arme atomique américaine, qu’il comprend qu’il faisait partie de cette mission classée « Top Secret ». Il a rédigé ses souvenirs dans cet ouvrage : Compagny A : Combat Engineers remember World War II par Robert Thalhofer. Voici une petite synthèse de son témoignage qui concerne Strasbourg et le Fort Fransecky, complété par le compte-rendu de la mission « ALSOS », chargée de mener une enquête sur les activités « médicales » du professeur D. Bickenbach à la Reichsuniversität de Strasbourg et dans le laboratoire du fort Fransecky, actuel fort Ney. Il existait d’autres équipes de recherche de la mission ALSOS à Strasbourg, mais malheureusement, pour l’instant, nous n’avons pas retrouvé les comptes-rendus comme celui qui concerne l’aile droite du laboratoire de l’armée de l’air allemande au fort Fransecky.
La « T Force » de la 6ème Army Group a suivi les troupes françaises et travaillé à Strasbourg du 23 novembre au 2 décembre 1944. Le lieutenant du génie américain Robert Thalhofer témoigne : « Ici les Allemands ont complètement été surpris par la rapidité de l’attaque menées brillamment par la division blindée du général Leclerc. Les téléscripteurs tournaient encore à plein régime lorsque la « T Force » entre dans le bâtiment de la Gestapo. Ils ont également capturé le premier moteur à réaction du Ju 203 ainsi que les plans détaillés et les documents concernant sa maintenance à l’ancienne usine Matford (ancienne usine Matthis, utilisée par Junkerswerke pour la maintenance et le rodage des moteurs d’avion) à la Meinau. Ils ont également récupéré de nombreux fichiers et documents de la Gestapo.
Les restes de l’ancienne usine Mathis rue du Maréchal Lefebvre à la Meinau, appelée Junkers-Werke, durant l’annexion allemande en 1940-1944. Ces bâtiments étaient utilisés pour les essais et révision des moteurs d’avions.
Source : photographie © MJR-20150614-A39177
Par ailleurs, avec la libération du camp du Struthof le 23 novembre 1945, les alliés commencent à découvrir l’ampleur des crimes nazis. Ils essayent de recueillir des témoignages et de récupérer les documents concernant notamment les expérimentations sur des cobayes humains et complètent leur dossier au fur et à mesure de la libération des autres camps.
Les médecins nazis se sont dans un premier temps, pour la plupart enfui avant ou lors de l’arrivée des alliés à Strasbourg. A priori, le 23 novembre 1944, lors de la libération de Strasbourg, Bickenbach se trouvait encore au Fort Fransecky. C’est lors de la libération du camp du Struthof que les Américains commencent à découvrir l’horreur des expérimentations réalisés par les médecins nazis et à collecter les pièces à charge pour un futur procès.
En ce qui concerne les laboratoires nazis du fort Fransecky, le lieutenant du génie américain Robert Thalhofer témoigne : « Un autre objet était d’un grand intérêt pour les spécialistes de la « T Force » ; il s’agissait du Fort Fransecky, dénommé Fort Ney, situé au nord de Strasbourg au bord du Rhin. Cet ouvrage était attaché à la faculté de médecine de l’université de Strasbourg. …. Une des ailes du fort était occupée par un laboratoire de physique qui a fait l’objet d’une étude du détachement Alsos qui accompagnait la « T Force ». Quelques jours après la libération de Strasbourg, un officier du 6ème Army Group « T Force », informe Alsos qu’il a procédé à des interrogatoires médicaux de docteurs à l’hôpital de Strasbourg et s’il s’est aperçu qu’ils avaient aucune notion en médecine. Ne sachant pas qui ils sont, il les a tous emprisonné. Lorsque le Dr. Samuel Goudsmit, le chef de la mission scientifique Alsos arrive à Strasbourg, il sait déjà que ces médecins sont des physiciens. Mais ils n’ont pas été en mesure de lui en dire plus, mais Carl Friedrich von Weizsacker, leur directeur à Strasbourg, avait quitté la ville avant l’attaque. Goudsmit récupère tous les documents et correspondances que Weizsacker avait laissé derrière lui. Dans ses lettres il informe le Kaiser Wilhelm Institut de physique et son directeur, Werner Eisenberg, qu’il a ordonné l’évacuation de tout l’institut à Hechingen. La lettre indiquait l’adresse exacte et le numéro de téléphone de l’hôtel où réside les physiciens à Hechingen. Goudsmit réalise qu’il n’en aura aucun bénéfice avant que les armées alliées arrivent sur le site d’Hechingen. Les opérations de saisie et de renseignement des objectifs à Strasbourg, qui ont commencé le matin du 25 novembre 1944, ont été achevée le 1er décembre 1944. La « T Force » est retournée le 2 décembre 1944 à sa base de Lunéville. Ultérieurement, ils interviendront en zone française, notamment sur le site de Haigerloch, juste avant l’arrivée des troupes françaises…
Récemment j’ai retrouvé sur Internet deux des comptes-rendus secrets de la mission « ALSOS » relatifs à Strasbourg et au Fort Fransecky / Fort Ney qui sont datés du 12 janvier 1945. Le compte rendu des capitaines Cromartic et Henze a été complété ultérieurement par la traduction d’un papier brouillon avec des notes faites par le Dr. Bickenbach. Le compte-rendu dénommé « Objectifs médicaux dans le secteur de Strasbourg a été déclassifié le 26 juin 1947.
Cette mission inspecte particulièrement l’Institut de Recherche de la Faculté de Médecine de l’Hôpital civil de Strasbourg puis un des deux laboratoires du Fort Fransecky, utilisé par le professeur Dr. Bickenbach. Cette mission réalise un inventaire des matériels et des locaux de ces laboratoires, un inventaire du personnel qui leurs sont affectés et enfin une enquête sur les activités menée auprès des personnels encore présents ou auprès des prisonniers de guerre. Voici en grandes lignes les renseignements livrés par ce compte-rendu. Compte tenu que les personnels de la section biologie sont susceptibles d’intervenir également au Fort Fransecky nous parlerons également de l’institut de recherche de l’université allemande de Strasbourg. Attention, le compte-rendu qui suit fait un état tel que cette mission d’inspection a trouvé ce laboratoire fin novembre début décembre 1944. Ils ont certes conclu que l’on avait fait des expériences avec des gaz mais ne connaissaient pas les détails des expérimentations décrites précédemment.
Institut de Recherche de la Faculté de Médecine de l’Hôpital civil « Forschungsinstitut der Medizinischen Fakultat (Research Institute of the medical faculty) at Burgerspital Strassburg ».
Cet Institut de recherche dépendait de l’université allemande de Strasbourg « Reichsuniversität Strassburg ». Il était organisé en 3 sections : biologie, physique et chimie. A priori, cet Institut de recherche a été installé en 1942-1943, et à officiellement ouvert en mars 1944.
La section de biologie est dirigée par le professeur Dr. Bickenbach, qui dirige également la polyclinique de la faculté de médecine. Il est assisté par les Dr. Ruhl et Letz, ainsi que par deux personnels féminins, à priori en tant que secrétaires. La section de physique était dirigée par le professeur Rudolf Fleischmann. Quant à la section de chimie elle était dirigée par le Dr. Friedrich Weygand.
D’après l’équipe d’inspection de la mission ALSOS, les domaines de recherche de la section de physique de cet institut concernait notamment d’après son équipement aux isotopes radioactifs. Cela a été confirmé par un électrotechnicien travaillant au sein de cet institut. Compte tenu que c’est une autre équipe de la mission ALSOS qui a inspecté cette section de physique, nous n’avons pas plus d’informations. Le Dr. Weygand chef de la section chimie aurait d’après ses adjoints travaillé avec le professeur Dr. Bickenbach sur l’usage des isotopes radioactifs pour étudier le métabolisme. Mais le Dr. Weygand avait affirmé n’avoir jamais travaillé avec le Dr. Bickenbach. La section biologie confirme les mêmes travaux. Le professeur Dr. Bickenbach travaillait le matin à la polyclinique de l’hôpital universitaire et tous les après-midis dans son institut de recherches. Un témoin affirme qu’il a déménagé vers les laboratoires du Fort Fransecky en février 1944 des laboratoires qui auraient été installés il y a deux ans. En juin 1944, une grande partie des matériels de l’institut ont été transférés au Fort Fransecky, y compris le microscope électronique.
Laboratoires du Fort Fransecky
Le Fort Fransecky comprenait deux laboratoires, installé sur deux étages, un dans chaque aile du casernement du fort. D’après la mission ALSOS, chaque aile comprenait 8 pièces par étage muni de grandes fenêtres. En tout il y avait environ 32 pièces, équipées de gaz, électricité et pour la plupart de plans de travail et de tables de laboratoire de tous types.
Entrée du Fort Fransecky.
L’aile droite qui comprenait le laboratoire de physique a été inspecté par une autre équipe d’ALSOS. Malheureusement à ce jour nous n’avons pas retrouvé leur compte rendu. Le rez-de-chaussée de l’aile gauche et une partie de l’aile droite était occupée par la section de biologie de l’Institut de recherches médicales de Strasbourg du Dr. Bickenbach. Ce laboratoire comprenait six pièces utilisées en tant que laboratoire, trois pièces comme lieu de stockage des animaux, une grande pièce de stockage et une pièce située près des locaux à animaux dans laquelle se trouvait un incinérateur.
Façade de l’aile gauche de la caserne du fort Fransecky. Les deux anciennes fenêtres de chaque travée ont été remplacée par une seule grande baie vitrée munie de fenêtres à deux battants. En voyant l’état de cette façade et des baies vitrées, on ne peut que mettre en doute que le fort ait été bombardé avec 1 000 projectiles de 155 mm par l’artillerie américaine. Le porche au centre donne accès à la cage d’escalier de cette partie du laboratoire destinée aux recherches sur un antidote au gaz phosgène.
Source : S3555, photographie ALSOS, vers fin novembre ou début décembre 1944.
Description des pièces par la mission ALSOS :
Ces descriptions correspondent à l’état constaté vers la fin du mois de novembre et les premiers jours de décembre 1944.
Salle A (actuelle pièce n°105 au 1er étage).
Sur les deux côtés de la pièce se trouvait une chambre à gaz construite en béton, et comprenant deux côtés vitrés munie de vitres de verre armé. Les deux chambres étaient semblables hormis que l’une était plus grande. L’étanchéité à l’air de la porte est assurée par un joint en caoutchouc apposé sur le pourtour. Pour assurer la vue, le personnel avait apparemment utilisé de longues bandes de ruban adhésif qu’on trouvait encore collées sur les parois de la chambre. Au centre de la porte se trouvait une ouverture ronde d’environ 1 ½ pouce de diamètre. Autour de cette ouverture se trouvait un cercle de petits clous dépassant d’environ un pouce au-dessus de la surface de la porte, suggérant qu’un certain type d’équipement avait été fixé sur cette ouverture.
Plan de la grande chambre à gaz de la pièce n°105 d’après les relevés faits par la mission ALSOS. 1. Lampe anti-vapeur. 2. Prises électrique double et triple. 3 Tube de prélèvement. 4. Robinets de gaz de laboratoire. 5. Ventilateur. 6. Entrée d’air frais.
Vue verticale de la même grande chambre à gaz. On aperçoit à gauche la colonne d’aspiration de l’air vicié grâce au ventilateur placé sur le dessus, envoyant l’air dans une des cheminées placées sur le parapet. Une cage pour animaux était accrochée dans la chambre à gaz. Les mesures indiquées sont américaines.
Entre le ventilateur d’extraction de l’air vicié entraîné par un moteur électrique et la chambre à gaz, il y avait un mécanisme de coupure étanche à l’air qui n’est est pas indiqué sur le schéma. Le tube étiqueté « tube d’échantillonnage » dans le schéma était à environ 3 ½ pieds au-dessus du sol et était fileté sur son extrémité extérieure. Le tuyau de dix pouces étiqueté « entrée d’air frais » s’étendait de la chambre à gaz au couloir. A l’extérieur il était scellé au moyen d’une plaque étanche aux gaz similaire à celle d’un autoclave. Ce tuyau fait apparemment partie du système de ventilation de la chambre. A l’intérieur de la « cage à animaux » qui était fixée au plafond se trouvaient deux prises électriques. L’un des trois robinets à gaz était relié à un tuyau allant d’un réservoir d’air comprimé, un autre à un réservoir d’oxygène et le troisième à un tuyau qui se terminait dans la chambre F décrite ci-dessous. Ce troisième tuyau avait apparemment été connecté à un équipement qui avait été retiré.
Grande chambre à gaz : colonne d’aspiration de l’air vicié et au-dessus le ventilateur qui envoie ces gaz vers une des 2 cheminées.
Source : photographie mission ALSOS, fin novembre début décembre 1944, S3555.
Les deux cheminées situées sur le parapet de la face gauche du Fort Fransecky, au-dessus de la pièce n°105 du 1er étage.
Source : photographie mission ALSOS, fin novembre début décembre 1944, S3555.
Dans le coin de la chambre se trouvait un support annuaire supportant deux thermomètres centigrades entre 5° et 200°. D’après les papiers personnels trouvés dans le bureau, ce laboratoire a apparemment été utilisé par le Dr. Ruhl. A l’époque de l’inspection, la pièce était en grand désordre. Des équipements étaient éparpillés sur le sol et le sol était recouvert de paille suggérant un projet de les incendier. Les autres laboratoires étaient dans un état similaire. Des filtres à gaz en verre fritté, dont l’un était rempli de laine de verre, et des colonnes d’absorption de gaz remplies de laine de verre remplies d’un composé chimique blanc ont été trouvées dans cette pièce, il y avait deux grands débitmètres pour mesurer les gaz. Une réimpression de G. Riedel et H. Ruska publiée par le laboratoire d’ultramicroscopie de Siemens-Schuckert AG à Berlin (Kolloidztschr. 96 : 86-96, 1941) intitulé « Übermikrosckopische Bestimmung der Teilchenzahl eines Sols über dessen aerodispersen Zustand » a été trouvé sur une table dans cette pièce. Ce document décrit une technique pour la détermination et le comptage des plus petites particules volloïdes dans les aérosols précipités, en utilisant le microscope électronique. Ce document a été transmis au Chemical Warfare Service à Washington.
Autres équipements de la pièce n°105 d’après un négatif d’un film trouvé au laboratoire.
Salle B (pièce n°106)
Le long d’un côté de cette salle se trouvait une chambre étanche à l’air de construction similaire à la petite chambre à gaz trouvée dans la salle A. Cette petite chambre à gaz était connectée au même ventilateur d’extraction des gaz viciées que celle de la petite chambre à gaz de la salle A. Le mur opposé était muni d’une hotte de chimie et un groupe de cages pour petits animaux.
Dispersés à même le sol de cette salle se trouvaient les divers types d’équipement suivants : une petite centrifugeuse, un four à air chaud (type Heraeus), des boîtes de Pétry inutilisées, des supports d’anneau, des pinces, des trépieds, des manomètres à eau, des tubes à essai, de l’équipement d’agrandissement photographique, des bouteilles de Wah, des tubes en caoutchouc et en verre, des filtres à gaz en verre fritté, une cartouche de gaz Makk avec quelques pouces de tuyaux lourd de 1 ½ pouce, soudé à l sortie de la cartouche. L’extrémité libre du tuyau était filetée.
Voici une liste d’équipements trouvés dans cette salle. La liste a été établie sur un document portant l’adresse des Instituts de recherche médicale de l’Université allemande de Strasbourg. Les matériels sont neufs ou ont très peu servis. Voici quelques détails du contenu des 23 caisses et divers matériels entreposés dans cette pièce : 1 grand microtome, 2 transformateurs 220/8 volts (microscope préparatoire), spectroscope de poche, 3 tableaux de commande pour « marmites à vapeur », 3 résistances pour lampes de microscope, 1 thermorégulateur pour incubateur à eau, 2 ultra-thermostats, 1 Erkamètre, 1 dyaliseur électrique à grande vitesse, 1 jeu de thermomètres pour l’ultra thermostat, spiromètre, bain-marie réglable, 1 lampe de microscope, chloromètre de Strauss, 26 aéromètres, Xanthoprotéinomètre, bilirubinomètre, hémomètre, colorimètre Autenrieth, microscope à luminescence,, de nombreux matériels pour le développement et l’agrandissement de photographies, balances de pharmacien, divers équipements de blocs de chirurgie, accessoires pour le microscope électronique (cadre), différents thermomètres pour armoire de séchage, polarimètre, réveil de laboratoire, aiguilles en soie, brucelles, pinces Kocher et forceps, scalpels, pince Ruch, seringue & seringue Kuhn, conteneur de seringue, table « Mausetich », miroir pour les yeux et oreilles, hamomètre, échelle d’hémoglobine globulaire (Ery & Leuko), Hansaplats, tambour de stérilisation, masque anesthésique, bouteille d’Ether, des gants, spatule, extracteur pour couteaux microtomes, 1 microtome de congélation, 2 grands couteaux microtomes A, 4 couteaux microtomes moyens B, 2 couteaux microtomes moyens C, 4 petits couteaux microtomes de congélation, 1 copieur, un châssis de base Panhot, une balance de centrifugeuse, paraffine, pièce de l’incubateur à paraffine Kuster n°1-712, 2 thermomètres, produits chimiques, tableau de commande pour le stérilisateur à sec, 1 bain-Marie réglable, 1 compteur de gaz expérimental de grande taille, 8 paniers en fil, cuvettes à interféromètre, dispositif de suspension centrifuge, pinettes de 10 cc et de 1 cc, 2 plaques chauffantes électriques, 2 supports pour pipettes, bols et supports en verre, micromanipulateur, tensiomètre, petits appareils de mesure des gaz, assortiment de pinettes, thermomètre, verres à centrifuger, bain d’eau, lampe à fente, robinets à trois voies, armoire à paraffine Kuster n°197/98, 2 centrifugeuses Hamgen, 2 centrifugeuses, appareil de projection, support agrandisseur Movikon, un support Leica, compteur dipolaire, microscope médical de classe I, matériel pour le spectrographe à quartz, armoire de séchage à ventilateur Hareus, armoire de séchage de chimie, armoire de séchage Kuster avec cadre.
Entre cette pièce et le couloir, se trouvait une pièce qui abritait apparemment le microscope électronique.
Salle C (pièce 107)
Le matériel trouvé dans cette salle indiquerait qu’elle avait été aménagée en laboratoire d’histopathologie. Il y avait de petits récipients utilisés pour la congélation rapide. Quelques blocs de tissus enrobés de paraffine ont été retrouvés et 1er Laboratoire Médical Général.
Salle D (pièce 108)
Cette salle a été aménagée en laboratoire de chimie. Aucun équipement spécial n’a été trouvé. La verrerie chimique habituelle était présente, y compris deux appareils de distillation en verre.
Salle E (pièce 109)
Cette salle contenait une bibliothèque médicale.
Il y avait des manuels de pathologie, d’anatomie, d’histologie, de biologie général et des copies de revues trouvées qui couvraient les sujets d’hygiène, d’immunologie, de bactériologie, de pathologie, de physiologie, de thérapeutique, de chimie et de physique, de thérapeutique, de chimie et de physique, qui ont été publiées entre 1915 et 1944.
Salle F (pièce 111)
Cette salle ne contenait aucun équipement.
Salle G (pièce 112)
Cette salle a été aménagée pour un laboratoire de chimie avec une grande paillasse au centre. Elle ne contenait aucun équipement et n’avait apparemment jamais été utilisé.
Les activités criminelles du Fort Fransecky et du camp de concentration du Struthof traités par les tribunaux
Que sont devenus les principaux acteurs des expérimentations au Fort Fransecky, et des expérimentations humaines au camp de concentration du Struthof, par les médecins de l’université nazi de Strasbourg. Une partie d’entre eux se suicide, et d’autres sont appelés à comparaître devant le tribunal de Nuremberg, ou d’autres tribunaux ultérieurement. Quelques-uns sont condamnés à mort et exécutés, quelques-uns sont acquittés, beaucoup seront relâchés après de courtes peines de prison.
23/05/1945 : Le Reichsführer SS Heinrich Himmler, s’est suicidé peu de temps après la fin de la seconde guerre mondiale, le 23 mai 1945.
20/11/1945 : Début du premier procès concernant les crimes nazis jugés par le tribunal international à Nuremberg. Ce premier procès se déroule du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. Il concerne les principaux responsables du 3ème Reich.
09/12/1946 : Le premier procès de Nuremberg est suivi par 12 procès spécialisés, dont le 1er est celui des médecins nazis, qui se déroule du 9 décembre 1946 au 19 août 1947, au Tribunal Militaire International de Nuremberg. Sur les 23 accusés, 20 sont médecins et tous plaident non coupable. Lors du jugement, 7 accusés sont acquittés, 16 sont reconnus coupables. Sur ces 16 coupables, 4 ont été condamnés à une longue peine de prison, 5 à perpétuité et 7 ont été condamnés à mort et exécutés le 2 juin 1948 à la prison de Landsberg. Voici une retranscription d’une partie des débats du second procès de Nuremberg, celui dit des médecins, qui s’est déroulé du 9 décembre 1946 au 19 août 1947. Il s’agit de l’interrogatoire du professeur Dr. Karl Brandt, par le procureur J. Mac Haney, publié par le Dr. Bayle en 1950.
Procureur J. Mac Haney : « Avez-vous été au courant d’expériences avec des gaz de combat, avant le 1er mars 1944 ? ».
Karl Brandt : « A l’automne de 1943, j’ai eu connaissance d’expériences de laboratoire à caractère général par le Pr. Bickenbach. Il s’agissait d’expériences à Strasbourg, et je pense, à Heidelberg. Je n’y prenais aucun intérêt ; j’ai rencontré Bickenbach pour une autre raison, et c’est lors d’une rencontre ultérieure, qu’il m’a mis au courant de ce qu’il avait fait. Plus tard, je l’ai aidé à monter un laboratoire à Strasbourg ».
Procureur J. Mac Haney : « Vous rappelez-vous que le témoin Schmidt a dit ici qu’à Strasbourg, on racontait que Bickenbach faisait des expériences avec des gaz, dans un vieux fort ? ».
Karl Brandt : « Je me rappelle ».
Procureur J. Mac Haney : « Vous rappelez-vous aussi que le témoin a déclaré que ces rumeurs disaient que Bickenbach utilisait des êtres humains ? ».
Karl Brandt : « Non, je ne me rappelle pas dans le témoignage du témoin Schmidt ; cela a pu constituer une rumeur, je ne le sais pas, mais c’est improbable, car Bickenbach lui-même était venu me trouver à propos d’animaux, et je m’étais efforcé de lui procurer des animaux d’expériences convenables. Bickenbach ne pratiqua aucune expérience sur des êtres humains ».
Procureur J. Mac Haney : « Ce décret sur la guerre chimique, que vous avez reçu de Goering, le 11 mars 1944, ne concernait pas uniquement des masques à gaz, mais aussi le traitement des blessures causées par le gaz ? ».
Karl Brandt : « Il avait trait au matériel destiné à combattre les gaz en général. La thérapeutique n’était pas comprise, mais le matériel thérapeutique en faisait partie ».
Procureur J. Mac Haney : « Comment ce décret pouvait-il s’appliquer à du matériel thérapeutique comme des médicaments, si ceux-ci n’ont pas été étudiés quant à leur efficacité sur des blessures causées par des gaz ? ».
Karl Brandt : « Le décret ne s’appliquait pas aux études. Mais de nouveaux gaz avaient été découverts depuis la première guerre mondiale, leur effet n’était pas encore clair, et des expériences spéciales étaient certainement nécessaires. J’ai fait suivre ce décret à Himmler, car le Ministère de l’Intérieur était compétent pour certaines mesures contre les raids aériens. C’est Rudolf Brandt qui a fait suivre ce décret à Sievers et à Gratwitz, par erreur ».
Contre-interrogé à nouveau sur ces relations avec Bickenbach, Karl Brandt répète que ce dernier ne s’occupait que d’expériences animales, et voulait se désolidariser de Hirt. Il l’aide à installer un laboratoire au Fort Fransecky à Strasbourg, où Bickenbach opérait sur des chiens et des chats.
Procureur J. Mac Haney : « Le 2 février 1944, Sievers inscrivit dans son journal : « Rencontré le Pr. Bickenbach à Karlsruhe ; il a mis son travail de recherche sous contrôle du Commissaire Général Karl Brandt. Discussion avec le Pr. Hirt ; sans instructions de Hirt ni du doyen Stein, le Pr. Bickenbach s’est mis en rapport avec le Commissaire Général Karl Brandt, à propos des expériences au phosgène, et il s’est rendu avec lui à Natzweiler. Les commissions doivent être retirées. En ce qui nous concerne, Natzweiler doit être fermé ».
Procureur J. Mac Haney : « Qu’est-ce que le Pr. Bickenbach faisait au centre de recherches de Natzweiler ? ».
Karl Brandt : « Il y effectuait des expériences animales ; il y avait une certaine tension entre lui et Hirt, de sorte qu’il désirait se désolidariser de ce groupe, et il me demanda de l’aider ; je l’aidai à établir un laboratoire indépendant de Natzweiler, près de Strasbourg. Quand il voulut reprendre ses expériences de phosgène, son travail fut interrompu en septembre par les conditions de guerre ».
Procureur J. Mac Haney : « N’est-ce pas un fait que Bickenbach effectua des expériences au phosgène sur des détenus de Natzweiler ? ».
Karl Brandt : « Bickenbach effectuait là des expériences animales. Il avait des chiens, mais je n’ai pas vu d’expériences moi-même ».
Le Fort Fransecky a bien été évoqué lors des débats. A la lecture de ces débats, on peut conclure que les expériences du fort Fransecky ont bien été réalisées sur des chiens, des chats, des lapins, des hamsters et des singes. Malgré la présence de prisonniers russes dans au Fort Fransecky, aucune expérience avec des détenus n’a pu être prouvée.
Mais voyons la biographie et le sort réservé aux personnages qui ont eu un rôle plus ou moins important, pour le laboratoire du Fort Fransecky et pour les expériences menées dans le cadre de la « Reichsuniversität Strassburg ».
Au cours de ce procès le Dr. Karl Brandt a déclaré s’être rendu aux camps de concentration de Natzweiler avec Bickenbach, et aux camps de Mauthausen et Oranienburg. Il assura enfin que les expériences dont on lui avait rendu compte, comme celles de l’Ypérite, par Hirt, n’avaient pas de caractère de gravité.
Dr. Karl Brandt.
Le Dr. Karl Brandt, commissaire su Reich à la Santé, qui était devenu plénipotentiaire de Hitler, est condamné à mort en août 1947 et exécuté en juin 1948.
Professeur Dr. August Hirt.
Le Dr. Hirt réfugié en Forêt Noire, il se permet même de réfuter toutes les accusations qui ont été publiée par la presse. Mais face à l’avance de troupes françaises, il se suicide et est enterré sur place et sa tombe aurait été retrouvé ultérieurement.
Professeur Dr. Otto Bickenbach.
Otto Bickenbach est né le 11 mars 1901 à Ruppichterroth, une commune de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, près de Cologne. Après sa formation militaire, il commence suit des études de médecine, successivement à Cologne, Marbourg, Heidelberg et Munich. En 1933, il adhère dans un premier temps au parti nazi le « NSDAP » puis au SA « Sturmabteilung ».
Photographie du professeur Dr. Otto Bickenbach après son incarcération.
Il occupe un poste de médecin assistant au premier hôpital universitaire de Munich de 1928 à 1934, puis, en 1934, il est nommé directeur adjoint de l’hôpital de Fribourg-en-Brisgau. C’est dans cet hôpital qui participe notamment à l’expulsion des scientifiques juifs. En octobre 1934 il est promu médecin chef, puis nommé directeur adjoint d’un hôpital de Heidelberg, et c’est là qu’il collabore notamment avec l’entreprise chimique « I.G. Farbenindustrie ». En 1938 il passe l’agrégation à l’université de Heidelberg. En août 1939 il est convoqué pour son service militaire en tant que directeur adjoint d’un hôpital militaire tout en donnant des conférences à l’université de Heidelberg sur la pathologie et la thérapie des maladies dues au gaz de combat. C’est à cette occasion qu’il se plonge dans la lecture des ouvrages dont l’objet est le traitement des blessures occasionnées par les armes chimiques. Dans le cadre de son activité clinique, il a, au cours de l’été 1939, au l’occasion de traiter avec succès un patient souffrant d’un œdème pulmonaire consécutif à une maladie du cœur. Il a utilisé avec succès l’hirudine. C’est ce cas clinique qui lui donne l’idée d’expérimenter des anticoagulants contre les œdèmes du poumon résultant d’un empoisonnement au gaz phosgène. Il tombe par hasard sur un produit commercialisé sous le nom d’urotropine, une substance chimique dénommée hexaméthylènetétramine. En effet les études réalisées au cours de la première guerre mondiale avaient montré que le phosgène s’attaque à la membrane des vaisseaux capillaires et les rend perméables. Le poumon se rempli progressivement de sang, ce qui conduit à la mort après des heures de souffrance atroces. Ce produit avait déjà été ajouté aux filtres des masques à gaz pour fixer le chlore et protéger contre un empoisonnement au phosgène et il était utilisé pour traiter les méningites et les cystites. Cependant se produit n’avait jamais été utilisé sur le corps humain, avant ou après une intoxication au gaz phosgène.
06/05/197 : 1ère déposition du professeur Dr. Otto Bickenbach.
Otto Bickenbach réalise en février 1940, un vaste programme de travail pour vérifier son hypothèse. Parallèlement il effectue des expérimentations sur des animaux (chats, chiens et singes), à l’usine d’Elberfeld de « I.G. Farbenindustrie ». Il passe devant une commission militaire pour présenter ses dernières trouvailles. Mais cette dernière refuse de lui attribuer des fonds pour poursuivre les recherches. Bickenbach se porte candidat pour obtenir un poste à la « Reichsuniversität » de Strasbourg. Ce poste lui est attribué le 16 novembre 1941 en plus de la direction de la polyclinique médicale. Puis il devient directeur du département de biologie de l’Institut de recherche médicale à la faculté de médecine. Ce dernier, en cours de construction, n’ouvre ses portes qu’en mars 1944.
Le Dr Bickenbach est arrêté le 17 mars 1947. Le 6 mai 1947, à Strasbourg, le Pr. Bickenbach déposa devant le capitaine Margraff, juge d’instruction militaire : « Né le 11 mars 1901, à Ruppichteroth, près de Cologne, marié, avec deux enfants, il déclara qu’il avait fait ses études de médecine à Munich ; après avoir été chargé de cours à Heidelberg, il avait été nommé, en 1941, professeur de clinique médicale à l’Université de Strasbourg.
Il exposa comment il avait été amené à utiliser l’urotropine comme mesure préventive contre l’intoxication par le phosgène, ainsi que le déroulement des faits, depuis son arrivée à Strasbourg en 1941, jusqu’aux expériences : en 1943, l’ordre de Himmler de pratiquer des expériences humaines, son intervention auprès de Karl Brandt, les expériences sur lui-même au fort Ney, et finalement l’acceptation des expériences humaines, après le débarquement allié en Afrique du Nord. Bickenbach reconnut que ses expériences étaient contraires à l’éthique du médecin ; il avait cédé en raison des renseignements sur la grande quantité de phosgène qu’auraient entreposés les Alliés en Afrique, et le désir de protéger la population allemande contre les gaz : « Je suis prêt à vous donner tous les éclaircissements concernant mes travaux scientifiques et les expérimentations qui en ont résulté. Au cours de l’été 1939, alors que j’étais à la Faculté de médecine de Heidelberg, j’ai eu à traiter un cas particulièrement grave d’œdème pulmonaire, suite d’une affection cardiaque. Une saignée ne pouvait être opérée chez le malade en raison de la coagulation accélérée de son sang. J’ai eu l’idée d’employer « l’Hirudin » qui a la propriété de faire échec à la coagulation sanguine. A la suite de l’emploi de ce remède, l’état du malade s’est rapidement amélioré.
Après sa mobilisation, le 29 août 1939, j’ai reçu de mes chefs la mission de faire des conférences sur les effets des gaz. J’ai alors commencé de mon propre chef des recherches concernant les produits chimiques susceptibles de faire échec à la coagulation du sang, car j’ai eu l’impression que les effets du gaz phosgène pouvaient être combattus par des produits anticoagulants ; et j’ai été amené à envisager l’emploi de l’hexaméthylènetétramine. J’ai procédé à des expérimentations conduites avec toutes les règles de l’art et avec toute la rigueur scientifique, ont démontré que l’hexaméthylènetétramine, désigné sous le nom d’urotropine, constituait un moyen de protection efficace contre les effets asphyxiants du gaz phosgène ».
Il est jugé par le tribunal militaire français de Metz, en même temps que Haagen, et condamné aux travaux forcés à vie.
Le 14 janvier 1954 jugement est cassé par le tribunal militaire de Paris et le tribunal militaire de Lyon le condamne à 20 ans de travaux forcés en 1954.
En 1955 la peine est commuée en 10 ans de détention et Bickenbach est libéré le 18 septembre 1955.
A sa sortie de prison, Bickenbach demande sa réhabilitation en tant que médecin. Les historiens estiment que les terribles expérimentations menées sur des humains par Hirt et Bickenbach sur plus de 400 détenus ont fait environ 117 morts, dont certains sont décédés sans recevoir de soins après une longue agonie.
Une commission professionnelle de la RFA enquête sans consulter les actes du tribunal de Nuremberg et ceux des tribunaux français. En 1966 ils concluent par la scandaleuse décision que le Dr. Bickenbach n’a pas mené d’actes contraires au serment d’Hippocrate et qu’il peut reprendre ses activités de médecin ; il décède le 26 novembre 1971 à Siegburg.
Conclusion
En conclusion et pour compléter le sujet nous vous conseillons vivement de visiter le site du camp du Struthof, son musée et le Centre Européen du Résistant Déporté apportent pas mal d'informations sur le sujet. Vous pouvez également consulter les ouvrages cités.
Sites Internet : https://www.struthof.fr/home/ et "Le nom des 86" ; un film de Emmanuel Heydt et Raphaël Toledano : https://www.lenomdes86.fr/les86.html
Voici une partie des ouvrages qui traitent du sujet et qui ont servis à traiter ce sujet :
Dr. François Baylé, Médecin en Chef de 2ème classe de la Marine, spécialiste de neuro-psychiatrie des Hôpitaux, de l'Office Militaire de Sécurité, membre de la Commission scientifique française des Crimes de Guerre en octobre 1946, Croix gammée contre caducée, Revue historique de l'Armée, Paris, 1950.
Charles Béné : L'Alsace dans les griffes nazies, tomes 1 à 7 ; 1971 à 1988.
Henry Allainmat, Auschwitz en France. La vérité sur le seul camp d'extermination nazi en France : Le Struthof, Presse de la Cité, Paris, 1974.
Alexander Mitscherlich und Fred Mielke, Medezin ohne Menschlichkeit. Dokumente. Dokumente des Nürnberger Ärzteprozesses, Fischer Taschenbuch Verlag GmbH., Frankfurt-am-Main, 1989.
Robert Steegmann, Struthof, Editions La Nuée Bleue - DNA, Strasbourg, 2005.
Florian Schmalz, Otto Bickenbach's human experiments with chemical warfare agents and the concentration camp Natzweiler, Man, Medecine, and the State : The Human Body as an Objekt of Government, Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 2006.
Jean-Laurent Vonau, Le Gauleiter Wagner, Edition La Nuée Bleue / DNA, Strasbourg, 2011.
Jean-Laurent Vonau, Profession bourreau, Struthof, Schirmeck. Les gardiens face à leurs juges, Editions La Nuée Bleue - DNA, Strasbourg, 2013.
Et nos remerciements au Dr. R. Toledano pour les renseignements donnés sur ce sujet. Dans la galerie de photographies on trouvera de nombreuses photographies des restes de ce laboratoire si peu connu.
06/1948 : Le Dr. Karl Brandt, commissaire su Reich à la Santé, qui était devenu plénipotentiaire de Hitler, est condamné à mort en août 1947 et exécuté en juin 1948.
Le fort Ney, lieu d’exécution
03/05/1946 : Les responsables de l’administration nazi en Alsace et Pays de Bade ont été condamnés à mort le 3 mai 1946 par le tribunal militaire de Strasbourg ; le pourvoi en cassation est rejeté le 24 juillet 1946 : il s’agit de Robert Heinrich Wagner (nom réel Backfisch), Gauleiter ; de Hermann Gustav Philippe Röhn, Vice-Gauleiter ; de Walter Martin Gädeke, Oberregierungsrat, ancien chef de bureau et de Adolphe Schuppel, ex-Gaustabsamtsleiter (directeur général de l’administration du Gau).
14/08/1946
3h30 : Fort Ney, lieu d’exécution. Le 14 août 1946, à 3h30, les condamnés sont réveillés dans leur cellule de la prison militaire de Strasbourg, à la Citadelle. On les informe que le Général De Gaulle avait rejeté le recours en grâce et qu’il laissait libre cours à la justice. Après avoir reçu une dernière collation et écrit à leurs familles. Puis le fourgon cellulaire encadré par des gendarmes part à vive allure en direction du fort Ney.
4h50 : Fort Ney, lieu d’exécution. Le convoi arrive au fort Ney à 4h50. Au milieu de la cour se dresse quatre poteaux d’exécutions…. Robert Wagner ancien Gauleiter qui a instauré le service militaire obligatoire pour les Alsaciens, Karl Buck ancien commandant du camp de redressement de Schirmeck-Vorbrück et 3 fonctionnaires de la Gauleitung sont fusillés au Fort Ney. Wagner aurait crié juste avant l’exécution « Vive Grande Allemagne ! Vive Adolphe Hitler ! – Sieg Heil ! ». Les autres répondirent par des slogans nazis analogues juste avant l’exécution. Ce court récit est extrait de l’ouvrage de Jean-Laurent Vonau : profession bourreau, éditions La Nuée Bleue, 2013, dont je vous conseille la lecture. Cette exécution ferme le long chapitre du fort Ney pendant la seconde guerre mondiale.
Après la guerre : 1945 – 1950.
14/01/1946 : Le 14 janvier 1946, la Direction du Génie établie une liste des ouvrages de fortification des 3 départements de l’ancien Reichsland Alsace-Lorraine.
Pour le Fort Ney, qui était alors classé comme ouvrage de 1ère série (ouvrage à entretenir), la Section technique des Bâtiments Fortifications et Travaux précise : « Ouvrage en très bon état ayant encore toutes les installations intérieures (chauffage central). Equipé en laboratoire d’essais physiologiques des gaz de combat ; CC = ouvrage à conserver classé ».
1946 : le fort et le terrain attenant « Beckenwoerth » sont à priori utilisés en tant que terrain d’exercice.
05/05/1947 : Le service du génie établi des plan de masse à l'échelle 1/500 des forts de Strasbourg, dont celui du Fort Ney datant du 5 mai 1947.
Fort Ney : plan de masse échelle 1/500 du service du génie.
Source : collection MJR.
Le fort Ney terrain militaire et d’exercice
1970 environ : vers les années 1970-1977 le fort Ney est utilisé comme annexe du centre d’instruction commando n°7 de Kehl. Il comportait des pistes et des parcours d’évasion.
Novembre 1977 : installation devant la caserne du front gauche © Jacques Gradwohl
Vers 1997 : les équipements du parcours d’évasion sont démantelés par le 1er RG.
2011 : le fort et le terrain d’exercice entre dans le giron de l’ECI n°4 et sont gérés par le 2e régiment de hussards stationné au camp d’Oberhoffen.
Que reste-t-il des laboratoires nazis du Fort Fransecky
Aile gauche du niveau 1
Voici le plan succinct du laboratoire du fort Ney, d’après les relevés effectués par MJR en 2005-2015.
Pièce 105 : ce premier plan concerne le couloir latéral gauche n°105 et l’escalier d’accès à la traverse-abri pièce n°151, qui dessert les locaux sanitaires & vestiaires pièces n°104, installés dans les anciens locaux d’artillerie.
Source : plans MJR, tous droits réservés.
Pièce 126 : au fond le grand couloir transversal n°126 qui dessert les diverses travées casematées.
Pièce 105 : réservée aux expérimentations, comprend une grande chambre gaz de 20 m3, comprenant 5 panneaux vitrés et une porte vitrée aujourd’hui disparue. Une petite chambre à gaz et un petit évier. Les deux chambres à gaz sont vitrées et reliée à un système d’évacuation relié à la grande cheminée installée sur le parapet d’artillerie. Etat : les vitres des chambres à gaz sont détruites, le système de récupération des gaz au-dessus de la grande chambre à gaz est détérioré.
Photographie © MJR-20170124-A49988.
Grande chambre à gaz d’une capacité de 20 m3.
Photographie © MJR-20140215-A42765.
Petite chambre à gaz de la pièce n°105. Devant on aperçoit l’emplacement de la porte vitrée.
Source : photographie © MJR-20140115-A42768.
Pièce 106 : comprend près de l’entrée une douche de décontamination avec une grille d’aspiration des gaz. Dans l’autre partie un laboratoire muni d’une grande table avec 4 becs à gaz, un grand évier, un emplacement pour un petit évier.
Pièce 107 : comprend un grand évier, un emplacement pour une grande table de laboratoire centrale dont il ne reste que l’arrivée de câbles électriques, aujourd’hui disparue, une grande table de laboratoire placée le long du mur de séparation avec becs à gaz, table aujourd’hui disparue et 2 petits éviers. Sur l’autre mur de séparation on trouve un petit caniveau en béton surmonté d’un dispositif à priori destiné à fixer des cages.
1er étage de l’aile gauche : les pièces 108 à 111.
Voici le plan succinct du laboratoire du fort Ney, d’après les relevés effectués par MJR en 2005-2015.
Source : plans MJR, tous droits réservés.
Pièce 108 :
Laboratoire d’essais du phosgène comprenant une grande table de laboratoire centrale, un emplacement pour un lavabos, aujourd’hui disparu. Au-dessus de la porte un support pour un ventilateur électrique, aujourd’hui disparu.
Photographie © MJR-20170124-A49993.
Pièce 113 : laboratoire, comprenant une grande table de laboratoire centrale avec colonnes maçonnées et becs à gaz. Sur le mur intermédiaire une grande table de laboratoire.
Le fort Ney, lieu d’exécution
03/05/1946 : Les responsables de l’administration nazi en Alsace et Pays de Bade ont été condamnés à mort le 3 mai 1946 par le tribunal militaire de Strasbourg ; le pourvoi en cassation est rejeté le 24 juillet 1946 : il s’agit de Robert Heinrich Wagner (nom réel Backfisch), Gauleiter ; de Hermann Gustav Philippe Röhn, Vice-Gauleiter ; de Walter Martin Gädeke, Oberregierungsrat, ancien chef de bureau et de Adolphe Schuppel, ex-Gaustabsamtsleiter (directeur général de l’administration du Gau).
14/08/1946
3h30 : Fort Ney, lieu d’exécution. Le 14 août 1946, à 3h30, les condamnés sont réveillés dans leur cellule de la prison militaire de Strasbourg, à la Citadelle. On les informe que le Général De Gaulle avait rejeté le recours en grâce et qu’il laissait libre cours à la justice. Après avoir reçu une dernière collation et écrit à leurs familles. Puis le fourgon cellulaire encadré par des gendarmes part à vive allure en direction du fort Ney.
4h50 : Fort Ney, lieu d’exécution. Le convoi arrive au fort Ney à 4h50. Au milieu de la cour se dresse quatre poteaux d’exécutions…. Robert Wagner ancien Gauleiter qui a instauré le service militaire obligatoire pour les Alsaciens, Karl Buck ancien commandant du camp de redressement de Schirmeck-Vorbrück et 3 fonctionnaires de la Gauleitung sont fusillés au Fort Ney. Wagner aurait crié juste avant l’exécution « Vive Grande Allemagne ! Vive Adolphe Hitler ! – Sieg Heil ! ». Les autres répondirent par des slogans nazis analogues juste avant l’exécution. Ce court récit est extrait de l’ouvrage de Jean-Laurent Vonau : profession bourreau, éditions La Nuée Bleue, 2013, dont je vous conseille la lecture. Cette exécution ferme le long chapitre du fort Ney pendant la seconde guerre mondiale.
Après la guerre : 1945 – 1950
14/01/1946 : Le 14 janvier 1946, la Direction du Génie établie une liste des ouvrages de fortification des 3 départements de l’ancien Reichsland Alsace-Lorraine.
Pour le Fort Ney, qui était alors classé comme ouvrage de 1ère série (ouvrage à entretenir), la Section technique des Bâtiments Fortifications et Travaux précise : « Ouvrage en très bon état ayant encore toutes les installations intérieures (chauffage central). Equipé en laboratoire d’essais physiologiques des gaz de combat ; CC = ouvrage à conserver classé ».
1946 : le fort et le terrain attenant « Beckenwoerth » sont à priori utilisés en tant que terrain d’exercice.
Accès et visites
Propriétaire
1872 – 21/11/1918
Ouvrage de fortification de l’empire allemand / Befestingungsanlage von Deutschen Reich.
Le terrain appartenant au service des fortifications est délimité par des bornes portant un marquage « F.G. », c’est-à-dire terrain des fortifications « Festungs-Gelände ».
22/11/1918 – 18/06/1940
Terrain militaire français.
19/06/1940 – 22/11/1944
Terrain militaire allemand.
23/11/1944 – A nos jours
Terrain militaire français. Le fort est utilisé en tant que terrain d’exercice par les unités de la région. Il est géré par le 2ème régiment de hussards à Haguenau. Par ailleurs, une association de pêche a accès aux deux rives du fossé plein d’eau et une association de chasse pratique ses activités sur l’ensemble du terrain d’exercice du Beckenwoerth. L’accès au site sans autorisation est interdit.
Source : Wikimapia 2017 - Annotations du CESFS
Les traces laissés par les anciens occupants
Traces de la garnison allemande
1872 – 22 Novembre 1919
Pendant la période de l’empire allemand, les graffitis réalisés par les différents occupants sont extrêmement rares. A priori la discipline allemande ne permettait pas que le soldat y laisse des traces. On se contentera donc essentiellement des inscriptions officielles et des décors qui ont été autorisés.
Traces de la garnison française / Spuren der französichen Garnison
1919- juin 1940
A priori pendant cette période, la discipline est un peu plus relâchée qu’à l’époque allemande et quelques soldats graves souvent leur nom et l’année de leur classe de service militaire sur les murs du fort, essentiellement aux emplacements où ils ont monté la garde. On trouve également quelques inscriptions officielles.
Traces de la garnison allemande pendant la seconde guerre mondiale
Septembre 1939 – 18 juin 1940
A priori après la mobilisation générale, le grand magasin à poudre sous le flanc droit a été transformé en salle des fêtes et cinéma comme une partie des autres grands forts. Un décor de station de métro a été peint sur les murs.
Faits divers – Accidents – Evénement divers - Dégradations
07/10/1872 : un journal local nous apporte les précisions suivantes : les travaux de déboisement de la forêt communale sur le terrain du futur Fort I à la Robertsau, au lieu-dit « Niederwald », doivent être accélérés.
05/12/1872 : un journal local rend compte des polémiques au sujet de l’estimation de la forêt du Rhin au Beckenwoerth pour la construction du futur Fort I. Ces informations proviennent du compte rendu de la séance du conseil municipal du 15 novembre 1872. Ce sont 22 hectares de forêt qui ont été sacrifiée pour la construction de ce fort. Le litige porte sur la mesure approximative de la surface à déboiser qui serait loin de la surface réelle.
19/09/1873 : incendie dans la cantine du fort Fransecky. Vers 19h30, un incendie s’est déclaré dans la cantine de M. Geißler au Fort Fransecky et en l’espace de trente minutes l’établissement était en cendre, encore avant l’arrivée d’une pompe à incendie. Le propriétaire n’est revenu de Strasbourg qu’à 19 heures après que tous ses bien aient brûlés. Il est assuré pour un montant de 24 000 francs par la société « La Patrie ». Une enquête est en cours.
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